L’association française HOP (Halte à l’obsolescence programmée) vient de déposer une plainte visant les fabricants d’imprimantes à jet d’encre Canon, Brother, HP et Epson. HOP leur reproche de raccourcir délibérément la durée de vie des imprimantes et des cartouches par divers procédés afin d’inciter le consommateur à acheter davantage. Exemples: des tampons absorbeur d’encre sont faussement indiqués en fin de vie ou des impressions sont bloquées au prétexte que les cartouches seraient vides alors qu’il reste encore de l’encre.
Cette plainte est une première. Depuis 2015, la France a fait figure de pionnière mondiale en faisant de l’obsolescence programmée un délit punissable de deux ans d’emprisonnement et de 300'000 euros d’amende. Dès son adoption, les spécialistes avaient noté la difficulté d’apporter, comme le demande la loi, des preuves tangibles, du caractère intentionnel de l’obsolescence. La partie est donc loin d’être gagnée pour HOP.
Du côté de l’Europe, les choses semblent commencer à bouger lentement. Cet été, le Parlement a en effet adopté à une large majorité un rapport d’initiative comprenant diverses propositions comme l’indication des durées de vie sur les emballages, l’introduction d’un label «réparabilité» ou des incitations fiscales pour les fabricants. Le dossier a été transmis à la Commission européenne afin qu’elle légifère le cas échéant. Rien n’indique pour l’instant qu’elle le fera. On notera aussi que la stratégie préconisée par ce rapport n’est pas essentiellement répressive, comme en France, mais mise plutôt sur l’incitation pour les industriels et la sensibilisation des consommateurs.
Pas de loi en vue en Suisse
Et en Suisse? «L’élaboration de nouvelles règlementations ne figure pas à l’ordre du jour» vient de déclarer le Conseil fédéral en réponse à une question de la conseillère nationale écologiste Adèle Thorens Goumaz sur le sujet. Suite au rejet de l’initiative sur l’économie verte l’an passé, les Sept Sages déclarent «miser surtout sur l’engagement volontaire de l’économie et de la population».
Ce n'est donc pas demain qu’on les verra pointer du doigt les fabricants d’imprimante. Dans son rapport «Optimisation de la durée de vie et d’utilisation des produits» (2014), l’exécutif fédéral soulignait en effet que «ce qui manque en général dans la discussion de l’obsolescence programmée, ce sont des preuves fondées». Il notait aussi que «les appareils électroménagers ne tombent ni plus vite ni plus fréquemment en panne qu’autrefois.» Et surtout, le rapport conclut que, du point de vue de l’impact écologique de notre consommation, il faut se concentrer sur les secteurs «alimentation», «logement, énergie, eau» et «mobilité privée» qui sont responsables de 60% des retombées environnementales. Les appareils électriques ou électroménagers ne représenteraient que 2% à 4% du bilan global.
Sébastien Sautebin