L’eau minérale n’est rien d’autre que de l’eau de pluie tombée il y a plusieurs années et qui s’est infiltrée profondément dans la croûte terrestre. Durant ce laps de temps, l’eau s’enrichit de particules naturelles du sol, tels les minéraux.
Selon la législation suisse, la dénomination «eau minérale naturelle» s’applique aux eaux provenant d’une source souterraine bien spécifique et microbiologiquement irréprochable. Les minéraux qu’elle contient doivent être présents naturellement (sans quoi elle prend l’appellation «eau minérale artificielle ») et leur teneur doit être constante, ou du moins dans la limite des variations naturelles.
La dénomination des eaux pétillantes, elle, varie selon l’origine du gaz carbonique. S’il est présent naturellement, on parle d’«eau minérale naturelle gazeuse». S’il est ajouté artificiellement, en revanche, l’appellation devient «eau minérale naturelle avec adjonction de gaz carbonique». Enfin, le terme «eau gazeuse» désigne une eau potable additionnée de gaz carbonique, mais qui ne répond pas aux critères des eaux minérales.
A quelques exceptions près, les eaux minérales naturelles ne peuvent subir ni traitement (p. ex. pour les purifier) ni adjonctions (p. ex. pour renforcer leur teneur en minéraux), exception faite du gaz carbonique.
Eau minérale ou eau du robinet?
Laquelle est la plus propre?
En Suisse, l’eau du robinet est d’excellente qualité. A quelques petites variantes près, elle est soumise, au minimum, aux mêmes exigences de qualité que les eaux minérales. Il est donc faux de penser que ces dernières sont plus propres ou plus pures.
Toutes deux ont aussi leurs faiblesses. Ainsi , nos tests montrent régulièrement la présence de substances étrangères, voire nocives, dans plusieurs eaux minérales (acétaldéhyde, uranium, pesticides et édulcorants, par exemple, dans notre test du numéro de septembre 2016. De son côté, l’eau du robinet n’est pas toujours irréprochable, à plus forte raison lorsqu’on la boit sans l’avoir d’abord laissé s’écouler: notre test de 2011 l’a prouvé.
Laquelle est la plus saine?
On croit souvent que l’eau minérale contient plus de minéraux que celle du robinet. C’est souvent le cas, mais pas toujours! Depuis 1995, l’appellation «eau minérale naturelle» n’est plus conditionnée par une teneur minimale en sels minéraux. Un test réalisé en 2014 par Bon à Savoir a par exemple montré que l’eau du robinet de la ville de Zurich contient plus de calcium que 4 des 20 eaux minérales les plus vendues en Suisse, et plus de magnésium que 5 d’entre elles.
En outre, les besoins en minéraux des individus changent en fonction de leurs habitudes alimentaires et de leur activité. Une personne qui mange régulièrement des produits laitiers n’aura, par exemple, pas besoin de consommer une eau riche en calcium. En cas de carence avérée, en revanche, il peut être intéressant de choisir une eau minérale en fonction de sa composition en minéraux (lire plus bas, sous: «Les minéraux à privilégier ou à éviter»).
Laquelle est la moins chère?
Sans surprise, l’eau du robinet coûte, en Suisse, entre 100 et 1000 fois moins cher que l’eau minérale en bouteille! Et ceci sans tenir compte du coût écologique engendré, notamment, par la fabrication et le recyclage du PET ou encore le transport des bouteilles.
Le prix de l’eau minérale, lui, varie considérablement en fonction de la marque: de 25 ct. les 1,5 litre pour les eaux de la gamme «budget » des grands distributeurs à plusieurs francs pour les eaux de luxe distribuées par certains magasins et épiceries fines. Dans tous les cas, c’est le marketing plus que la qualité de l’eau qui influence les prix. Nos tests montrent régulièrement que le prix d’une eau minérale n’influence ni sa pureté ni sa teneur en minéraux.
Quid des machines à soda?
Les inconditionnels de l’eau gazeuse qui rechignent à l’acheter en bouteille peuvent gazéifier eux-mêmes leur eau du robinet au moyen d’une machine à soda. Notre test, mené en 2014, a montré que celles-ci sont efficaces, mais pas forcément rentables. Par exemple, une famille qui boit 10 litres d’eau gazeuse paiera, en une année, environ 300 fr. en utilisant une telle machine. C’est moins que si elle avait acheté une eau gazeuse de marque , mais nettement plus que si elle avait consommé de l’eau minérale gazeuse M-Budget.
Les minéraux à privilégier ou à éviter
Les eaux vendues dans le commerce contiennent des minéraux en quantité très variable. Selon ses besoins spécifiques, il peut être plus intéressant de boire telle eau plutôt que telle autre. La teneur des principaux d’entre eux est, la plupart du temps, indiquée sur l’étiquette. Leurs caractéristiques respectives sont les suivantes:
Bicarbonates
Indiqués lors d’un repas copieux, car ils favorisent la digestion et aident l’organisme à neutraliser l’acidité produite par l’estomac. On en trouve en grande quantité dans l’eau de Vichy, ou encore la Badoit.
Calcium
Bon pour la santé des os. Sa teneur peut varier de moins de 10 à plus de 500 mg/l suivant les marques. L’apport de calcium recommandé étant de 1000 mg par jour, il correspond par exemple à deux litres d’une eau fortement chargée en calcium (Contrex, Eptinger notamment). L’eau du robinet en contient, en Suisse romande, entre 50 et 100 mg/l.
Magnésium
Il joue un rôle essentiel dans le fonctionnement des muscles (production d’énergie, prévention des crampes), du système nerveux (résistance au stress) et du rythme cardiaque. Il est particulièrement recommandé pour les enfants et les sportifs, de même que pour les personnes qui consomment peu de céréales complètes et de légumineuses. La dose quotidienne recommandée oscille entre 300 et 350 mg, soit 3 à 4 litres d’une eau fortement chargée en magnésium (Eptinger, Badoit notamment).
Nitrates
Soupçonnées d’entraver le transport de l’oxygène jusqu’aux cellules, elles sont à éviter, surtout chez les nourrissons. La législation suisse en tolère 50 mg/l dans l’eau minérale et 40 mg/l dans l’eau potable. Parmi les eaux minérales les plus courantes, l’Henniez est celle qui en contient le plus (13.9 mg/l), mais elle reste en deçà du seuil de tolérance.
Potassium
Bon pour la santé, mais présent en quantité insignifiante dans les eaux minérales. Une seule banane en contient par exemple près de neuf fois plus qu’un litre de Vichy, l’eau qui en contient le plus.
Silicium
Bon pour la santé, mais présent en faible quantité dans la plupart des eaux minérales. Les nutritionnistes considèrent que les besoins quotidiens du corps en silices sont largement couverts par l’alimentation.
Sodium
L’alimentation actuelle, généralement trop riche en sel (chlorure de sodium), rend très peu probable une carence en sodium, sauf peut-être chez les sportifs pendant l’effort, car la sudation provoque des pertes importantes en sels minéraux. Les personnes à la tension artérielle trop élevée devraient éviter les eaux trop sodiques (Vichy, Badoit notamment), même si les producteurs d’eaux minérales sodiques prétendent qu’au contraire du chlorure de sodium, celui présent dans leur eau n’induit ou n’aggrave pas l’hypertension artérielle.
Sulfates
Le soufre est bon pour la formation de la peau et des cheveux, mais les eaux qui en contiennent plus de 1000 mg/l (Contrex, Eptinger) peuvent avoir un effet laxatif.
Le tableau à télécharger donne la composition en minéraux des eaux minérales couramment vendues en Suisse, et de l’eau du robinet des principales villes de Suisse romande.
Les substances indésirables
Celles-ci ne sont, malheureusement, pas indiquées sur les étiquettes… Les différents tests en laboratoire que nous avons réalisés ces dernières années nous ont toutefois permis d’identifier les substances suivantes dans certaines eaux minérales ou du robinet:
Acétaldéhydes
Ils se forment lors de la fabrication du PET, le contenant de la quasi-totalité des bouteilles d’eau que l’on trouve dans les magasins. Si leur teneur atteint 15 mg/l – et c’est le cas dans beaucoup d’eaux minérales – , ils altèrent le goût de l’eau en la rendant sucrée. On peut éviter cette substance – à priori non nocive pour la santé – en achetant de l’eau minérale en bouteille de verre, à condition d’en trouver!
Ammonium
Il provient la plupart du temps d’une pollution organique, telle que le purin ou un processus de pourriture, et sa teneur ne devrait pas être supérieure à 0.1 mg/l, selon Ordonnance du DFI sur les substances étrangères et les composants dans les denrées alimentaires. Nous en avions retrouvé dans une eau minérale à une teneur trois fois supérieure à cette recommandation lors d’un test qui remonte à 1998. Ses effets directs sur la santé sont encore assez méconnus.
Antimoine
On retrouve cet élément dans la fabrication du PET, et il est susceptible de migrer vers l’eau minérale La valeur de tolérance en Suisse se situe à 5 microgrammes par litre. Le Centre international de recherche sur le cancer l’a classé comme possiblement cancérigène pour l’homme.
Arsenic
La valeur limite de cette substance nocive est fixée à 10 µg/l. Lors d’un test de 2014, trois bouteilles sur 20 en contenaient de 2 à 5 µg/l. C’est moins que les normes admises, mais comme les autres marques arrivent à commercialiser des produits sans arsenic, toutes devraient être capables d’en faire autant.
Germes
Contrairement à l’eau minérale, l’eau du robinet subit divers traitement pour la débarrasser des germes nocifs (ozone, chlore, UV). Raison pour laquelle cette dernière est souvent moins chargée en germes que son homologue minérale. Ces dernières années, nos différents tests n’ont, heureusement, jamais mesuré un taux de germes qui ne permettrait plus à l’eau d’être considérée comme «bonne» par les spécialistes.
Nickel
Lors de notre test des eaux du robinet en 2011, ce métal lourd a été retrouvé en concentration supérieure à la valeur limite européenne (20 µg/l) à Genève et à La Tour-de-Trême (Frbg). Les fournisseurs de ces deux réseaux expliquaient ces résultats par un contact prolongé de l’eau avec les conduites du bâtiment ou le revêtement chromé protégeant la robinetterie. D’où l’importance de laisser couler l’eau avant de la boire.
Pesticides
On peut en rencontrer à la fois dans les eaux du robinet et dans certaines eaux minérales. Dans nos tests, leur teneur est toujours restée en deçà des normes légales, mais l’effet d’un cocktail de telles substances, nocives pour la santé, est jugé inquiétant par plusieurs spécialistes.
Uranium
Il s’agit d’un métal lourd qui n’est pas anodin pour la santé. Il peut endommager les reins, le cerveau et les os. Comme il provient de la roche, on le retrouve en quantité différente dans les eaux de source selon leur provenance géographique. La Suisse est trois fois plus laxiste que l’Allemagne en matière de teneur en uranium tolérée (30 µg/l. contre 10). Certains experts considèrent même qu’une présence de 2 µg/l. ne devrait pas être dépassée. De l’uranium a pourtant été détecté dans 11 des 18 eaux lors notre dernier test, en septembre 2016.
Conseils et précautions
En Suisse, hors considérations gustatives personnelles, il n’y a aucune bonne raison de consommer de l’eau en bouteille plutôt que de l’eau du robinet. Elle est moins chère, plus écologique et tout aussi saine.
L’eau qui stagne dans la tuyauterie des habitations pouvant s’altérer (développement de bactéries si sa température augmente, contamination au plomb ou au nickel), il est recommandé de la laisser couler avant de la boire, notamment le matin ou au retour des vacances. Les analyses officielles sont même effectuées après cinq minutes d’ouverture du robinet, mais là, bonjour le gaspillage…
Les jeunes enfants et les adultes ne souffrant pas de carences devraient privilégier les eaux faiblement minéralisées afin d’éviter les excès, notamment en sodium. Ces dernières ne devraient être consommées que pour combler une carence bien identifiée, ou par les sportifs pour compenser les pertes dues à la transpiration lors d’efforts intenses.
Etat au 7 septembre 2016