Décriée pour ses mauvaises qualités diététiques et son fort impact environnemental, l’huile de palme est fuie comme la peste par de nombreux consommateurs. Pas facile à débusquer, elle entre dans la composition de nombreux produits et se cachait auparavant derrière la mention «graisses ou huiles végétales». Or, ce camouflage est interdit depuis le 1er janvier 2016. Désormais, les fabricants doivent préciser les matières grasses qu’ils utilisent, par ordre décroissant de quantité.
Il est donc possible de renoncer à l’huile de palme. Mais ce choix est-il proposé pour toutes les catégories de produits? Et, si oui, à quel prix? En collaboration avec l’émission On en parle (RTS-La Première), nous avons mené l’enquête chez les grands distributeurs. Précision: les articles qui contenaient de la graisse de coco ont été rangés dans la même catégorie que ceux qui renfermaient celle de palme. Car sur le plan diététique, elle est tout aussi mauvaise. Et son écobilan – elle est importée de loin – n’est pas fameux non plus.
Jusqu’à quatre fois plus cher
L’industrie agroalimentaire prétend souvent que l’huile de palme est irremplaçable, de par sa consistance, son goût et ses qualités de conservation. Or, les résultats de notre enquête montrent que de nombreuses préparations ont parfaitement réussi à la bannir de leur recette. C’est ainsi que nous avons retenu 25 catégories de produits que l’on trouve avec ou sans huile de palme. Dans chaque enseigne, nous avons alors relevé les prix les plus bas des articles qui en sont exempts et de ceux qui en contiennent.
On constate que dans 21 cas sur 25, le coût moyen de l’article le moins cher sans palme (Voir chiffre (1) du tableau) est plus élevé que celui qui en renferme (Voir chiffre (2) du tableau). Pour sept aliments, il passe même du simple ou double, triple ou quadruple! L’exemple le plus emblématique est celui de la pâte à tartiner: tant le Nutella que ses copies meilleur marché en contiennent. Pour l’éviter, il faut se tourner vers un produit bio (Nocciolata) vendu uniquement chez Migros et Manor et qui coûte quatre fois plus cher.
Cibler la bonne enseigne
La seule solution, pour se passer de cette satanée huile sans payer le prix fort, serait de jongler entre les magasins selon l’article. Exemple: dans les six enseignes, les flûtes sans huile de palme coûtent en moyenne 51% plus cher que les autres. Mais celles d’Aldi et de Lidl en sont exemptes, tout en étant les moins chères du lot! Et le phénomène n’est pas isolé: dans onze autre cas – petits pains, pizza margherita, sandwichs, spätzlis, tortellinis épinards-ricotta, yogourt müesli, cacahuètes, petits beurre, zwiebacks, grissinis et biscuits à la pomme – l’article le moins cher n’a pas d’huile de palme! Tour de force que nous avons signalé dans notre tableau par un smiley.
Peu de choix chez les discounters
Notre infographie (voir page de droite, en haut) montre que certaines enseignes font plus d’efforts que d’autres. Ainsi, chez Manor, le consommateur n’est jamais forcé d’acheter des articles à l’huile de palme, du moins pour les 25 catégories que nous avons retenues.
A l’inverse, dans près de 50% des cas, les clients de Denner, d’Aldi et de Lidl ne trouvent pas d’alternative dans les rayons. Chez Coop et Migros, un choix d’articles avec ou sans est souvent proposé. Problème: opter pour le «sans palme» coûte plus cher dans 48% des cas chez Coop, et dans 64% chez Migros. Les produits M-Budget et Prix Garantie, par exemple, en contiennent souvent. On en conclut que l’huile de palme est utilisée dans les aliments bon marché en raison de son bas coût, même si Migros et Coop nous ont affirmé le contraire.
L’excuse du durable
Confrontés à nos résultats, les six distributeurs ont tous présenté le même argument: l’huile de palme qu’ils utilisent est durable, car elle est certifiée RSPO, organisme créé pour s’assurer que la culture des palmiers se fait dans le respect de critères éthiques et environnementaux. Migros, Coop, Aldi et Lidl s’appuient aussi sur une étude du WWF qui souligne que le remplacement des palmiers par d’autres espèces à moindre rendement (colza ou soja notamment) poserait de nouveaux problèmes. De son côté, le discounter Aldi ajoute que l’absence d’alternative dans 45% des cas s’explique en partie par le fait que son assortiment est plus limité que celui des distributeurs classiques.
La certification RSPO laisse toutefois sceptiques plusieurs ONG. Pour Miges Baumann, spécialiste des questions de développement et membre du groupe de direction de Pain pour le prochain, «elle n’a pas fait cesser les violations des droits de l’homme, l’accaparement des terres et la déforestation. Au lieu de se cacher derrière elle, les grandes enseignes devraient plutôt agir sur le nombre de produits qui contiennent de l’huile de palme.»
Effort pas si pénible
En collaboration avec Action de Carême, Pain pour le prochain a d’ailleurs lancé une campagne pour inciter les grands distributeurs suisses à modifier leur assortiment. Le souhait n’est pas forcément irréalisable: ainsi, lors de nos relevés, nous avons constaté que l’huile de palme a déjà déserté les lasagnes et les röstis. Migros et Denner nous ont en outre annoncé qu’ils allaient la retirer dans d’autres produits, notamment les cacahuètes.
Vincent Cherpillod