Attention! Les mines et les laques de certains crayons de couleur vendus en Suisse contiennent des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des phtalates ou des amines aromatiques. Ces composés peuvent être cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (lire encadré).
Ainsi, parmi les dix boîtes envoyées au labo, celle de Pelikan est la seule à ne contenir aucune substance indésirable recherchée. Dans toutes les autres, les experts en ont trouvé au moins une. Les quantités sont, il est vrai, moindres dans trois cas. En revanche, cinq marques ont été pointées du doigt pour des concentrations élevées (voir tableau).
Les composés nocifs peuvent être libérés par la sueur ou la friction et pénétrer dans le corps par la peau ou les muqueuses. Il faudrait donc que les enfants évitent de mettre les crayons à la bouche ou de dessiner sur leur peau! Et il serait judicieux qu’ils se lavent les mains après leur séance de coloriage.
Plusieurs limites dépassées
Dans le détail, les analyses des mines rouges et jaunes des Stilnovo de Giotto achetées chez Coop ont révélé des teneurs élevées en o-toluidine et en aniline. Ces amines aromatiques sont soupçonnées d’être cancérigènes et d’altérer le patrimoine génétique. Les crayons rouges et jaunes de Crayola et de Bellcolor, marque propre de Migros, étaient, eux aussi, fortement contaminés à l’aniline. Le rouge Bellcolor en renfermait ainsi 18 mg/kg, le record du test! La directive européenne EN71 prévoit pourtant une valeur maximale de 5 mg/kg pour cette substance. Le noir de la même boîte contenait, quant à lui, 5 mg/ kg d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Le crayon rouge de Caran d’Ache avait trop de benzanthracène, soit 0,43 mg/kg, alors que le label de sécurité GS en limite la teneur pour les jouets à 0,2 mg/kg. Des recherches ont montré que cet hydrocarbure aromatique polycyclique (HAP) est cancérigène chez les animaux. Certaines études suggèrent qu’il l’est aussi pour les humains.
Nous ne recommanderons pas non plus la boîte Prix Garantie qui est la seule du test à présenter une forte teneur en phtalates et, plus particulièrement, en phtalate de dibutyle (DBP), un plastifiant utilisé, entre autres, dans les peintures. Le DBP est classé comme toxique pour la reproduction et comme perturbateur endocrinien par le règlement REACH sur les produits chimiques de l’Union européenne.
Enfin, le labo a trouvé des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) en quantité moyenne (1 mg/ kg) dans les mines jaunes, rouges et noires des Evolution Triangle de Bic Kids. Cette teneur est inférieure aux valeurs maximales, mais ces crayons ne conviennent néanmoins pas aux petits enfants qui sont susceptibles de les mettre à la bouche.
Retrait des rayons
Caran d’Ache répond que ses produits ne sont pas des jouets et que les normes du label GS ne devraient donc pas s’appliquer. L’entreprise promet malgré tout d’interdire toutes les substances nocives à l’avenir. Elle serait déjà en contact avec ses fournisseurs de matières premières à ce sujet. Dans un tout récent courrier, Caran d’Ache nous a informés ne pas avoir trouvé de HAP dans les crayons rouges analysés après notre test. Ces derniers proviennent toutefois d’un lot différent du nôtre.Mais nous saluons le fait que l’entreprise nous ait envoyé le rapport d’examen*.
Migros affirme que ses Bellcolor sont régulièrement inspectés et qu’aucune valeur élevée n’a, pour l’heure, été enregistrée. Fila, fabricant de Giotto, précise également traquer les amines aromatiques dans ses crayons de couleur. Selon l’entreprise, les tests n'ont jamais révélé de hautes quantités de résidus. Enfin, Coop écrit que les Prix Garantie ont respecté jusqu’ici toutes les valeurs limites. Néanmoins, le détaillant a décidé de les retirer des rayons jusqu’à ce que leur innocuité soit établie.
Jonas Arnold / seb
*Précision de Caran d'Ache
«Nos crayons ne présentent aucun risque»
"Evitez de les mettre à la bouche! » (6/19)
Le contenu de cet article ayant retenu toute notre attention, nous avons mené deux analyses sur les produits concernés (crayon Swisscolor – couleur rouge écarlate) auprès d’un organisme indépendant agréé. Ces deux analyses ont révélé que ce produit ne contenait pas de Benzanthracène à un niveau quantifiable et que nos taux étaient inférieurs tant aux limites posées par toutes les réglementations suisses et européennes applicables aux jouets (OrrChim, Ochim, Osjo, REACH, Directive européenne sur la sécurité des produits 2001/95 / CE et Directive européenne sur les jouets 2009/48/ CE) qu’aux exigences du label privé GS mentionnées dans l’article. Nos produits Swisscolor garantissent par conséquent un usage en toute sécurité pour tout type d’utilisateurs, y compris les enfants.
Jean-François de Saussure, Directeur général, Caran d’Ache SA, Thônex GE
Les critères du test
Nous avons envoyé les dix boîtes à un laboratoire spécialisé. Les analyses se sont concentrées sur les mines et les laques des crayons jaunes, rouges et noirs qui sont connues pour être plus problématiques. Nos évaluations se sont basées sur les normes de sécurité de l’UE relatives aux jouets ainsi que sur celles du label de certification allemand GS (pour Geprüfte Sichercheit). Les experts ont traqué les composés suivants.
1. Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
Ils se forment lors de la combustion incomplète de matières organiques, comme le bois, le charbon et le pétrole. Ils polluent certains crayons au cours du processus de fabrication. Une partie des HAP sont cancérigènes. Le label GS a fixé une valeur maximale de 5 mg/ kg pour les jouets. Pour les substances particulièrement problématiques, la limite est de 0,2 mg/kg.
2. Phtalates
Ils assouplissent les plastiques. Agissant comme des hormones, ils peuvent endommager le matériel génétique et altérer la fertilité. Le règlement REACH de l’UE établit une valeur limite de 0,1% pour les jouets.
3. Amines aromatiques
La directive européenne EN-71 réglemente la concentration en amines aromatiques pour les jouets. Ces dernières peuvent se détacher des colorants azoïques qui servent à teindre différentes matières. Certaines amines sont classées comme cancérogènes probables et d’autres comme cancérogènes avérés. La quantité maximale pour «les jouets qui laissent des traces», comme les crayons de couleur, est de 5 mg/kg.