Séduit par des arguments santé, le consommateur recourt de plus en plus aux compléments alimentaires pour faire le plein de vitamines, minéraux et autres substances actives de certaines plantes. Ces compléments sont-ils réellement bénéfiques pour la santé ou ne sont-ils qu’un miroir aux alouettes? Explications.
Un marché en pleine expansion
Le marché des compléments alimentaires a explosé ces dix dernières années; selon l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV), une personne sur trois a recouru à des compléments en 2022. Les plus consommés sont les compléments en vitamines C et D, ainsi que le magnésium. On est en droit de s’inquiéter quand on sait que le quart de ces achats s’est fait sur internet, sans garantie de qualité ni d’origine!
Inutiles voire dangereux
L’intérêt des compléments alimentaires est de prévenir ou de corriger une carence chez les personnes à risque. S’automédiquer sans nécessité n’apportera aucun bénéfice. Ainsi, selon plusieurs études, la prise de vitamine C pour traiter un refroidissement n’est pas efficace, ni à titre préventif ni sur la durée du rhume.
Pire, prendre des compléments sans prescription médicale peut s’avérer dangereux. Prenons le cas du bêtacarotène. Comme tous les antioxydants, il est bénéfique pour la santé, notamment dans la prévention du cancer; c’est un fait avéré quand il provient de la consommation de fruits et de légumes. Mais ce n’est pas le cas lorsqu’on l’absorbe sous forme de compléments. Les premières études sur le bêtacarotène datent des années 1990; elles avaient montré que les fumeurs qui recevaient des compléments en bêtacarotène présentaient un plus grand risque de développer un cancer du poumon que ceux qui recevaient un placebo.
D’autres études ont confirmé cet effet inattendu, notamment une méta-analyse de 2013, qui a conclu que le bêtacarotène, ainsi que les vitamines E et A prises à fortes doses augmentent globalement la mortalité.
Mauvaise interaction avec certains traitements
Des cas d’hépatites, consécutives à la prise de compléments à base de curcuma et de pipérine (un constituant du poivre noir qui augmente l’absorption de la curcumine), ont aussi été récemment constatés. En 2022, l’Anses (Agence nationale française de sécurité de l’alimentation) a reçu des dizaines de signalements, qui l’ont amenée à déconseiller ces compléments aux personnes souffrant de maladies des voies biliaires.
Pour les patients qui suivent des traitements anticoagulants, anticancéreux ou immunosuppresseurs, l’Anses recommande de se référer à leur médecin au préalable. Ces recommandations ne concernent pas la consommation de curcuma au naturel, car cette racine est loin d’atteindre les concentrations que l’on trouve dans les compléments.
Une richesse inégalable
Il serait illusoire de croire qu’il est possible de substituer par des comprimés toutes les substances qui se concentrent dans les aliments. Ces derniers contiennent en effet des milliers de molécules différentes qui interagissent en synergie pour nous maintenir en santé. Une telle richesse ne se retrouve pas dans les compléments alimentaires; rien ne peut, «hélas», remplacer une alimentation variée et équilibrée.
Doris Favre, diététicienne
Un coup de pouce parfois nécessaire
Une alimentation équilibrée et variée permet, a priori, de couvrir tous les besoins de l’organisme. Aucun complément alimentaire ne saura rectifier une alimentation déséquilibrée caractérisée par les excès de sel et de sucre, le manque de fruits et légumes ou encore la consommation de graisses de mauvaise qualité. Cependant, dans des situations particulières, des compléments peuvent se justifier. C’est une décision à prendre d’entente avec son médecin. Quelques exemples:
- pour les personnes âgées: calcium et vitamine D pour limiter l’ostéoporose;
- avant et pendant la grossesse: acide folique pour prévenir la malformation du tube neural du fœtus;
- avec un régime alimentaire restrictif: vitamines B12 pour les adeptes du véganisme, par exemple;
- en cas de perte d’appétit majeure, liée une maladie chronique: compléments multivitaminiques.