Ils avaient certifié que tout serait picobello dès le 1er janvier 2012. Or, un an après notre premier pointage (lire «Provenance des meubles: la transparence attendra!», BàS 3/2011), force est de constater que les grands magasins de meubles peinent encore à respecter l’ordonnance fédérale sur la déclaration concernant le bois et les produits en bois. Le plus étonnant, c’est que cette disposition légale est entrée en vigueur le 1er octobre 2010 avec un délai d’application pour le moins généreux de quatorze mois. Par conséquent, tout aurait dû être en règle le 1er janvier dernier. Mais tel n’est pas le cas, comme le démontre notre enquête menée de concert avec l’émission On en parle (RTS, La Première).
L’ordonnance en question exige que le bois et les produits en bois soient pourvus d’une déclaration indiquant l’espèce de l’essence et sa provenance. Elle précise que ces informations «doivent être indiquées par affichage sur le produit lui-même, à proximité immédiate ou sur l’emballage» ou sous une autre forme «à condition que les indications soient faciles à consulter et aisément lisibles». On l’aura saisi, l’objectif est d’offrir davantage de transparence au consommateur pour qu’il puisse faire son choix en toute connaissance de cause.
Cinq enseignes épinglées
La méthodologie de notre enquête a donc consisté à passer au crible l’étiquetage de cinq meubles en bois massif (table, lit, armoire, tabouret et étagère) dans neuf grandes enseignes spécialisées. Sur les lieux d’exposition, nous avons cherché l’article le moins cher pour chaque type de produit en respectant des critères liés à leur composition et à leur taille (lire encadré). C’est alors que nous avons vérifié si son étiquetage était conforme à la législation.
Il nous a été impossible de trouver tous les articles convoités, la faute au bois massif qui ne court pas les allées. Quatre magasins seulement disposaient des cinq meubles correspondant à nos critères. De nombreux produits hybrides n’ont pas pu être retenus dans notre tableau, à l’instar de certaines armoires composées de portes en bois massif, mais de parois latérales en aggloméré.
Mais l’essentiel est ailleurs. Sur les 36 meubles qui ont pu être intégrés dans notre enquête, neuf ne répondaient pas aux exigences de l’ordonnance fédérale, soit un quart de l’échantillonnage! Pire, seules quatre enseignes sur neuf se sont avérées irréprochables. «Ces résultats ne nous surprennent pas. Ils correspondent aux sondages que nous effectuons», admet Achim Schafer, collaborateur scientifique au Bureau fédéral de la consommation (BFC) chargé de contrôler l’application de l’ordonnance.
Excuses en tout genre
Pour le spécialiste, ces lacunes démontrent que les magasins n’ont pas correctement identifié tous les produits à déclarer ou que l’étiquetage n’a pas encore été totalement revu. Ce que confirme Mireille Frick, porte-parole de Conforama: «Tous les nouveaux produits qui entrent dans notre assortiment sont étiquetés selon les prescriptions en vigueur. Mais il peut arriver que certaines étiquettes n’aient pas encore été mises à jour. Nous mettons tout en œuvre pour que ces exceptions soient traitées le plus rapidement possible.» Idem du côté de Micasa qui admet que quelques produits isolés peuvent parfois échapper à sa vigilance et que les rectifications nécessaires sont effectuées sur-le-champ.
De son côté, Lipo explique ses nombreux manquements par un problème de son système automatisé d’étiquetage et promet de rectifier le tir pour le début du mois de mars. La porte-parole d’Ikea, Virginia Bertschinger, relève la difficulté d’avoir un œil sur l’ensemble de l’assortiment, tout en glissant: «Il se peut aussi qu’un client prenne la déclaration qui est imprimée sur une feuille séparée, en croyant qu’il s’agit de l’information pour localiser la marchandise dans la zone de libre-service.»
Sanctions modérées
Quoi qu’il en soit, les enseignes ont bénéficié de quatorze mois pour prendre les dispositions qui s’imposaient. Or, force est de constater que beaucoup d’entre elles ne l’ont pas fait. Mais que risquent-elles vraiment? «Le BFC peut ordonner la rectification de la déclaration. Et les commerçants qui ne respectent pas l’ordonnance sont tenus de payer un émolument destiné à couvrir les coûts de notre contrôle», détaille Achim Schafer. Même si des sanctions pénales sont possibles, avec une amende qui peut atteindre 10 000 fr. en cas d’infraction intentionnelle, les sanctions semblent a priori trop douces pour que les acteurs du marché cessent de prendre les choses à la légère.
Yves-Noël Grin
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
EN DÉTAIL
Les critères de nos relevés
Les cinq meubles retenus dans chaque magasin correspondaient au produit premier prix exposé sur le lieu de vente. Comme ce sont les parties caractéristiques d’un objet qui déterminent s’il est soumis ou non à la déclaration, la part de bois massif est primordiale. Ainsi, un lit qui a une tête en chêne mais des pieds en métal échappe à la déclaration. Idem pour une armoire composée de portes en noyer et de parois latérales en bois aggloméré. En outre, nous avons retenu pour chaque objet les critères de taille et de composition suivants.
> Table: pieds et plateau en bois massif; dimensions minimales de 80 cm de largeur sur 120 cm de longueur et 60 cm de hauteur.
> Lit: tête et pieds en bois massif; dimensions minimales de 90 cm de largeur sur 180 cm de longueur.
> Armoire: deux portes et panneaux latéraux en bois massif; dimensions minimales de 150 cm de hauteur sur 65 cm de largeur et 25 cm de profondeur.
> Tabouret: assise et pieds en bois massif.
> Etagère: armature en bois massif (sauf rayonnages); dimensions minimales de 120 cm de hauteur sur 40 cm de largeur et 15 cm de profondeur.
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