Le projet «Prévoyance 2020» permet-il réellement de bénéficier d’une même retraite qu’avec le système actuel? Nous avons voulu le vérifier avec une simulation réaliste, incluant un employé célibataire de 25 ans qui entre dans la vie professionnelle en 2017 et prendra sa retraite 40 ans plus tard, en 2057.
Son salaire actuel (6000 fr. par mois, sans 13e) est indexé chaque année (moyenne de 1,4%), sans plus. Il reste, ainsi, dans ce qu’on appelle la «part obligatoire» de la prévoyance professionnelle, la seule concrètement touchée par la baisse du taux de conversion (lire article «Un fragile mikado»). Et il va donc terminer sa carrière avec un revenu de 10 319 fr., ce qui, compte tenu de l’inflation (estimée à 1% par an), représente 6860 fr. aujourd’hui.
Avec le système actuel, il touchera, en 2057, une rente AVS de 3223 fr. et une rente LPP de 2392 fr. Revenu mensuel total pour sa retraite: 5615 fr. (correspondant à 3724 fr. aujourd’hui).
Taux de conversion réduit
Nous avons ensuite refait scrupuleusement le même calcul avec les modifications prévues dans le cadre de la réforme «Prévoyance 2020» (y compris le supplément AVS), pour constater que le revenu mensuel total dépassera de 40 fr. celui obtenu avec le système actuel.
Donc, oui, la compensation est bel et bien réelle. Mais, pour cela, notre travailleur aura payé, durant toute sa vie professionnelle, un supplément (cotisations AVS + LPP et hausse de TVA) de 32 540 fr. par rapport au système actuel, et son employeur de 28 370 fr. environ. On parvient donc à une rente à peu près identique «grâce» à un supplément versé tant à la Confédération (AVS et TVA) qu’aux caisses de pension (LPP) de presque 61 000 fr.
Les femmes paient le prix fort
Et, évidemment, l’effort est bien plus gigantesque pour une femme, puisqu’elle perd une année de rente (tant pour l’AVS que le 2e pilier) et, a contrario, paie une année de cotisations supplémentaires. Le système 2020 lui «coûte» donc environ 82 000 fr. de plus par rapport à son homologue masculin. Si vous ajoutez cette somme au supplément calculé ci-dessus, une travailleuse va donc perdre quelque 143 000 fr. par rapport au système actuel, pour toucher, in fine, une rente LPP légèrement supérieure.
Génération transitoire
L’équilibre n’est toutefois possible que sur une bonne partie de sa vie professionnelle. Pour compenser la réduction du taux de conversion, il faut, en effet, augmenter le capital grâce à la hausse des cotisations entre 35 et 54 ans et à la diminution de la déduction de coordination (lire lexique à la page 20), qui permet de cotiser sur une plus grande partie du salaire réel.
Les assurés qui cotisent depuis de nombreuses années déjà dans les conditions actuelles ne parviendront pas à obtenir un capital suffisant. La Confédération a donc prévu un système de compensation permettant aux assurés nés avant ou en 1973 de bénéficier d’une rente identique à celle qu’ils obtiendraient si la réforme ne passe pas. Mais dès le millésime 1974, plus rien!
Là encore, nous avons comparé les deux situations avec une simulation réaliste, incluant deux travailleurs nés, respectivement, en 1973 et 1974, et prenant donc leur retraite en 2038 et 2039.
Résultat de notre simulation: l’assuré né en 1973 accuse effectivement un déficit LPP de 163 fr. par mois par rapport aux conditions actuelles, différence que le système de compensation va combler. Toutes rentes confondues (AVS+LPP), il va donc bénéficier d’un revenu à la retraite légèrement supérieur à celui qu’il obtiendrait avec le statu quo. Mais, pour ce faire, il aura payé, avec son patron, un supplément de 27 000 fr.
Une chance que n’aura pas son benjamin d’un an. L’année de cotisations supplémentaire aux nouvelles conditions et l’indexation de la rente AVS permet certes de limiter les dégâts. Il n’empêche: il va toucher, un an plus tard, 110 fr. par mois de moins que son aîné, alors qu’il aurait dû, logiquement, obtenir un peu plus...
Christian Chevrolet
Lire le bonus web: L’impact de Prévoyance 2020 sur les rentes