Le pinot noir n’a rien d’indigène. Mais il se plaît en Suisse. Son hégémonie est telle qu’il croque 28% de la surface viticole, juste devant le chouchou de la nation, le chasselas (26%). C’est aussi la seule variété qu’on retrouve dans tout le pays, de Genève à Schaffhouse, en passant par des vignobles plus confidentiels, comme ceux du Jura ou de la Suisse centrale. Bref, le pinot noir est partout!
Qui dit quantité, dit aussi qualité. Dans un domaine trop souvent parasité par le snobisme, on réserve parfois l’excellence aux seuls coteaux bourguignons. Mais si la Bourgogne reste le berceau principal du pinot noir, elle n’a pas, pour autant, l’apanage du savoir-faire. A l’instar des Grisons, le vignoble suisse produit lui aussi des pinots noirs spectaculaires. Le magazine The Wine Advocate, de l’incontournable Robert Parker, en avait d’ailleurs loué la qualité lors d’une dégustation à l’aveugle réalisée en 2014. Pas moins de 18 vins – sur un total de 150 – avaient décroché une note supérieure ou égale à 90 points!
Diversité mal représentée
Les bouteilles dégustées par notre jury ne luttent évidemment pas dans la même catégorie. Notre sélection a porté sur des pinots noirs de 2017 vendus dans les grandes surfaces à moins de 15 fr. Dans cette gamme de prix, on trouve des rouges bien faits, mais qui n’ont pas la prétention d’être ciselés comme des crus d’exception. Dommage, toutefois, que la diversité du terroir helvétique soit aussi peu représentée dans les rayons des supermarchés.
Face à une cohorte de vins valaisans, ce sont les vaudois qui ont parfaitement tiré leur épingle du jeu en plaçant trois des leurs aux quatre premières places! Le vainqueur, le pinot noir du Domaine de Sarraux Dessous de chez Bolle, a fait l’unanimité auprès du jury. «C’est un vin très expressif, fidèle à l’identité du cépage. La bouche est très plaisante avec des tanins soyeux et du gras. C’est une très belle réussite», commente René Roger.
Son dauphin, le pinot noir Trophée de la Cave St-Pierre à Chamoson, a été apprécié pour sa rondeur. «Le nez dégage une belle intensité avec des notes agréables de fruits rouges à maturité. Il y a certes une pointe végétale, mais on retrouve un bel équilibre entre l’alcool et l’acidité», relève Arnaud Scalbert. Le podium est complété par le Vin des Croisés de la Cave des viticulteurs de Bonvillars. Ce joli cru du Nord vaudois a séduit le jury par son élégance et sa générosité. Ce n’est du reste pas un hasard s’il est, tout comme le vainqueur, labellisé Terravin (lire encadré).
Vins de pays à la rue
Et les réputés pinots alémaniques dans tout ça? Aux abonnés absents! Leur diffusion est si chiche en Romandie que le consommateur doit se contenter de vins de pays médiocres qui ont sombré dans les profondeurs de notre classement. Dommage que des géants, comme Coop, affichent une belle offre sur internet, mais rien dans les rayons de ses magasins romands.
Yves-Noël Grin
Eclairage: Terravin comme repère
Les concours de vin pullulent jusqu’à donner le vertige. Certaines bouteilles arborent même plusieurs vignettes dorées ou argentées pour mettre en avant leur médaille. C’est évidemment un instrument de marketing essentiel pour toute la filière, mais un gage de qualité très variable et relatif.
Si Terravin joue aussi un rôle promotionnel, sa philosophie est différente. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un concours, mais bien d’un label de qualité pour les vins vaudois AOC. Label décerné à la suite d’une dégustation analytique basée sur une vingtaine de critères. Cinq dégustateurs officient à tour de rôle parmi trente experts. Au cours des cinq dernières années, c’est en moyenne 6% des vins vaudois (AOC) qui ont été labellisés Terravin.