Les véhicules électriques sont de plus en plus populaires. La Tesla Model 3 a représenté le deuxième modèle de voiture le plus vendu en Suisse, l’an passé, avec 5501 exemplaires. Les parts de marché restent modestes, totalisant moins de 20 000 des 240 000 nouvelles mises en circulation de voitures de tourisme, mais la progression des électriques est impressionnante. Leurs ventes ont ainsi bondi, toujours en 2020, de près de 50%, alors que les immatriculations globales diminuaient de près d’un quart. Et, au cours du premier trimestre 2021, elles ont encore augmenté de moitié par rapport à la même période, un an auparavant.
Mais ce secteur en plein boom a ses failles. Beaucoup de e-conducteurs ont ainsi de mauvaises surprises lors de l’utilisation des bornes publiques, qui représentent 20% des recharges. «Le réseau constitue clairement le point faible de la voiture électrique. Il est encore largement sous-dimensionné, même si l’on constate des progrès», souligne ainsi le journaliste automobile romand, Philippe Clément.
Pour le spécialiste: «Il faut être clair, la mobilité électrique ne doit pas du tout être envisagée comme la mobilité à essence.» On ne recharge pas aussi facilement qu’on fait le plein à la station-service. Outre son sous-dimensionnement, les faiblesses du réseau sont multiples: «Souvent, les bornes ne fonctionnent pas ou mal. Certaines sont situées dans des parkings payants et, en plus du stationnement, le véhicule et l'installation ne sont pas toujours adaptés, beaucoup de stations ne comptent qu’une ou deux bornes, qui sont souvent occupées plusieurs heures… Recharger une voiture électrique prend du temps.» D’ailleurs, parmi les quelque 3500 stations suisses, seules 450 possèdent des systèmes rapides. Dans ces derniers, comme les Tesla Supercharger, on comptera environ dix minutes pour une autonomie de 100 km. Avec une station «normale» de 22 kW, il faut six fois plus de temps.
En clair, une borne privée à domicile, ou éventuellement sur le lieu de travail, s’impose pour redonner une autonomie correcte à son véhicule en profitant de la nuit ou de la journée au bureau. Or, une telle installation, coûteuse, implique d’être propriétaire de son logement ou d’obtenir l’accord du bailleur et d’avoir, en plus, une place de parc personnelle (lire «Le casse-tête de la recharge à domicile»).
Les prix publics ne sont pas clairs
Nos tests pratiques, effectués avec les voitures électriques les plus vendues en Suisse actuellement – Tesla Model 3, Renault Zoe et la VW ID3 – mettent aussi en évidence des problèmes concernant les prix et la facturation.
Lorsqu’ils veulent «faire le plein», les propriétaires doivent avoir l’application idoine sur leur téléphone, une carte client ou une carte de crédit. La charge débute par le biais de l’application ou en présentant sa carte client sur une zone de lecture. Cela semble simple, mais c’est, en réalité, souvent laborieux comme nos essais l’ont montré. Nous avons relevé quatre types de problèmes:
Problème 1: Des prix opaques
Dans les stations-service classiques, les prix du carburant sont visibles de loin. Ce n’est pas le cas pour leurs cousines électriques, où l’on ne connaît pas les tarifs en arrivant. Une pratique tout à fait légale selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), puisqu’ils n’ont l’obligation d’être communiqués qu’à l’endroit où le processus de charge est enclenché, «sur un écran à la station ou sur le propre smartphone du client». Les usagers sont donc priés de trouver les prix eux-mêmes.
Or, l’écran d’une des stations dans laquelle nous nous sommes rendus ne les affichait tout simplement pas. Il n’était ainsi possible de connaître les prix qu’en tapant le code de la colonne sur le site web chge.eu, en scannant le code QR ou en consultant l’application Swisscharge. Opaque et fastidieux...
Dans la pratique, pour faire des économies, il vaut le coup de faire des recherches préalables sur internet auprès des différents opérateurs, tels que Swissrecharge, Move ou Ionity. Sur le tronçon autoroutier où nous avons effectué nos tests, les bornes Tesla étaient les moins chères (41ct./kWh). Ces emplacements sont toutefois réservés aux conducteurs de la marque. Les fiches conviendraient à d’autres véhicules, mais le logiciel empêche la charge.
A l’opposé, les sites de Move Mobility SA étaient les plus onéreux avec des tarifs allant jusqu’à 91 ct./kWh. En comparaison, le kilowattheure ne coûte que 20 ct. environ à domicile.
Problème 2: Des tarifs qui varient selon les moyens de paiement
Dans une station-service, le prix du litre est le même pour tout le monde. Aux bornes, en revanche, celui de l’électricité peut varier en fonction de la manière dont le client paie.
Un exemple: à l’emplacement Move auquel nous nous sommes rendus, le coût était de 59 ct. le kWh et de 15 ct. la minute avec l’application du fournisseur. En cas de payement par carte de crédit, Move facture, en plus, une taxe de raccordement de 2 fr. pour un prix de 59 ct./kWh et de 10 ct. par minute.
Conseil: installer les applications des différents exploitants sur son téléphone, comme Move, Swisscharge, Evpass ou Ionity. On peut trouver des informations sur le réseau (fournisseur, disponibilité, moyen de paiement, etc.) sur le site lemnet.org, sur l’application Lemnet ou encore sur la page de la Confédération je-recharge-mon-auto.ch.
Problème 3: Des coûts additionnels pas transparents
Les exploitants facturent différents suppléments, qui s’ajoutent au tarif du kWh, tel qu’une taxe à la minute ou de mise en service. Par exemple, à la station Gofast où nous nous sommes arrêtés, le kWh vaut 29 ct., mais il fallait aussi s’acquitter de 29 ct. par minute.
Astuce: il est possible de payer, en Suisse aussi, avec l’application Mobility+ de la société allemande Energie Baden-Württemberg AG. Un kWh coûte alors 49 ct. dans la plupart des postes de distribution rapides. Toutefois, en raison de la facturation en euros, un supplément pour monnaie étrangère peut être ajouté lors d’un paiement par carte.
Problème 4: Une technologie peu fiable
Dans une station traditionnelle, le remplissage est automatiquement terminé lorsque le pistolet distributeur est replacé dans la colonne. Les conducteurs de voitures électriques doivent, eux, souvent terminer d’abord le processus de charge dans l’application avant de pouvoir débrancher la prise. La facture suit alors, la plupart du temps, par courriel.
Toutefois, lors d’une recharge, l’application Move a dysfonctionné et le processus n’a pas pu être interrompu. Nous avons dû déverrouiller le câble manuellement. Selon la borne, l’opération a duré environ 15 minutes, pendant lesquelles 7,98 kWh ont été fournis. La facture indiquait cependant 222 minutes et 15,65 kWh. Surcoût: une trentaine de francs.
Conseil: en cas de problème technique, il est judicieux de prendre une photo de l’écran de distribution. Nous avons pu ainsi contester la facture de Move, qui a immédiatement remboursé la différence.
Darko Cetojevic / Sébastien Sautebin