Accro ou simplement bon vivant: les limites sont parfois floues. Quand s’inquiéter et que faire si ça dérape? Olivier Simon, Président du Collège Romand de Médecine des addictions et médecin responsable du Centre du jeu excessif du CHUV, répond à quatre questions pratiques.
1. Je fume du cannabis chaque week-end seul chez moi. Avant, c’était deux ou trois fois par an avec les copains. Est-ce que je souffre d’addiction?
Pas forcément. Mais consommer plus fréquemment peut conduire vers la zone à risque, celle où des problèmes, en particulier une dépendance physique, peuvent se développer. Laquelle risque de mener à l’addiction, la phase la plus délicate: celle de la perte de contrôle destructrice. Pour différencier ces zones, prenons l’exemple d’une fumeuse occasionnelle, qui ne fume que trois ou quatre cigarettes par jour. Si elle n’en a pas, elle s’en passe: tout va bien. Puis petit à petit, elle monte à dix-quinze et réalise que lorsqu’elle ne fume pas, elle se sent nerveuse, paye plus cher son paquet pour ne pas en manquer. On est ici dans une dépendance physique ou psychologique, sans forcément perte de contrôle. Si elle tombe enceinte, et que malgré cette motivation majeure et en dépit des conséquences, elle est incapable de cesser sa consommation, elle est alors dans l’addiction, au sens médical.
2. Je n’ai pas l’impression de trop boire, mais je n’en suis pas sûr. Comment évaluer ma situation?
Il faut commencer par s’observer. On peut se poser trois questions.
➛ Est-ce que ma consommation a augmenté?
➛ Est-ce que ma conjointe, mes amis, mes collègues, m’ont fait des remarques, même sur le ton de la plaisanterie?
➛ Est-ce que j’ai déjà dû mentir sur ce que je bois, minimiser, cacher?
Si la réponse est oui, même à une seule de ces interrogations, alors il vaut la peine de se questionner plus avant, par exemple en faisant un test en ligne (voir encadré). Ou en parler avec un professionnel de la santé, par exemple le médecin de famille.
3. Je n’ai pas très envie de passer par mon médecin ou de faire un test. Est-ce que je peux essayer autre chose?
Oui. Juste pour voir, réduire, ou arrêter le comportement qui questionne, par exemple à l’occasion des prochaines vacances. Et noter les effets de l’arrêt. Le but est que la personne qui est encore sous le seuil de l’addiction constate par elle-même qu’elle se sent mieux. Que si elle se levait trois fois par nuit avant, ça n’était pas forcément à cause de l’âge, comme elle le croyait. Que les conflits avec le conjoint diminuent, les relations intimes s’améliorent. C’est d’ailleurs l’idée de la campagne «Dry January». Mais si c’est compliqué, que les bénéfices de l’arrêt se font attendre, il faut oser en parler avec ses proches. Et si c’est trop difficile, il ne faut surtout pas rester seul. Les professionnels de santé offrent la confidentialité du secret médical qui doit aider à briser la glace.
4. Mon mari s’est pris au jeu des paris en ligne. Il ne s’occupe plus des enfants et dépense presque tout l’argent du ménage. Il ne voit pas le souci. Que puis-je faire?
Surtout, ne pas essayer de régler seule la situation. En tant que proche, on est très exposé face au stress généré. Il ne faut donc pas hésiter à prendre contact avec un service d’aide spécialisé à l’exemple du Service de médecine des addictions du CHUV. Nous recevons les proches seuls si le partenaire ne veut rien savoir. Les consultations sont prises en charge par l’assurance maladie de base. Nous remarquons d’ailleurs que, dans un couple, lorsqu’un conjoint vient nous voir parce que son ou sa partenaire a un souci, ça provoque souvent un déclic chez l’autre, qui finit par l’accompagner. Et cela aboutit finalement à un suivi pour lui aussi.
Silvia Diaz
Conseils: Alcool, drogues, jeu excessif: où trouver de l’aide
Le site de l’OFSP safezone.ch donne accès à des tests en ligne, conseils, et consultations anonymes par mail ou par chat. Une carte interactive permet de trouver facilement les lieux de consultation proches du domicile.
Le centre national de compétence Addiction Suisse (addictionsuisse.ch) met à disposition une hotline pour de l’aide et des conseils les lundi, mercredi et jeudi de 9h00 à 12h00 au 0800 105 105 (numéro gratuit).
Le site internet sos-jeu.ch est le portail romand du jeu excessif. Outre des conseils et adresses, on y trouve des informations sur l’application «jeu-contrôle» qui permet de mesurer et gérer sa consommation. Ou les démarches et formulaires pour demander à se faire interdire de casino en Suisse sur une base volontaire. Numéro gratuit accessible 24h sur 24h (0800 801 381).