Chaque année, 120 000 crédits à la consommation sont accordés en Suisse. Si la plupart des taux sont au plus bas, comme ceux des prêts hypothécaires, sous l’effet de la politique monétaire ultraexpansionniste de la Banque nationale suisse (BNS), les prêts dont on parle ne profitent cependant pas de cette tendance favorable.
Taux plafonné à 10%
En 2016, le taux d’intérêt maximal pour les crédits à la consommation a été abaissé de 15% à 10% par le Conseil fédéral. Ce seuil est destiné à protéger les consommateurs et à leur éviter le surendettement. Malgré cette décision, les taux restent à un niveau élevé. Selon le scénario précis que nous avons soumis aux établissements (voir tableau), ils s’échelonnent entre de 5,9% à 9%, soit dans la même fourchette qu’en 2015.
La Banque Migros – qui a demandé de connaître plus en détail le budget, afin d’évaluer la solvabilité de notre demande – et la Banque Cantonale du Jura (BCJ) ont le taux le plus bas, à 5,9%. Elles ont toutefois fixé un remboursement non pas sur 24 mois, mais sur 36 mois. Or, plus l’échéance est longue, plus les coûts sont élevés. Ce qui explique pourquoi ces deux établissements ne sont pas nécessairement les plus avantageux, malgré leur taux attractif.
Peu de banques cantonales
Le coût de l’emprunt s’avère, au final, le plus intéressant chez Lend.ch. Ce dernier se distingue des autres prestataires de notre comparatif, puisqu’il s’agit d’une plateforme de crowdlending. En bref, c’est un système de prêt participatif qui permet à des particuliers d’emprunter de l’argent auprès d’autres personnes. Avec Lend.ch, le coût du crédit de 20 000 fr. de notre scénario se montait à 1280 fr., soit un gain de 561 fr. par rapport à la proposition la plus chère émanant de la Banque Cantonale du Valais. (BCVs)
Ce que l’on constate, d’ailleurs, c’est que bon nombre d’établissements traditionnels ont abandonné ce segment d’activité. Seules trois banques cantonales romandes disposent encore de leur propre offre: la Banque Cantonale de Genève (BCGE), la BCJ et la BCVs. Les autres proposent à leurs clients de passer par Cashgate, également partenaire de Raiffeisen, de la Banque Cler et de Clientis.
Gare aux offres d’appel!
Deux acteurs pèsent très lourd sur ce marché: Cembra Money Bank et Bank-now, filiale de Credit Suisse. Cembra Money Bank va encore renforcer sa position de leader, puisqu’elle vient d’annoncer le rachat de Cashgate. Bank-now n’a par ailleurs pas souhaité participer à notre comparatif, prétextant qu’une «analyse qui énumère uniquement les prix et non les services associés ne tient pas suffisamment compte des différents besoins des clients». Raison pour laquelle nous avons dû passer par son calculateur en ligne pour obtenir des données.
Le secteur ne brille guère par sa transparence. Les sites internet des prestataires font souvent miroiter des taux inférieurs à 4%. Mais, dans la pratique, ces offres d’appel sont réservées à un cercle très restreint, comme des propriétaires d’un bien immobilier affichant une excellente solvabilité, autrement dit des individus qui n’ont pas de nécessité à conclure un prêt personnel. De nombreuses banques ont recours à un modèle statistique – le score de crédit – pour évaluer la solvabilité du client. Plus le nombre de points est élevé, plus le consommateur bénéficiera de conditions attactives.
Budgets lacunaires
Quoi qu’il en soit, la souscription d’un prêt personnel doit rester une décision mûrement réfléchie. La loi sur le crédit à la consommation (LCC) est devenue plus stricte, mais n’est pas toujours appliquée à la lettre, relève Caritas Suisse. Les budgets établis par certaines banques omettent systématiquement de prendre en compte des frais de repas professionnels et sous-évaluent les frais de transports pour se rendre au travail, les impôts ou les primes d’assurance maladie. Une fois les contrats corrigés, Caritas constate que la capacité financière effective des emprunteurs ne leur permet pas de rembourser dans la durée d’amortissement légale de 36 mois.
«Les contrats des crédits à la consommation sont souvent viciés», ajoute Rausan Noori, juriste chez Caritas. L'association recommande de les faire vérifier auprès d’un juriste spécialisé ou d’un service de désendettement avant ou après signature. «Les calculs du budget sont très complexes et doivent être effectués par des professionnels», rappelle-t-elle.
Spirale de l’endettement
Bien souvent, les consommateurs ne connaissent pas bien leurs droits. Or, les contrats peuvent être contestés et annulés. En cas de violation grave de la LCC, le prêteur peut perdre le montant de l’emprunt qu’il a octroyé. Dans le cas d’une violation légère, seuls les intérêts et les frais ne lui sont plus dus. Comme le souligne Caritas, un prêt ne devrait jamais être contracté pour parer à des difficultés financières sous risque de plonger dans la spirale de l’endettement. Aussi, le remboursement d’un petit crédit conclu sur la base d’un budget équilibré peut vite devenir lourd en raison d’un événement brutal, comme un divorce, une maladie ou une perte d’emploi.
Alexandre Beuchat
Des taux exorbitants en Suisse
Les taux des crédits à la consommation en Suisse restent élevés en comparaison avec des pays comme la France ou l’Allemagne. L’environnement réglementaire suisse n’est pas comparable au marché européen, fait valoir Cembra Money Bank: «La loi sur le crédit à la consommation impose des exigences plus strictes en matière de solvabilité et de prévention du surendettement.»
En Suisse, le taux maximum reste plafonné à 10%. «Nous sommes favorables à une nouvelle baisse du taux d’intérêt maximum. Un abaissement limiterait le poids du crédit et obligerait les banques à procéder à un examen plus minutieux de la capacité de contracter», estime Sébastien Mercier, secrétaire général de Dettes Conseils Suisse. Selon Lend.ch, un nouveau venu dans le secteur, la compétition a longtemps été limitée entre un petit nombre de banques qui proposaient, toutes, des taux très hauts.