Le péril communiste retombé, c’est la fleur au fusil que les abris antiatomiques se sont peu à peu écartés de leur affectation initiale. Leur épaisse structure et leur porte blindée servent désormais à fortifier la cave à vins, l’atelier de bricolage ou le local à bazar que les propriétaires y ont aménagé. En début d’année, le Parlement semblait même prêt à stopper la prolifération de ces reliquats de la guerre froide. C’était compter sans l’effet Fukushima, qui a finalement incité les Chambres fédérales, le 8 juin dernier, à assouplir la loi sans pour autant la révolutionner (lire encadré).
Pas de remboursement possible
Comme l’avait relevé notre enquête (lire «Protection civile: l’abri ou la taxe?», 6/2006), les propriétaires qui ont le choix préfèrent bien souvent payer une taxe – intitulée «contribution de remplacement» – qu’équiper leur sous-sol d’un abri. Cela a, d’ailleurs, été le cas de Bruno*, qui a construit une maison à la fin des années 80 au pied du Jura vaudois:
«A l’époque, nous ne voulions pas excaver notre maison pour des raisons économiques. Nous avons donc choisi de payer la contribution de remplacement pour quatre places, soit 8000 fr. à la commune.»
Avec une telle somme, notre lecteur vaudois s’attendait à ce que de nouveaux abris publics voient le jour au village. Or, 25 ans plus tard, c’est le statu quo. «Comme nous allons bientôt déménager, nous nous demandions si le remboursement des 8000 fr. était possible, étant donné que rien n’a été fait». Eh bien non! Car, comme le précise la loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi), les contributions de remplacement restent propriété des communes et peuvent être affectées à d’autres mesures de protection civile…
Taxe à la baisse
La révision de la LPPCi adoptée en juin ne change rien en la matière, si ce n’est que les taxes seront encaissées par les cantons. En revanche, les propriétaires de nouvelles constructions ne la paieront plus aussi cher: «Globalement, elle sera réduite de moitié. Son maximum variera entre 400 et 800 fr. la place selon le canton, alors qu’il atteint aujourd’hui 1500 fr.», détaille Pascal Aebischer, porte-parole de l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP).
Quant aux propriétaires qui disposent de leur propre abri, ils apprécieront la nouvelle ordonnance sur la protection civile (OPCi) qui élargit l’affectation des taxes. Jusqu’ici attribuées à la construction et à l’entretien des abris publics, elles financeront également la modernisation des ouvrages privés. «Cela englobe des mesures comme la réparation ou le remplacement du système de ventilation, illustre Pascal Aebischer. Les propriétaires d’immeubles concernés seront ainsi déchargés financièrement.»
*Nom connu de la rédaction.
Une loi assouplie en douceur
Avec 8,6 millions de places dans les abris antiatomiques pour une population de 7,9 millions d’habitants, la Suisse pulvérise tous les records. Ce taux de couverture lancinant (109%) n’a pas suffi à enterrer l’obligation d’en construire de nouveaux.
Adoptée par les Chambres fédérales en juin dernier, la révision de la loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi) n’a été que légèrement assouplie. Ainsi, l’obligation de construire concernera désormais les immeubles comptant plus de 38 pièces, alors qu’elle s’appliquait jusqu’ici à partir de 9 pièces.
Par ailleurs, les «petits abris» devront, désormais, offrir 25 places au moins, ce qui exclut presque les petits propriétaires, qui n’auront plus qu’à payer la contribution de remplacement.
Selon Pascal Aebischer, porte-parole de l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP), l’entrée en vigueur de la nouvelle LPPCi est prévue le 1er janvier 2012. Mais, comme la révision de l’ordonnance sur la protection civile (OPCi) ne devrait pas être finalisée à cette date, un retard de quelques mois paraît inéluctable.