«On peut partir du principe que tous les bâtiments construits avant 1991 contiennent de l’amiante à des degrés divers!» lance Marc Dutoit, membre du comité de l’Association suisse des consultants amiante (ASCA) et directeur de la société HSE Conseils, spécialisée dans le diagnostic.
Un constat choc qui rappelle que ce minéral naturel fibreux a été massivement utilisé dans la construction et que sa présence constitue la règle et non l’exception jusqu’à son interdiction en 1991 (lire encadré). Du coup, il peut y en avoir partout, dans des matériaux aussi divers et inattendus que les colles des carrelages, de la faïence et du lino, les crépis intérieurs et extérieurs, les faux plafonds, les revêtements de sol, le mastic de vitrage, les toitures, les panneaux électriques, etc.
Danger en cas de travaux!
«Il ne faut toutefois pas dramatiser, tempère notre spécialiste. En l’état, cela ne présente quasiment jamais de risque dans un appartement ou une villa. Il faudrait, par exemple, qu’un carrelage ou un lino soit très abîmé. En revanche, le danger est élevé en cas de travaux.»
En effet, toute action mécanique – ponçage, perçage, fraisage, etc. – sur des matériaux contaminés peut libérer de grandes quantités de poussières toxiques. Et, si le risque croît avec le volume de matières absorbées par les voies respiratoires et la durée de l’exposition, «il n’existe toutefois pas de concentration à laquelle le risque de cancer par inhalation des fibres d’amiante puisse être exclu», relève l’OFSP.
En d’autres termes, les bricoleurs qui effectuent eux-mêmes des travaux d’entretien, de rénovation ou de transformation dans leur villa peuvent, sans le savoir, mettre sérieusement leur santé en danger. Ce sera par exemple le cas si on décide de remplacer soi-même un carrelage dont la colle est amiantée.
Analyse indispensable
Existe-t-il un moyen pour un particulier, propriétaire ou locataire, d’identifier seul la présence d’amiante, par exemple sur la base d’une observation visuelle? «Non, c’est impossible, il faut qu’un laboratoire spécialisé procède à une analyse», explique Marc Dutoit. Avant d’entreprendre des travaux, il convient donc d’identifier les dangers en faisant appel à une société de diagnostic, afin de prendre les décisions adéquates en fonction d’un calcul des risques et des coûts.
«Pour une villa, un diagnostic complet inclut une quinzaine de prélèvements et coûte de 1500 à 2500 fr., note Marc Dutoit. Il n’est pas forcément nécessaire d’enlever l’amiante. On peut par exemple coller un nouveau carrelage sur l’ancien. Mais une telle solution, économique à court terme, a ses inconvénients. «Si on casse plus tard, il y aura une double couche de déchets amiantés, et leur élimination coûte très cher», précise l’expert.
Le site Forum amiante suisse (www.forum-asbest.ch) géré par la Suva et plusieurs offices fédéraux fournit une liste de diagnostiqueurs remplissant des exigences de qualité ainsi que des entreprises de désamiantage reconnues.
Assainir avant d’acheter
Les personnes qui cherchent à acquérir un bien immobilier ont tout intérêt à questionner le vendeur sur la présence d’amiante. De nombreuses constructions qui en contiennent arrivent en effet à un âge où il faudra forcément prévoir quelques travaux. Dans l’idéal, il est conseillé de négocier un diag-nostic et un assainissement avec le propriétaire, en proposant, par exemple, que les frais soient partagés. «Pour une villa, le surcoût des travaux engendré par les opérations de désamiantage atteint 20 000 fr. dans les pires cas de figure», estime Marc Dutoit. Malheureusement, une telle négociation n’est pas toujours facile dans les régions où la pression du marché immobilier est forte.
De leur côté, les locataires ne manqueront pas d’exiger qu’un diagnostic amiante préalable soit effectué en cas de rénovation dans leur appartement. Dans les cantons de Vaud et de Genève, c’est une démarche obligatoire lors de travaux soumis à autorisation.
En Suisse romande, un tel diagnostic est d'ailleurs obligatoire lorsque les travaux de rénovation ou de démolition prévus sont soumis à autorisation et qu’il s’agit d’une construction antérieure à 1991 ou, selon les cantons, à 1993.
Sébastien Sautebin
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Un matériau très apprécié autrefois
«L’amiante était autrefois considérée comme un produit génial: il est résistant aux acides, isolant, hautement résistant au feu et se mélange aisément au ciment et aux résines», explique la Suva. Du coup, près de 500 000 tonnes ont été importées en Suisse au cours du XXe siècle et ont été utilisées dans plus de 3000 produits manufacturés. Le secteur de la construction en était particulièrement friand, dans les années 50 à 70.
Mais on a découvert que ce matériau aux multiples qualités est aussi hautement toxique. L’organisme ne parvient pas à dégrader les fibres inhalées, qui peuvent alors déclencher, après des décennies de latence, de graves maladies, telles qu’une insuffisance respiratoire (asbestose), une tumeur de la plèvre ou un cancer du poumon. Chaque année en Suisse, quelque 200 personnes meurent d’avoir respiré ces poussières.