Affirmer que la consommation d’aliments bio diminuerait les risques de cancer peut sembler une évidence, mais n’a pas encore été démontré. Une étude française, parue en octobre dernier dans une revue américaine réputée (Journal of the American Medical Association), vient de faire un pas dans ce sens. Selon elle, une diminution de 25% du risque de cancer a été observée chez les consommateurs réguliers de produits bio. Mais ces résultats doivent être confirmés.
étude de grande ampleur
Des chercheurs du Centre de recherche épidémiologie et statistiques de la Sorbonne, à Paris, ont suivi pendant sept ans près de 70 000 volontaires adultes (âge moyen 44 ans), dont 78% de femmes. Chacun a indiqué sa consommation d’aliments bio sur une liste de 16 types de denrées: fruits, poisson, céréales, huile, confiture, etc. La quantité et la fréquence de leur consommation de produits bio (jamais, occasionnellement, la plupart du temps) ont également été prises en considération.
Durant l’étude, 1340 cancers ont été diagnostiqués. Comme on pouvait s’y attendre, leur répartition dans les groupes est inégale: les consommateurs réguliers de bio ont 25% de risque en moins que ceux qui n’en consomment jamais. Plus précisément, la réduction du risque est de 76% pour le lymphome (lire encadré) et de 34% pour le cancer du sein chez la femme ménopausée. En revanche, aucune corrélation significative n’est apparue pour les autres cancers.
En général, les partisans du bio sont aussi soucieux de leur style de vie, ce qui pouvait influencer les résultats de l’étude. Les auteurs en ont donc tenu compte (qualité de l’alimentation, BMI, activité physique, tabagisme, etc.). Pourtant, une fois ces paramètres écartés, les résultats se sont révélés identiques.
Pesticides pointés du doigt
Logiquement, c’est la présence de pesticides dans les aliments conventionnels qui est montrée du doigt pour expliquer ces résultats. En avril dernier, une étude de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) indiquait que 6% des aliments bio présentent des traces de pesticides contre 44% pour ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Une autre hypothèse attribue aux produits non traités une teneur potentiellement plus élevée en antioxydants et en vitamines.
Dans leur conclusion, les auteurs précisent que le lien de cause à effet ne peut être démontré uniquement sur la base de leur étude. Ils ajoutent que de nouveaux travaux et des approches expérimentales sur d’autres populations et dans différents contextes sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Cette étude, globalement bien accueillie, a aussi essuyé certaines critiques. Par exemple: les participants devaient estimer, seuls et sans autre forme de validation, la quantité des produits bio qu’ils avaient consommés dans la journée. Quelle fiabilité peut-on accorder à cette évaluation? Il suffit de se livrer à cet exercice pour se rendre compte de sa difficulté. De même, certains experts ont relevé que les traces de pesticides potentiellement présents dans les urines des volontaires n’ont pas été mesurées. Enfin, l’échantillonnage des participants n’était pas vraiment représentatif de la société.
Le bon sens doit prévaloir
La publication de ces chiffres ne doit pas décourager la consommation de fruits et de légumes conventionnels. Le bio n’est pas le remède miraculeux contre le cancer. De plus, il est trop cher pour beaucoup et n’est pas disponible en quantité suffisante pour toute la population.
Pour la Ligue suisse contre le cancer, réduire de 30% à 40% le risque d’en développer un passe par un mode vie sain: activité physique régulière, consommation modérée d’alcool, pas de tabagisme, alimentation saine, soit beaucoup de fruits et de légumes (bio on non), peu de viande rouge et de charcuterie.
Doris Favre, diététicienne diplômée
Eclairage: Le lymphome et les pesticides
Comme son nom le laisse supposer, le lymphome est un cancer qui se développe dans le système lymphatique. Pour rappel, ce dernier n’est autre qu’un réseau de canaux qui parcourt tout le corps et par lesquels circulent les anticorps et les cellules qui détruisent les virus et les bactéries. En Suisse, le lymphome provoque 500 victimes par an. En 2009, une étude française a montré que ce cancer est deux à trois fois plus élevé chez les agriculteurs exposés aux pesticides.