Chaque année, les ménages suisses jettent 1,2 million de tonnes d’emballages dans les ordures ménagères. Les grands détaillants assurent qu’ils redoublent d’efforts pour améliorer la situation. Pourtant, le consommateur ramène toujours chez lui des quantités importantes de déchets, majoritairement du plastique, comme le montre notre enquête, menée avec l’émission On en parle (RTS-
La Première).
Des écarts de poids qui ne disent pas tout
Munis de nos cabas, nous avons acheté 20 articles chez Migros, Coop, Aldi, Lidl, Denner et Manor. Nous avons ensuite pesé tous les emballages et noté leur composition.
Premier constat: les boîtes, les pots, les bouteilles et autres sachets totalisent, à chaque fois, près d’un demi-kilo de déchets pour un volume de marchandises variant entre 11 kg et 14 kg. Sans tasser, cela remplit pratiquement un cabas par enseigne. Acheter emballé implique donc de gérer une quantité non négligeable de déchets en les triant de manière responsable (lire encadré). Mais les bons choix pour limiter son impact environnemental doivent aussi être faits à l'achat déjà, ce qui est tout sauf simple.
En comparant les enseignes, on constate que, sur la balance, Migros obtient le meilleur résultat global, mais les écarts ne sont pas abyssaux: les conditionnements du géant orange représentent 3,6% du poids total, contre 3,9% chez Aldi et Lidl, 4,3% chez Coop, 4,5% chez Denner et 4,6% chez Manor.
En ce qui concerne leur composition, le plastique règne en maître. Les proportions vont d’un peu plus de 67 % chez les deux géants orange jusqu’à plus de 84 % chez Manor et Aldi (voir notre infographie). Le solde est essentiellement constitué de carton, l’alu et le papier ne représentant, chacun, que des proportions inférieures à 1%. Voilà pour les chiffres globaux.
Dans le détail, certains achats présentent peu de différences: le kilo de sel, par exemple, était vendu partout dans des boîtes en carton pesant entre 35 et 36 g. En revanche, pour le riz basmati, l’emballage acheté chez Coop pèse 44 g, alors que celui d’Aldi ne fait que 5 g, mais le premier est en carton recyclable et le second en plastique. Le consommateur se trouve donc, ici, face à un véritable dilemme, ce qui sera aussi le cas dans les rayons d’une même enseigne lorsque plusieurs produits similaires mais de marques différentes sont proposés. En effet, les poids des emballages ne sont pas indiqués sur les étiquettes et les matériaux les composant sont susceptibles de varier: plastiques de différentes sortes, recyclables ou non, carton, matériaux composites, etc.
Denis Bochatay, expert en sciences environnementales de la société Quantis, concède que ce n’est pas simple: «Il n’y a pas de vérités gravées dans le marbre et les paramètres qui entrent en ligne de compte dans les bilans environnementaux sont nombreux.» Le respect de certains principes permet néanmoins au consommateur de faire quelques choix judicieux pour préserver l’environnement.
Stratégies d’achat dans les rayons
Denis Bochatay rappelle ainsi qu’il n’est pas vain de privilégier les emballages les plus légers lorsque c’est possible, par exemple une recharche souple de lessive plutôt qu’un bidon classique.
Lorsqu’on a le choix, on préférera aussi les emballages recyclables, notamment en carton, sauf si la différence de poids avec le concurrent en plastique paraît démesurée. Logiquement, on fuira les articles suremballés, comme les tubes de dentifrice vendus dans des boîtes en carton et, autant que possible, les emballages composites qui allient plusieurs matériaux (brique à boisson, etc.), car ces derniers sont très difficiles à recycler.
«Il est judicieux aussi d’acheter un produit en grande quantité en une seule fois, plutôt que des contenants plus petits à plusieurs reprises, à la condition, bien sûr, de ne pas devoir jeter une denrée périmée», relève encore l’expert.
Enfin, le bon sens prévaut dans tous les cas. On évitera, par exemple, de faire un long trajet en voiture pour se rendre dans un magasin en vrac. «S’il faut se décider entre 100 g d’emballage plastique ou 20 km en voiture – soit environ 1 kg d’essence –, le premier choix est largement préférable. Dans les deux cas, il s’agit d’une consommation de pétrole transformé!»
L’état prépare des mesures
Dans la pratique, la marge de manœuvre du consommateur reste limitée. L’Etat, les fabricants et les distributeurs ont donc un rôle essentiel à jouer. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) élabore actuellement une stratégie de prévention des déchets mais joue à la grande muette, prétextant que le projet n’est pas encore suffisamment avancé. Le Conseil fédéral, qui répondait récemment à une interpellation de Rebecca Ruiz (PS/VD), évoque quelques pistes, qui paraissent bien maigres pour l’heure: «Une solution consisterait, par exemple, à renoncer au suremballage. En effet, il est fréquent de voir des actions promotionnelles proposant dans un emballage plusieurs produits déjà conditionnés individuellement. Une autre possibilité serait de renoncer aux emballages qui ne sont remplis qu’aux deux tiers.»
«Des efforts insuffisants»
Soucieuses de leur image, les grandes enseignes sont, quant à elles, bien plus prolixes sur le dossier. Lidl nous a écrit, entre autres, que d’ici à 2025, tous ses emballages plastique seront recyclables à 100%. Migros annonce, entre autres avoir économisé, l’an passé, 270 tonnes de plastique en optimisant le conditionnement de ses produits. Denner relève avoir fixé, avec le WWF Suisse un objectif de réduction de 20% sur ses marques propres jusqu’en 2025. Coop affirme, de son côté, avoir diminué les emballages de plus de 20 000 tonnes depuis 2012.
Si ces efforts sont louables, ils restent néanmoins insuffisants aux yeux de certaines organisations comme Greenpeace. Dans un rapport publié en octobre 2018, cette dernière estime qu’un «changement culturel et systémique s’impose d’urgence» et demande aux détaillants suisses d’endosser l’objectif «zéro déchets incinérés et mis en décharge». Pour Greenpeace, la vraie solution consiste à éviter les emballages inutiles et à passer à des versions réutilisables pour ceux qui sont indispensables.
Sébastien Sautebin
Et si on ramenait ses emballages?
En Suisse, les commerçants n’ont pas d’obligation de reprendre les emballages des marchandises qu’ils vendent. Dans les faits, toutefois, certains détaillants font plus d’efforts que d’autres. En tentant de les ramener là où nous avons fait nos courses, nous avons ainsi constaté que Migros et Aldi se démarquent clairement. Les locaux du hard discounter abritent des bennes pour les bouteilles en plastique, le carton, les «film et plastique» et les bouteilles en PET. Dans la succursale Migros, les conteneurs permettent de déposer, entre autres, les bouteilles en plastique, en PET, l’aluminium et même les capsules pour crème fouettée. Il y a également un bac pour les «plastiques mous» et un autre pour les « autres déchets». Seul bémol: nous n’avons pas trouvé de bac pour le carton.
Lidl a déclaré ne reprendre que les bouteilles de boissons en PET. Chez Manor, il n’était possible de déposer que les bouteilles de boissons en PET, l’aluminium et le verre. Nous n’avons donc pu rendre que la feuille d’alu entourant dans le chocolat! La succursale Denner ne récupère que le PET et les piles. Nous sommes alors repartis avec l’ensemble de nos déchets. La petite Coop où nous nous étions rendus ne récolte que les bouteilles en plastique et celles de boissons en PET. Nous avons pu déposer le flacon de lessive, mais pas la bouteille d’huile en PET. Ces dernières sont exclues du recyclage du PET en raison de leur contenu.
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Nous profitons de cet article pour rappeler un point important concernant l’emballage plastique dans lequel vous recevez Bon à Savoir
Afin de répondre aux nombreuses plaintes des abonnés recevant leur magazine abîmé ou déchiré lors de la livraison par La Poste, nous avons étudié différentes possibilités. Paradoxalement, la plus adéquate est l’emballage dans un film en «polyéthylène non polluant». Le matériau retenu répond aux normes les plus strictes en la matière. Il s’agit d’une feuille synthétique en polyéthylène recyclable qui ne contient ni plastifiant ni métaux lourds. Sa production exige moins de matières premières, d’énergie et d’eau que des matériaux comparables. Lors de sa combustion, elle ne dégage aucune émission de vapeur ou de gaz toxiques, ni de scories résiduelles.
La rédaction