La loi suisse ne fait aucune fleur aux concubins. Sur le plan financier, les partenaires sont traités individuellement. Ainsi, lors de l’acquisition d’une maison, l’apport financier de chacun détermine la manière de remplir ensuite sa déclaration d’impôt ainsi que le partage en cas de séparation et de succession.
«Entre le moment où on trouve l’objet de ses rêves, les échanges avec la banque et le rendez-vous chez le notaire, tout va vite. On n’a pas forcément le temps de mesurer les enjeux d’une propriété partagée», met en garde Stéphan Mischler, directeur opérationnel de DL MoneyPark.
Plusieurs options à examiner
La première étape consiste à choisir entre le mode de propriété, qu’elle soit commune (toute la maison appartient aux deux) ou en copropriété (la part de chacun est inscrite séparément au Registre foncier). Cette option est souvent préférable dans ce cas (lire «La propriété pour concubins»). C’est la seule envisageable si on a recours au capital de prévoyance pour constituer les fonds propres.
L’étape suivante consiste à mettre en place un plan financier. Prenons l’exemple de Loïc et d’Emilie, qui achètent un bien immobilier d’une valeur de 1 million de francs. Les fonds propres s’élèvent à 200 000 fr. et la dette hypothécaire à 800 000 fr. Première option: chacun met 100 000 fr. sur la table et prend en charge les intérêts passifs correspondant à un prêt de 400 000 fr. Par la suite, chacun reportera sur sa déclaration la moitié des montants correspondant à la valeur locative, aux frais d’entretien et aux intérêts de la dette. (Voir tableau, scénario 1.)
Fonds propres taxés
Les choses se corsent si Loïc a des moyens financiers supérieurs et apporte 150 000 fr. alors qu’Emilie ne fournit que 50 000 fr. Première précaution: il faut éviter que l’apport supplémentaire de Loïc soit considéré comme une donation en faveur d’Emilie, car il sera fortement taxé. La facture pourrait dépasser 20 000 fr. puisque les partenaires n’ont aucun lien de parenté! Il faut donc considérer l’apport supplémentaire comme un prêt. Les 750 fr. d’intérêts s’ajoutent au revenu de Loïc et figurent en négatif sur la déclaration d’Emilie. Cette solution permet en outre de se répartir équitablement les frais. (Scénario 2.)
Autre option: adapter la part de propriété de chacun au montant engagé. Loïc posséderait dans ce cas les trois quarts de l’immeuble et Emilie, le quart. Cette solution a toutefois des répercussions sur la taxation, car le fisc traitera chacun comme le propriétaire de sa seule part. Sur la déclaration, tous les montants seront proportionnels à cette dernière. Et ce, même si chacun paie la moitié des factures! (Scénario 3.) A l’inverse, si c’est Emilie qui avance les fonds propres, c’est sa déclaration qui affichera les plus gros montants. (Scénario 4.)
Prévoir le pire
«Le fait de choisir une option plutôt que l’autre a très peu d’impact sur la facture de l’impôt sur le revenu», relève Roland Bron, directeur de VZ pour la Suisse romande. Les taux d’intérêts sont actuellement si bas que les frais sont compensés par la valeur locative. En revanche, il vaut mieux partager équitablement la propriété en prenant soin de signer une reconnaissance de dette. «Les deux partenaires occupent le logement du bien et en jouissent», observe Roland Bron. De plus, si les parts sont inégales, la différence se répercuterait sur la plus-value en cas de vente ou de séparation.
Dernière précaution: rédiger un pacte successoral pour laisser l’usufruit du bien au partenaire survivant. Car les concubins n’ont aucun droit par rapport aux autres héritiers réservataires, tels que les enfants du défunt.
Claire Houriet Rime