Chaque hiver, la tentation est grande de se lancer dans une cure de vitamines afin de booster son système immunitaire. Portés par un marketing agressif, ces compléments alimentaires se déclinent sous de multiples formes: comprimés, gouttes, poudre, gélules. A en croire les fabricants, ils seraient la solution idéale pour parer au froid et à la fatigue.
Ces compléments se retrouvent aussi bien en grandes surfaces, dans les magasins spécialisés que sur internet. Cette banalisation peut laisser penser au consommateur que ces produits sont sans danger et qu’il est capable de les choisir par lui-même, sans en référer à un professionnel de la santé. Or, ils ne sont pas anodins. Quelle que soit leur composition, tous renferment des substances actives ou des nutriments fortement dosés, qui peuvent être à l’origine d’effets indésirables en cas de consommation excessive.
«Ces compléments alimentaires se situent dans une zone grise entre aliments et médicaments», relève Muriel Lafaille Paclet, cheffe diététicienne au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). En principe, ces produits ne nécessitent aucune autorisation. Seule contrainte, les fabricants ne peuvent pas les présenter comme des médicaments ni indiquer qu’ils guérissent ou préviennent des maladies.
Des cas particuliers
Au-delà du matraquage publicitaire, une prise de compléments est-elle réellement justifiée? Les preuves scientifiques de leur efficacité sont très faibles. Du côté des autorités sanitaires, la réponse est claire: un adulte en bonne santé et qui s’alimente de façon variée et équilibrée n’a aucune raison d’en consommer. «D’une manière générale, nous ne recommandons pas de prendre des compléments alimentaires, sauf sur prescription médicale», indique Muriel Lafaille Paclet.
Attention, la supplémentation en vitamines n’est pas toujours inutile. Dans certains cas, elle est même indispensable. Par exemple, un apport en vitamine B9 (acide folique) est administré aux futures mères pour limiter les risques de malformation du fœtus.
La prise de compléments peut aussi s’avérer nécessaire dans le cadre d’un régime alimentaire restrictif: les végétaliens, qui excluent tout produit d’origine animale, doivent se supplémenter en vitamine B12. «Certains adolescents et jeunes adultes se lancent dans un régime végane sans avoir le bagage diététique nécessaire et se retrouvent avec des carences très avancées», constate Raffi Maghdessian, responsable du service nutrition de l’Hôpital de la Tour, à Meyrin (GE).
Pas de consensus sur la vitamine D
La vitamine D fait figure d’exception. Essentielle à la santé osseuse, celle-ci provient principalement de l’exposition naturelle au soleil (entre 80 et 90%). Le reste est à rechercher dans l’alimentation. La majorité de la population en assimile suffisamment durant l’été.
En hiver, c’est plus difficile. Selon une étude d’Unisanté parue en 2019, il est pratiquement impossible pour la population suisse de produire durant la saison froide la quantité de vitamine D recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Près de 60% de la population en manquerait en hiver. Les normes de l’OMS font toutefois débat au sein du corps médical. Une supplémentation généralisée n’est pas justifiée, selon les experts consultés. L’enjeu est plutôt de mieux cibler les individus qui en ont besoin.
Des suppléments sont indiqués pour les groupes à risque, dont les enfants de moins de 3 ans, les femmes enceintes et les seniors. Il est prouvé que le déficit s’aggrave avec l’âge, la peau perdant progressivement sa capacité à synthétiser de la vitamine D.
Pas de pilule miracle
Autre star de l’hiver: les compléments alimentaires contenant de la vitamine C, souvent perçus comme des alliés indispensables pour traverser les mauvais jours. On a longtemps pensé que celle-ci permettait de lutter contre les refroidissements. A ce jour, aucune étude n’a toutefois démontré un véritable effet positif en prévention primaire. Au mieux, la vitamine C pourrait réduire légèrement la durée d’un rhume.
Aucun comprimé ne peut remplacer une alimentation équilibrée, s’accordent à dire les spécialistes. «Dans le doute, mieux vaut s’abstenir. Nous sommes plus dans le marketing que dans l’intérêt médical avéré», résume Raffi Maghdessian. Consommés dans les fruits et les légumes, vitamines et minéraux interagissent, ce qui favorise leur assimilation et garantit des doses raisonnables. Faire un geste pour sa santé passe donc avant tout par l’assiette plutôt que par l’ingestion de cachets.
Alexandre Beuchat