Sommaire
C’est arrivé à des milliers de Vaudois: un beau matin, une lettre recommandée de la justice de paix les informe qu’ils sont nommés tuteurs.
C’est que, en matière de tutelle, le canton de Vaud, contrairement aux autres cantons, applique le Code civil à la lettre. Lequel prévoit que tout citoyen, suisse ou non, peut être tenu d’assumer cette fonction pendant deux ans, renouvelables pour une période de même durée.
Rien que pour les huit premiers mois de l’année, 1092 personnes ont déjà été désignées. Sur des critères pas toujours très transparents et variant d’un district à l’autre. Les assesseurs, chargés de désigner les tuteurs, emploient en priorité les listes électorales pour faire leur marché. Mais ils recrutent également d’après les listes fournies par le Contrôle des habitants, voire les annuaires téléphoniques pour certains d’entre eux. Il est certes possible de déposer recours contre sa nomination, mais avec très peu de chance d’être exaucé. En clair: à moins d’avoir de sérieuses raisons, être soi-même sous tutelle par exemple, impossible d’y couper*.
Pas de tout repos
«La tâche du tuteur est exigeante, explique Andrea Eggli, fondatrice du groupe Action Tutelle qui se bat contre l’obligation d’accepter une telle charge contre son gré. On nous demande d’être à la fois assistant social et comptable. Et les cas ne sont pas toujours aussi simples qu’on veut bien nous le dire (rédaction: maladie psychique ou toxicomanie, notamment).»
Le tuteur doit en effet gérer les biens et les ressources financières de son pupille (revenu, budget, suivi des assurances sociales, etc.), mais aussi l’assister dans ses démarches quotidiennes (postulation d’emploi, recherche d’un appartement ou d’un EMS, etc.) et le représenter légalement, notamment en cas de divorce et de procédure pénale ou encore pour la signature d’un contrat, de bail par exemple. Il doit en outre remettre un rapport annuel accompagné des comptes de son pupille avec les justificatifs.
D’où des situations parfois kafkaïennes comme ce tuteur mis aux poursuites et «invité» à rembourser 6000 fr. pour n’avoir pas demandé les prestations complémentaires auxquelles son pupille avait droit, alors qu’il avait, en vain, demandé de l’aide à la justice de paix.
Ou encore le cas d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, obligé de régler la succession de la mère et de la sœur de son pupille, pensionnaires d’un EMS, alors qu’il n’avait aucune expérience dans le domaine!
Changements le 1er janvier 2012
Pour échapper à leur mandat, certaines personnes sont allées jusqu’à déménager dans un autre canton… Certes, s’ils le souhaitent, les tuteurs peuvent suivre une formation. Mais les cours sont pris d’assaut et ne sont dispensés qu’à Lausanne.
Dès le 1er janvier prochain, la nouvelle loi sur les tutelles améliorera la situation, selon le député vaudois Jean Christophe Schwaab: «Le tuteur aura non seulement droit à une formation avant son entrée en fonction, mais il recevra encore un dossier complet sur son pupille dès le début de son mandat. Enfin, il ne se verra plus attribuer les cas dits lourds.» Et si le cas simple au départ devient lourd? Il sera alors déchargé de sa tutelle.
La rémunération des tuteurs, quoique augmentée, restera toutefois chiche: 1200 fr. par année contre 850 fr. actuellement et au maximum 3‰ de la fortune du pupille. S’il est indigent (sa fortune n’excède pas 5000 fr.), la rémunération du tuteur incombera alors à l’Etat, comme c’est déjà le cas actuellement.
La nouvelle loi ne résoudra en revanche pas le problème de fond, puisque les tuteurs seront toujours contraints et forcés d’assumer leur mandat!
* Bonus web:Recourir contre sa nomination en tant que tuteur
Chantal Guyon
Commentaires sur cet article
Veuillez vous connecter pour ajouter un commentaire
Si vous êtes déjà abonné, veuillez vous connecter.
Les non-abonnés peuvent s'inscrire gratuitement.
Merci pour votre inscription
Vous recevrez un e-mail avec un lien pour confirmer votre inscription.
Aucun commentaire disponible