Dès l’an prochain, les consommateurs suisses qui commanderont des marchandises valant moins de 65 fr. sur certains sites web étrangers devront payer la TVA, alors que ce n’est pas le cas actuellement. Le changement sera assez déconcertant, puisque cette taxation ne sera pas systématique mais dépendra… du statut et de la politique du vendeur!
Ainsi, lorsque vous achetez un bien auprès d’une société réalisant moins de 100 000 fr. de chiffre d’affaires annuel avec des colis de faible valeur envoyés en Suisse, le système actuel continuera d’être appliqué.
Cela signifie que, en tant qu’acheteur, vous ne payerez pas de TVA, et donc pas de frais de dédouanement si la valeur du colis ne dépasse pas 65 fr. (200 fr. pour les livres). Au delà, votre achat sera taxé.
En revanche, lorsque vous passerez une commande auprès d’une société qui réalise un chiffre d’affaires annuel d’au moins 100 000 fr. avec ses petits envois, votre achat sera soumis à la TVA même si sa valeur n’est que de quelques francs (lire encadré)! Et de toute évidence, c’est vous qui devrez vous acquitter de cet impôt, même si l’Administration fédérale des contributions rappelle que «le vendeur reste libre de fixer le prix du bien comme il l’entend, soit en ajoutant la TVA, soit en réduisant sa propre marge».
La situation est donc abracadabrante, avec une partie des colis de faible valeur qui ne seront pas taxés et d’autres qui le seront. Comment l’internaute saura-t-il de quoi il retourne? Les sites étrangers seront censés mentionner les coûts relatifs aux envois en Suisse, mais rien ne garantit qu’ils seront tous transparents sur ce point.
L’arrogance de certains transitaires
L’autre élément déterminant sera le montant demandé par les transitaires qui s’occupent des acheminements depuis l’étranger. On sait que le coût réel d’un achat sur un site étranger peut être actuellement alourdi par les frais de dédouanement que les transitaires perçoivent. Il y a trois ans, nous avions montré qu’une veste achetée 233.50 fr., frais de port inclus, revenait finalement à 277 fr. une fois les taxes ajoutées (lire «A la douane, l’addition est salée» sur
bonasavoir.ch). Quels frais de service vont-ils facturer pour les petits envois soumis à la TVA? A quel point vont-ils alourdir l’addition pour le consommateur? FedEx nous a déclaré avoir d’autres priorités que de répondre à cette question. DHL n’a même pas daigné donner suite à nos sollicitations, malgré nos relances. UPS nous a déclaré être actuellement «en pleine définition des prix pour l’année prochaine».
Vers une augmentation
Marco Kaiser, porte parole de DPD, a pris le temps de nous expliquer que cela occasionnera une surcharge de travail pour le transitaire «puisque, au delà de 100 000 fr. de chiffre d’affaires, la totalité des colis importés devront faire l’objet d’une déclaration électronique en douane, alors que, aujourd’hui, les envois non taxables bénéficient de simplifications de l’Administration fédérale des douanes (AFD)». Selon Marco Kaiser, DPD devra trouver un juste équilibre dans ses tarifs «entre le niveau d’exigences de l’AFD, qui génère des coûts de plus en plus élevés et l’intérêt des consommateurs».
Au final, la seule bonne nouvelle provient de La Poste, qui nous a assuré que les petits envois inférieurs à 65 fr. (ou 200 fr. pour les livres) délivrés par ses services ainsi que ceux de ses partenaires GLS et EMS continueront d’être exemptés de frais de dédouanement en 2019, quel que soit le vendeur.
Avec l’ordonnance sur la vente par correspondance, les Chambres fédérales ont, sous couvert d’égalité, joué le jeu du protectionnisme. Et ce sont les consommateurs qui en feront les frais.
Sébastien Sautebin
Eclairage
L’inégalité comme prétexte
A l’heure actuelle, les envois dont la valeur est égale ou inférieure à 65 fr.
(200 fr. pour les objets soumis à la TVA réduite comme les livres) ne sont pas taxés. Le montant de TVA qui serait perçu, soit 5 fr. au maximum est trop faible pour respecter le principe de rentabilité de la perception. Mais le Parlement, irrité par le tourisme d’achat, a profité de cette exemption pour dénoncer une inégalité de traitement. En effet, les petits colis provenant de l’étranger ne sont actuellement pas soumis à la TVA, contrairement à ceux qui sont expédiés depuis la Suisse.
Les Chambres fédérales ont donc décidé que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 100 000 fr. sur le territoire suisse avec des petits envois expédiés depuis l’étranger doivent, dès le 1er janvier 2019, être assujettis à la TVA suisse. Montant qu’ils peuvent répercuter sur les acheteurs, sur tous leurs envois. Les sociétés réalisant moins de 100 000 fr. ne seront, en revanche, pas assujetties pour les colis de faible valeur.