«Depuis une année et demie, nous constatons une épidémie d’allergies de contact à des produits contenant de la méthylisothiazolinone (MIT). Il n’y a pas une semaine sans que nous soyons confrontés à un cas», prévient le dermatologue Pierre Piletta, médecin associé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Cet agent conservateur au nom (quasi) imprononçable peut provoquer de l’eczéma – croûtes, rougeurs, lésions dermatologiques, etc. – au contact de la peau. Il est utilisé depuis la disgrâce des parabènes (lire encadré) et se retrouve dans de nombreux cosmétiques. On pense notamment aux shampoings, produits de douches, soins corporels, gel pour cheveux et même dans des soins pour bébés, comme les lingettes et les lotions hydratantes. Des marques connues sont concernées, comme Nivea, L’Oréal, Schwarzkopf, Dove ou encore Pantene. On en trouve aussi dans des articles ménagers ou à usage industriel, comme les liquides vaisselle ou les peintures.
Regarder les ingrédients
Fort heureusement, sa présence est clairement mentionnée dans la liste des ingrédients. Il est donc facile de l’éviter. De plus, son éventuelle responsabilité est aisément établie en cas d’allergie, grâce à un simple test épicutané.
Reste encore à combattre le mal à la racine. Or, la situation évolue dans le bon sens. Face à l’ampleur du problème, plusieurs Etats membres de l’UE avaient demandé à la Commission européenne d’agir. Cette dernière a requis l’opinion du Comité scientifique de sécurité des consommateurs (SCCS). Il s’agissait de déterminer si la concentration maximale autorisée de MIT (0,01% soit 100 ppm) dans les cosmétiques était bien sans danger. Or, dans sa prise de position du 12 décembre, le SCCS conclut notamment que, «pour les produits non rincés, aucune concentration sûre n’a pu être démontrée de façon adéquate».
«Cette opinion a donné lieu à une consultation publique. Le comité doit évaluer les résultats de cette dernière, puis une modification de la loi sera proposée aux Etats membres, qui voteront à la fin de cette année ou au début de 2015. La Suisse suivra la législation européenne en temps voulu lorsqu’elle sera modifiée», explique Sabina Helfer, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).
Réactions des marques
Le lobby cosmétique, de son côté, a réagi très rapidement. Son organisation faîtière, Cosmetics Europe, a publié, le 13 décembre, un avis recommandant tout simplement de ne plus utiliser de MIT dans la fabrication de produits cosmétiques non rincés. Fait significatif, l’association conseille même de ne pas attendre les changements législatifs et d’agir «aussi rapidement que possible». Une recommandation reprise par l’Association suisse des cosmétiques et des détergents (SKW), membre du réseau européen.
Face à ces récents développements, certains fabricants ne sont pas restés les bras croisés. L’Oréal, par exemple, nous a déclaré «s’être engagé à ne plus développer de nouveaux produits de soin de la peau non rincés contenant de la MIT et remplacer progressivement cette substance dans sa gamme existante». Beiersdorf, propriétaire de Nivea, nous a, de son côté, annoncé «avoir décidé de supprimer la MIT aussi vite que possible de tous les produits concernés, avec une échéance maximale fixée au début 2015». Une bonne nouvelle pour les adultes, mais aussi pour les plus petits: plusieurs articles de Nivea pour enfants contiennent de la MIT, dont des lingettes et des lotions hydratantes.
D’autres enfin, comme P&G (Pantene, Head & Shoulders), nous ont dit suivre la situation attentivement, mais limiter l’utilisation de MIT à des produits très spécifiques, principalement «très dilués à l’usage ou destinés à être rincés comme les shampoings par exemple».
Sébastien Sautebin
Éclairage
Un remède sur le banc des accusés
La MIT a commencé à se répandre sur le marché en 2006. En fait, cet agent conservateur dont le rôle est d’empêcher le développement des micro-organismes n’est pas nouveau. Il a été largement utilisé autrefois combiné avec de la chloromethylisothializone sous le nom de Kathon-CG. Celui-ci a été progressivement abandonné au profit des parabènes, qui ont l’avantage d’être beaucoup mieux tolérés du point de vue dermatologique. Mais ces derniers ont ensuite été suspectés d’avoir des incidences toxicologiques, à savoir d’être des perturbateurs endocriniens. La MIT a alors été considérée comme une bonne solution de remplacement, jusqu’à ce qu’elle se retrouve, à son tour, sur le banc des accusés.