Les perturbateurs endocriniens ont été découverts il y a 25 ans. Depuis, les mondes scientifique, politique, économique et chimique se battent à coups d’études et de rapports contradictoires pour les protéger ou les incriminer. Les conflits d’intérêts sont immenses, à la mesure des enjeux.
D’un côté, il faut bien sûr protéger la population. De l’autre, il ne faut pas entraver l’économie. Entre les deux, les instances politiques et les consommateurs sont pris en otages. Les premières sont incapables de légiférer, les seconds ne peuvent pas identifier les articles de consommation incriminés.
Action délétère
Or, les perturbateurs endocriniens altèrent la reproduction humaine, créent des troubles neurologiques, provoquent des cancers hormonodépendants et pourraient également favoriser l’apparition du diabète et de l’obésité. Malgré leur action délétère sur le système endocrinien, ces substances sont utilisées dans une quantité immense de produits: pesticides, plastiques, cosmétiques, produits d’hygiène, alimentation, etc. (lire encadré). Et le nombre élevé d’études fiables sur leurs méfaits n’y change rien: une interdiction généralisée n’est pas à l’ordre du jour. Pourtant, l’imprégnation est globale, elle touche autant les humains que la faune et le bétail.
14 ans pour presque rien
Attendue pour décembre 2013, la définition de la Commission européenne devait permettre de doter le continent d’un cadre légal contraignant et pionnier. Trente mois plus tard, le 15 juin dernier, l’instance rendait son verdict: «Les critères scientifiques approuvés aujourd’hui par la commission sont fondés sur la définition d’un perturbateur endocrinien de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fait l’objet d’un large consensus.» (Lire exergue.). Le hic: cette définition date de 2002... Ce laps de temps aura permis à la Commission européenne de reporter de nombreuses fois l’établissement d’un règlement, invoquant différents problèmes scientifiques et risques économiques. En d’autres termes: la montagne a accouché d’une souris. D’une petite souris qui doit encore être validée par les Etats membres avant d’être soumise au Parlement européen.
Ce nouveau délai, de plusieurs mois sans doute, va permettre aux deux camps – écologistes et ONG d’un côté, industrie de l’autre – de bloquer l’application de cette définition.
Cobayes humains
Autre problème et non des moindres: selon ce nouveau et maigre règlement, seules les substances ayant fait la preuve de leurs effets nocifs sur l’humain seront considérés comme des perturbateurs endocriniens. Cela signifie donc que les êtres humains deviennent officiellement des cobayes et qu’il faudra attendre des effets avérés dans la population pour intervenir. Le grand perdant: le principe de précaution!
Annick Chevillot
Dans les faits
Exposition quotidienne
Chaque jour, notre organisme est exposé à des perturbateurs endocriniens. Les fruits et les légumes issus de l’agriculture traditionnelle contiennent des résidus de pesticides. Près de 40% des produits d’hygiène et de beauté contiennent au moins un perturbateur endocrinien. Les jouets en plastique et les peluches des enfants sont aussi imprégnés. Tout comme les canapés en tissu ornant les salons du pays. Même les aliments emballés dans des barquettes en plastique sont imprégnés avant d’être ingurgités.
A la salle de bain, ce sont les phtalates qu’il faut chasser. On en trouve dans de nombreux cosmétiques et des parfums. Leurs effets délétères sur la santé sont avérés. Les phtalates réduisent la production de testostérone et perturbent ainsi le développement des organes sexuels masculins. Chez les filles, ils stimulent le développement sexuel et entraînent une puberté précoce.
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