1. Les sucres sont-ils nos ennemis?
Non! Dans la grande famille à laquelle appartiennent tous les sucres, les glucides constituent des nutriments indispensables à notre organisme, tout comme les protéines et les lipides. «Leur fonction essentielle est de nous fournir de l’énergie», résume Sidonie Fabbi, maître d’enseignement à la filière Nutrition et diététique de la Haute école de santé de Genève.
Dans une alimentation équilibrée, les glucides doivent représenter la moitié (45 à 55%) de notre apport quotidien en énergie, le reste provenant des lipides (35%) et des protéines (15%). Les glucides sont le principal carburant du corps et même le carburant quasi exclusif de notre cerveau. Les fruits entiers, les produits céréaliers et les légumineuses (lentilles, haricots, pois…) constituent de bonnes sources de glucides. En revanche, certains sucres, comme les sucres ajoutés(voir question 2)sont mauvais pour la santé en cas d’excès répétés. Les sodas, sucreries et autres produits qui en contiennent en grandes quantités doivent être consommés avec modération.
2. Combien de sucres ajoutés peut-on consommer chaque jour?
L’OMS a émis deux recommandations distinctes, en 2015. La première, une «recommandation forte», préconise de ramener l’apport quotidien en «sucres libres» (voir question 3) à moins de 10% de l’apport énergétique total chez l’adulte et l’enfant. Dans une seconde recommandation, qualifiée de «conditionnelle» en raison du nombre limité d’études, l’OMS estime qu’«il serait encore meilleur pour la santé de réduire l’apport en sucres à moins de 5%». Cela correspond, chez une personne adulte sédentaire ayant besoin de 2000 calories (kcal) par jour, à moins de 50 grammes, ou, dans la recommandation la plus stricte, moins de 25 grammes.
Le calcul a été effectué ainsi :
- l’apport en sucres ajoutés devrait être de 10% de l’apport énergétique total, soit 200 calories (2000/10)
- chaque gramme de sucre produit 4 calories
- on obtient donc un total de 50 grammes de sucres ajoutés (200/4).
Les besoins énergétiques de chacun dépendent du sexe, de l’âge, du poids et de l’activité physique. Les adultes sédentaires à moyennement actifs ont besoin de 1700 à 2800 calories (kcal) par jour.
Il faut souligner que ces recommandation ne concernent pas les sucres présents dans les fruits et les légumes frais, ni ceux naturellement contenus dans le lait. En effet selon l’OMS, il n’existe pas de données montrant qu’ils ont des effets nocifs.
3. Quelle est la différence entre «sucres libres» et «sucres ajoutés»?
On appelle «sucres ajoutés» l’ensemble des sucres qui sont ajoutés aux aliments et aux boissons par les industriels, les cuisiniers et les consommateurs.
Le terme de «sucres libres» utilisé par l’OMS englobe, pour sa part, les sucres ajoutés aux aliments et aux boissons, mais aussi les sucres naturellement présents dans les jus de fruits, les jus de fruits concentrés, les sirops et le miel. En effet, tous ces sucres ont des effets néfastes sur la santé s’ils sont consommés en excès. En Suisse, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) utilise le terme «sucres ajoutés», mais dans le sens élargide «sucres libres», c’est-à-dire en incluant le miel, les jus de fruits, etc. D’ailleurs, la recommandation de l’OSAV est identique à la «recommandation forte» de l’OMS, soit de limiter ces sucres à un maximum de 10% de l’apport énergétique total.
4. Quels sont les risques pour la santé d’une alimentation trop sucrée?
La surconsommation répétée de sucres libres est associée à une augmentation du risque de surpoids et d’obésité, de diabète, de maladies cardio-vasculaires, de maladies hépatiques, de la maladie de la goutte, de maladies du foie et de caries dentaires! Dans son «Rapport sur la mise en place de mesures visant une réduction de la consommation de sucre en Suisse», la Haute école de santé HES-SO à Genève a analysé 40 publications scientifiques. Conclusion: «Le risque principal porte sur la prise pondérale qui elle-même est reconnue comme un facteur de risque important de nombreuses maladies, notamment le cancer et les maladies cardio-vasculaires.»
5. Pourquoi les boissons sucrées constituent-elles un problème majeur?
Selon l’enquête nationale sur l’alimentation menuCH, les groupes de denrées alimentaires qui contribuent le plus à l’apport en sucres ajoutés sont essentiellement les sucreries (48%) et les boissons sucrées (38%). Il s’agit notamment, pour les premières, des confitures, des pâtes à tartiner, du miel, des pâtisseries ou encore des barres chocolatées et pour les secondes, des limonades, des sirops, des jus de fruits et des thés froids. Ce sont donc ces aliments très riches en sucres qu’il faut modérer.
Prenons les sodas. Ils contiennent souvent une dizaine de grammes de sucre par 100 ml. C’est énorme!
Or, la forme liquide permet de consommer ces boissons en grande quantité, car le sucre ingéré de cette façon provoque un moindre sentiment de satiété. Par exemple, un amateur de Coca qui en boit un litre par jour engloutit la bagatelle de 106 grammes de sucre, soit l’équivalent de 26 morceaux! Ces sucres ajoutés pénètrent rapidement dans l’organisme, et le corps va stocker les apports énergétiques dont il n’a pas besoin sous forme de graisse.
6. Les Suisses sont-ils raisonnables?
Beaucoup d’entre nous mangent trop sucré! L’OSAV a évalué la consommation de sucres ajoutés à environ 110 grammes par habitant et par jour, soit plus du double des quantités maximales préconisées par l’OMS et l’OSAV. Dans notre pays, la consommation moyenne de sucre par habitant serait passée de 3 kilos par an en 1850 à 39 kilos en 2014.
7. Les industriels mettent-ils du sucre partout?
Absolument! Les fabricants ajoutent du sucre dans d’innombrables aliments transformés, pour mieux vendre leurs produits en titillant notre goût inné pour le sucré, mais aussi parce qu’il agit comme épaississant, conservateur, liant, etc. Il s’agit par exemple de dextrose, de galactose, de maltose, d’isoglucose... On en trouve donc un peu partout, y compris là où on ne s’y attend pas: dans des charcuteries, plats surgelés, ketchup, pizzas, etc. D’un point de vue diététique, ce sucre ne fait qu’ajouter des calories sans valeur, et il n’est pas nécessaire à une alimentation équilibrée. Evitons donc autant que possible les produits transformés.
8. Les jus de fruits et les mueslis sont-ils à éviter?
Consommés en grande quantité, les jus de fruits, y compris ceux sans sucres ajoutés et ceux que l’on presse chez soi, sont de véritables bombes caloriques.
«Lorsque nous buvons un verre de jus, nous avalons très vite l’équivalent en sucres de deux ou trois pommes, explique Sidonie Fabbi. En mangeant un fruit, on mâche, on fait une petite pause, puis on croque un autre bout. Cela prend beaucoup plus de temps et la plupart d’entre nous ne mangent pas trois pommes à la suite alors qu’on boit facilement un verre de jus. La quantité de sucres consommée est donc bien moins importante et la digestion sera différente: les sucres vont arriver beaucoup plus progressivement dans l’organisme.» Dans un jus pressé, le sucre naturel a été détaché des fibres du fruit. Il est, par conséquent, digéré et métabolisé rapidement, et arrive en quantité importante dans le sang, comme c’est le cas avec le sucre d’un soda!
Les mueslis, les barres de céréales et les yogourts sont également problématiques car les industriels y ajoutent souvent des quantités importantes de sucre. Selon l’OSAV, les céréales sucrées pour petit-déjeuner contenaient en moyenne, en 2018, 15 grammes de sucres ajoutés par 100 grammes, soit plus que dans les sodas (environ 10 grammes), et les yogourts (8,8 grammes en moyenne). «Il est donc judicieux de préférer un yogourt nature dans lequel on peut mettre soi-même des fruits frais, et, éventuellement, une pointe de sucre», glisse Sidonie Fabbi.
9. Vaut-il mieux mettre du miel, du sucre brun, du sucre blanc ou un édulcorant dans son thé?
Le mieux est de ne rien ajouter du tout. Il n’y a pas de différence essentielle entre le sucre blanc, le sucre brun, le sirop d’érable, le miel, etc. Tous sont très riches en calories et pauvres en nutriments. «Le miel a un petit effet antiseptique connu depuis longtemps, mais ceci ne contrebalance pas les effets du sucre qu’il contient», note Sidonie Fabbi.
La spécialiste considère l’utilisation d’édulcorants de manière plutôt positive, à condition qu’elle soit occasionnelle: «D’un point de vue métabolique, il s’agit d’une bonne solution de rechange, parce qu’ils ne contiennent pas de sucre. Ils sont donc pauvres en calories. Si de temps en temps, on boit un coca light plutôt qu’un coca classique, ce sera toujours ça de gagné au niveau des sucres. Il faut cependant faire preuve de modération car l’effet cocktail de ces molécules chimiques est encore inconnu. En outre, leur saveur entretient notre goût pour le sucré.»
10. Que signifie la mention «glucides dont sucres» figurant sur les emballages des denrées transformées?
Le terme «glucides» désigne ici le total des sucres simples et complexes, ajoutés ou présents naturellement, ce qui inclut l’amidon et les fibres. Alors que le «dont sucres» désigne uniquement les sucres simples, qu’ils soient naturels ou ajouté par les industriels… Difficile, donc, d’identifier la part naturelle et celle qui est artificielle.
«Malgré tout, le ‘dont sucres’ constitue un bon indicateur, estime Sidonie Fabbi. Plus la quantité mentionnée est basse, mieux c’est.»
Comparons par exemple des Sugus et une couronne de pain de sils bio. La ligne «dont sucres» indique 0,5 gramme de sucres pour le pain, et… 81,6 grammes pour les Sugus! En jetant un œil à la liste des ingrédients, indiqués par ordre d’importance, on apprend encore que les Sugus sont composés en premier lieu de sirop de glucose, puis de sucre et de graisses végétales. Nous vous laissons deviner lequel des deux produits est le moins sain.
11. Doit-on s’interdire sodas et sucreries?
«Il est important de comprendre qu’aucun aliment n’est interdit, et que tout est affaire de modération. On peut boire un verre de soda par jour si le reste de l’alimentation est équilibré et que l’on a une activité physique régulière. C’est vraiment la répétition des excès qui pose problème», souligne Sidonie Fabbi. Les sources de glucides à privilégier sont les légumes et les fruits (5 portions par jour), ainsi que les produits céréaliers, les pommes de terre et les légumineuses (haricots, lentilles, etc.) à raison de 3 portions par jour. Les boissons sucrées, douceurs et sucreries, ainsi que les snacks salés doivent être consommés modérément.
12. Quelles sont les recommandations pour les enfants?
La Société européenne de nutrition pédiatrique recommande de réduire l’apport de sucres libres à moins de 5% de l’apport énergétique total pour les enfants. Pédiatrie suisse note que pendant les deux premières années, l’apport devrait être encore moindre. Ensuite, il faudrait qu’il soit, au maximum de 15-16 grammes pour les 2-4 ans, puis 18 à 20 grammes pour les 4-7 ans, et 22-23 grammes pour les 7-10 ans. Selon l'organisation professionnelle, le sucre devrait être consommé dans le cadre des repas et pas sous forme de snack. De plus, il faut privilégier autant que possible des sources naturelles, comme les produit laitiers non sucrés et les fruits frais entier, plutôt que les boissons sucrées, les smoothies et les jus de fruits.
Les recommandations dépendent aussi du public cible. «Pour des seniors en EMS, la notion de plaisir est prioritaire», glisse Sidonie Fabbi.
13. Quelles règles simples pour réduire sa consommation?
Les plus gros apports en sucres libres proviennent des boissons et des sucreries (voir question 6). Il est donc judicieux de limiter les sodas, les sirops et les jus de fruits et de les remplacer autant que possible par de l’eau. Logiquement, on modérera aussi sa consommation de sucreries, pâtisseries et autres desserts lactés, y compris les yogourts.
Outre une alimentation équilibrée et un style de vie actif, Sidonie Fabbi recommande de privilégier les aliments bruts et d’éviter les denrées ultra-transformées, qu’on reconnaît à leur longue liste d’ingrédients truffée de noms qu’on ne comprend pas. Cela ne signifie pas qu’il va falloir passer des heures en cuisine. «Si on est pressé, on peut acheter un pain aux céréales, y ajouter une tranche de fromage et couper quelques légumes crus. On obtient un bon souper vite préparé, note la spécialiste. Les industriels sont très forts pour préparer des produits qui procurent du plaisir lorsqu’on les mange. Mais il faut se souvenir que les aliments bruts sont délicieux aussi!» La spécialiste recommande de consommer des céréales complètes, et des légumes secs comme les lentilles, pois chiches, et les haricots rouges, riches en fibres et en protéines.
14. Glucides, sucres complexes, lactose, saccharose, etc. Quelles différences?
Les glucides forment une vaste famille qui inclut tous les sucres. Ils sont très répandus dans la nature et proviennent essentiellement du règne végétal. On en trouve dans les pommes de terre, les céréales et les légumes secs, ainsi que dans les fruits (fructose). Du côté animal, seul le lait en contient, sous forme de lactose. Notre alimentation comprend différents types et sources de sucres. Leur présence peut être naturelle ou ajoutée lors de la fabrication. Le sucre de table (saccharose) provient principalement de la betterave sucrière, mais d’autres sources sont possibles, comme la canne à sucre.
Les glucides sont composés par des chaînes plus ou moins longues de molécules. Selon ces longueurs, on peut les classer en deux catégories: les sucres simples et les sucres complexes.
- Les sucres simples
Les monosaccharides sont les plus simples des glucides: ils sont composés d’une seule molécule d’ose. Il s’agit du glucose, du fructose et du galactose. Les disaccharides sont des combinaisons de deux monosaccharides: le saccharose (glucose et fructose), le maltose (glucose et glucose) et le lactose (glucose et galactose). Les sucres simples sont naturellement présents dans les fruits, les légumes, le miel ou les produits laitiers. Ils sont aussi ajoutés dans certaines denrées alimentaires. Il convient d’en consommer avec modération lorsqu’ils sont ajoutés ou consommés par le biais des jus de fruits. - Les sucres complexes
Ils sont composés d’amidon et naturellement présents dans les féculents, c’est-à-dire les légumineuses (haricots, pois chiches, lentilles, etc.), les céréales (blé, maïs, riz, etc.) et les tubercules (pommes de terre, topinambour, manioc, etc.). Les fibres alimentaires sont également des glucides complexes très particuliers puisqu’elles n’apportent aucune calorie et ne sont pas digestibles. Elles jouent un rôle important dans la digestion et la régulation de l’appétit.
Sébastien Sautebin