Eradiquer la rougeole. Tel est l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de ses Etats membres. En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) recommande la vaccination contre la rougeole en combinaison avec celle contre la rubéole et les oreillons (vaccin ROR). Deux doses sont prévues: la première à 9 mois, la seconde à 12 mois. Rattrapable à tout âge, le vaccin est recommandé à toute personne non immunisée et née après 1963. «La protection dure toute la vie chez la plupart des personnes ayant reçu le vaccin complet», précise l’OFSP. Or, toute la subtilité réside dans ces deux mots, «la plupart». L’exemple récent du Portugal en est la preuve. En 2018, plus de 100 personnes y ont contracté la rougeole. Parmi elles, certaines avaient pourtant reçu le vaccin complet.
«Cela démontre clairement que la rougeole ne peut pas être éradiquée», constate Martin Hirte. Expert en matière de vaccination, ce dernier explique que le fait que des personnes vaccinées soient touchées prouve que le virus continue de circuler. Le seul moyen d’éviter de grandes épidémies resterait donc de continuer «éternellement» les vaccinations.
Pertinence des chiffres absolus
Le Dr Etzel Gysling est pharmacologue et toxicologue. Il estime pour sa part que «nous devrions peut-être simplement accepter que les vaccinations n’offrent pas toujours une protection complète». Ce qui n’est, selon lui, pas une raison de renoncer aux vaccins. D’autant moins que, dans le cas de la rougeole, il pourrait prémunir de certains dommages permanents. L’OFSP abonde dans ce sens et ajoute que les chiffres démontrent que la vaccination est utile. «Ce qui compte, c’est le niveau du taux de vaccination», précise Yann Hulmann, porte-parole de l’OFSP. «Plus ce taux est élevé, plus le nombre absolu de cas de rougeole est faible, même si la proportion des cas de rougeole chez des patients vaccinés semble élevée. Ce ne sont donc pas les chiffres «relatifs», mais les chiffres «absolus» qui sont pertinents.» Autrement dit, plus les gens sont vaccinés, moins il y a d’épidémie (voir Eclairage).
Voilà pourquoi le vaccin ROR figure dans le plan de vaccinations recommandées de base. Cela n’empêche pas les parents de décider librement s’ils font vacciner leurs enfants. Eux seuls peuvent évaluer s’ils sont prêts à s’occuper d’un enfant souffrant de la rougeole et à supporter les risques de complications.
Détentrice du vaccin Priorix® (ROR), l’entreprise GlaxoSmithKline a été appelée à prendre position. Se référant aux différentes études qui confirment qu’il s’agit de la meilleure mesure de protection, elle a simplement confirmé ce que recommande l’OMS, à savoir une double dose de vaccin. Quant à la société Merck, productrice du vaccin M-M-RVaxPro® (ROR), elle note qu’une troisième dose de vaccin pourrait accroître la protection. Une suggestion qui, selon certains pédiatres, ne résoudrait pas complètement le problème de la diminution de la protection vaccinale.
Andreas Gossweiler / sh
Eclairage
Supposons que nous ayons une population de 1000 personnes, une maladie hautement infectieuse et une efficacité vaccinale de 90%.
A. Situation avec un faible taux de vaccination (10%)
Sur les 1000, seules 100 personnes sont vaccinées. Les 900 autres tombent malades. 10% des personnes vaccinées tombent également malades. Au total, 910 personnes sont donc touchées, dont 1,1% alors qu’elles étaient vaccinées. Ce pourcentage est faible, mais le nombre absolu de cas de rougeole est nettement supérieur à celui de la situation B.
B. Situation avec un taux de vaccination élevé (90%)
Sur les 1000, 900 personnes sont vaccinées. Les 100 autres tombent malades. 10% des personnes vaccinées tombent également malades. Au total, 190 personnes sont donc touchées, dont 47,3% alors qu’elles étaient vaccinées. Ce pourcentage semble élevé, mais importe peu, sachant que le nombre absolu de cas de rougeole est nettement inférieur à celui de la situation A.