Au mois de mars, le cours du pétrole faisait un plongeon historique perdant plus de 60% de sa valeur, avant de se reprendre, quelque peu, dès la fin d’avril. En cause: la chute de la demande provoquée par la pandémie de Covid-19 et une guerre de l’offre entre la Russie, les USA et l’Arabie saoudite pour s’emparer du marché mondial.
A la station-service, toutefois, les consommateurs suisses ne profitent que très modestement de la dégringolade du brut. Le prix moyen de l’essence sans plomb 95 (SP 95), par exemple, n’est passé de 1.59 fr. en janvier qu’à 1.41 fr. en avril.
Selon Martin Stucky, porte-parole romand d’Avenergy Suisse, l’ex-Union Pétrolière, «la raison principale est que le prix du pétrole ne détermine que partiellement celui de l’essence en Suisse. Les taxes étatiques jouent un rôle bien plus décisif, puisqu’elles représentent plus de la moitié du prix de l’essence».
Voici, pour mieux comprendre la composition du prix de l’essence en Suisse, un exemple fictif, calculé par Avenergy, pour un litre de SP 95 vendu 1.59 fr.
➛ Achat et fret: 28% du prix
Les trois quarts du carburant arrivent en Suisse sous forme de produits finis. Le solde provient de la raffinerie de Cressier (NE). Ces produits se négocient à la Bourse de Rotterdam. Les cours dépendent notamment du prix du pétrole brut sur les marchés internationaux, mais aussi d’autres facteurs, comme l’offre et la demande, la qualité ou encore le taux de change.
Dans notre exemple, l’essence SP 95 est achetée au cours de 588 $ la tonne à la Bourse de Rotterdam, soit 583.83 fr. A l’instar d’une bonne partie de l’essence importée dans notre pays, le carburant acheté dans notre exemple provient d’une raffinerie située le long du Rhin et arrive en Suisse à Bâle par voie fluviale. Le coût du fret est, ici de 19 fr. la tonne. Ce tarif prend l’ascenseur lorsque le niveau du fleuve est bas, les bateaux devant réduire les quantités transportées.
Fret inclus, la tonne a donc coûté 602.83 fr. L’essence achetée ayant un poids de 0,745 kg par litre (densité), l’achat et le transport de l’essence jusqu’en Suisse ont coûté ici 44.91 ct. par litre à l’importateur, ce qui représente 28% d’un prix de 1.59 fr. à la pompe.
➛ Taxes étatiques: 53%
L’essence est lourdement taxée en Suisse. Ainsi, l’impôt sur les huiles minérales s’élève à 43.12 ct. pour la SP 95 et la SP 98 et la surtaxe sur les huiles minérales à 30 ct., soit un montant de 73.12 ct. par litre. Avec les redevances d’importation de 0.33 ct., le prélèvement fixe se monte à 73.45 ct. par litre auquel s’ajoute la TVA, soit un total de taxes étatiques de 84.92 ct. par litre, représentant pas moins de 53% d’un prix de vente de 1.59 fr.
L’an passé, l’impôt grevant les carburants a ainsi généré la bagatelle de 4,5 milliards de francs, soit 6,2% des recettes de la Confédération. Ces revenus financent principalement des dépenses liées à la circulation routière et alimentent la Caisse fédérale.
Cette charge fiscale de 53% paraît très élevée, mais elle l’est, en fait, moins que dans les pays limitrophes où elle se montait, en janvier 2020, à 56,5% en Autriche, à 63,9% en Italie, à 61,7% en France et à 62,2% en Allemagne. En revanche, le prix moyen à la pompe est souvent moins cher en Europe qu’en Suisse (bit.ly/3ehr4FN).
➛ Marge commerciale: 19%
Le troisième bloc composant le prix de l’essence est la marge commerciale. Il s’agit de la différence entre le prix à la pompe (1.59 fr) et le prix d’achat additionné aux taxes (1.2973 fr.). La marge commerciale est ici de 29.27 ct. par litre, soit 19%. Elle englobe les divers coûts (distribution, transport en Suisse, marketing, amortissement des stations-services, etc.) et le bénéfice. Dans les stations-services, le bénéfice brut est de 2 à 6 ct. par litre. Comme la réalisation de profits avec la seule vente de carburant est devenue difficile, nombre d’entre elles misent sur les revenus générés par leur shop.
Le prix du carburant variant d’une station à l’autre, il n’est pas vain de comparer. Mais gare aux longs détours pour économiser quelques centimes! Selon le TCS, un trajet en voiture coûte en moyenne 71 ct. le km. Si une station plus éloignée vend, par exemple, le litre 3 ct. de moins, on n’économisera de l’argent sur un plein de 50 l (1.50 fr.) que si le détour représente moins de 2,2 km au total. D’autres mesures, comme le comportement au volant (écoconduite) ou une pression suffisante des pneus, sont plus efficaces pour faire des économies.
Sébastien Sautebin