Une première épidémie mondiale a été provoquée, en 2013, par le méthylisothiazolinone, ou MIT de son petit nom. Une substance amenée à remplacer les décriés parabènes dans les cosmétiques. Si le MIT est le plus connu des dérivés de l’isothiazolinone, on oublie parfois que ce n’est de loin pas le seul.
Les membres de cette famille de puissants bactéricides sont couramment utilisés comme conservateurs dans l’industrie, par exemple dans la peinture, la colle, les produits de nettoyage ou certains cosmétiques. Utilisés depuis les années 1970 dans l’industrie, ils envahissent notre quotidien depuis une quinzaine d’années (voir encadré).
Aussi dans l’air
Ces molécules sont des allergènes puissants avec un fort pouvoir sensibilisant. «L’allergie se manifeste par de l’eczéma principalement sur les zones en contact direct avec le produit, mais cela peut se généraliser sur le reste de la peau, précise Yassaman Alipour Tehrany, médecin interne au Service de dermatologie des HUG. Et, comme certains isothiazolinones sont très volatiles, la simple présence de particules dans l’air peut provoquer une réaction.» Ainsi, il suffit de se trouver dans une pièce fraîchement repeinte ou dans laquelle un désodorisant a été vaporisé pour déclencher une crise d’eczéma.
«Selon une étude réalisée en 2016 dans cinq pays européens, près de 92% des peintures à base d’eau contiennent des isothiazolinones, dont le plus volatile des dérivés, le méthylisothiazolinone», s’inquiète la dermatologue. Il est donc impératif de bien aérer une pièce qu’on vient de repeindre. Une personne allergique peut ressentir une gêne pendant quelques jours, voire jusqu’à deux mois, après la pose de la peinture.
Gare au slime fait maison!
L’une des dernières épidémies en date concerne le cuir. C’est que l’octylisothiazolinone est utilisé, depuis quelques années, pour le traitement des peaux et le tannage. Les services de dermatologie sont témoins d’une vague de patients sensibilisés par leur canapé, leurs chaussures ou leur ceinture.
Depuis deux ans, un autre phénomène inquiète les observateurs: le slime – ou la «pâte à prout» – fait maison. «Nous sommes face à une épidémie de réactions allergiques qui touchent les mains des enfants», constate Yassaman Alipour Tehrany. En effet, la majorité des tutoriels, qu’on trouve sur internet, utilisent des produits ménagers tels que de la lessive, des produits vaisselle ou autres colles pour les fabriquer. Ceux-ci contiennent souvent des substances problématiques, dont l’isothiazolinone et ses dérivés.
L’allergie peut se développer
D’après la spécialiste, pour se prémunir, «il faut éviter autant que possible tout contact avec l’isothiazolinone, par exemple en portant des gants. Si on ne peut pas l’éviter, il faut se laver les mains, ou la partie exposée, au plus vite». Mauvaise nouvelle pour les personnes sensibles: il n’existe pas de médicament pour réduire les effets. Les antihistaminiques sont inefficaces dans ce cas. Même les personnes qui ont la chance de ne pas faire de réaction doivent éviter le contact direct et prolongé avec l’isothiazolinone, afin de limiter le risque de développer une allergie. C’est également une substance irritante qui peut agresser la peau et provoquer des démangeaisons.
Une nouvelle positive tout de même: depuis l’interdiction, en 2017, de l’isothiazolinone dans les cosmétiques non rincés (crèmes, déodorants, etc.), les dermatologues ont «remarqué une nette diminution des cas liés aux produits cosmétiques». Yassaman Alipour Tehrany rappelle cependant qu’il faut faire attention aux vieux produits qui datent d’avant l’interdiction et à ceux qui sont fabriqués hors de l’Europe.
Sandra Miura
L’isothiazolinone en bref
Dérivés les plus courants: méthylchloroisothiazolinone, méthylisothiazolinone, benzisothiazolinone et octylisothiazolinone.
Localisation: peinture, colle, produits de nettoyage, lessive, cuir, shampoing, spray désodorisant, etc.
Présence: dans 42,9% des détergents testés (2015) et 91,7% des peintures à base d’eau testées (2016).