Comparer les paniers des supermarchés est un exercice délicat. Mais instructif. Le premier comparatif de Bon à Savoir remonte à 2003. Notre magazine avait alors sélectionné 52 produits directement inspirés du panier de la ménagère élaboré par l’Office fédéral de la statistique. L’option choisie, radicale, consistait à comparer les prix les plus bas, sans tenir compte ni de la qualité ni de l’origine des produits. Carrefour arrivait en tête de ce premier classement, suivi de Migros (+7%) et Coop (+22%). L’année suivante, Migros prenait la première place devant
Carrefour (+4,3%) et Coop (+18,5%).
En 2005, l’annonce de l’arrivée des discounters allemands Lidl et Aldi amorce une guerre des prix par anticipation, au profit des consommateurs. L’écart de prix du panier entre les trois premiers (respectivement Carrefour, Coop et Migros) n’est plus que de 2,1%. Un retournement en partie explicable par le lancement de la gamme premier prix «Prix Garantie» de Coop, en écho à la ligne «M-Budget» démarrée par Migros en 1996 déjà. En 2006, un nouvel acteur entre dans la danse. Casino se place deuxième derrière Carrefour, et l’écart du panier entre Coop (troisième) et Migros (quatrième) n’est plus que de 4 centimes!
Ce qui se dessine, cette année-là, c’est la stratégie des deux géants orange pour les années suivantes: des prix d’entrée de gamme au plus bas pour faire concurrence aux discounters allemands, des baisses modérées sur les gammes classiques, le développement de lignes qualitatives (Fine Food et Migros Sélection) pour conserver des marges et pousser les ventes de la gamme intermédiaire par effet de leurre et, parallèlement, le rachat d’entreprises à tour de bras pour prendre du poids: Christ, Fust, Carrefour, The Body Shop, LeShop, Denner, Office World, Digitec…
En 2007, Aldi s’installe en tête de notre classement du caddie type, mais les différences avec Migros (+2,5%) et Coop (+4,5%) sont relativement faibles et la comparaison rendue difficile à cause du choix restreint du hard-discounter. Arrivé en Suisse en 2009, Lidl occupe la première place en 2010, suivi de Migros (+0,81%), Aldi (+4,39%) et Coop (+5,83%).
Aujourd’hui, l’écart de prix entre les produits de grande consommation des principaux distributeurs n’est souvent plus que de quelques centimes. Vu sous cet angle, on pourrait penser que les prix se valent dans toutes les grandes surfaces, mais il n’en est rien. Le tableau est trompeur. Dès qu’on sélectionne des articles qui ne sont pas proposés dans la gamme «premier prix», notre enquête montre une situation très différente (lire page 10). Le résultat? Des écarts jusqu’à 60%. La comparaison est plus que jamais d’actualité.
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef