Il sonne bien familièrement à nos oreilles depuis un an ce dilemme: santé ou économie?
Ce n’est pourtant pas de Covid qu’il s’agit ici, mais d’une partition semblable. Elle se jouera le 13 juin, lors de la votation sur les deux initiatives visant à restreindre massivement, voire à interdire, l’utilisation des pesticides dans notre pays (lire «Initiatives sur les pesticides: le lobby agricole s'active»).
D’un côté, un fait: les produits phytosanitaires contaminent l’eau potable et nos aliments, en nuisant aussi bien à la santé humaine qu’à la biodiversité. De l’autre, une hypothèse: sans pesticides, les mauvaises récoltent s’accumulent, les importations augmentent et la production baisse.
Le choix n’est peut-être pas aussi cornélien, comme en témoigne l’exemple du chou de Bruxelles. Victime de la mouche blanche, la plante a été traitée au méthomyl jusqu’en 2016, année de l’interdiction de cet insecticide par la Confédération, qui l’a jugé trop toxique. L’industrie agrochimique, Syngenta et Bayer en tête, affirment sur leur plateforme d’information, swiss-food.ch, que les importations de ce chou en provenance de Belgique et des Pays-Bas ont quasi doublé depuis 2014, sous l’effet de cette interdiction. Pourtant, ce que dévoilent les statistiques de l’Administration fédérale des douanes, c’est que la production suisse est restée stable durant ces années, avec même un pic en 2019. Sans méthomyl.
Même musique du côté de Fenaco, auquel appartiennent Volg et Landi. Ce groupe a déboursé 400 000 francs pour faire campagne contre les deux initiatives et déposé en janvier la toute première opposition à un projet de développement régional, le «Légume bio Seeland». Un blocage intervenu malgré l’approbation donnée par tous les partis politiques.
Quant à l’Union suisse des paysans, l’organisation faîtière de la branche, elle prédit des conséquences catastrophiques si ces initiatives devaient passer.
Pendant ce temps, nos autorités ont trouvé une nouvelle formule magique pour qualifier l’eau contaminée par des résidus de chlorothalonyl de «non conforme, mais potable».
Devant son assiette et son verre d’eau du robinet, le consommateur se trouve une fois de plus divisé entre l’envie de faire bien et la crainte de faire mal. Et, en quelque sorte, sommé de répondre à cette question: que faire face à un danger imminent mais pas immédiat?
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef