D’abord trop tôt, puis trop tard! Alessandra Wutholen a bien failli passer à côté de la baisse qui lui était due. En mai 2020, cette indépendante durement frappée par la crise sanitaire fait part de ses difficultés à son bailleur et lui demande une diminution de loyer justifiée par la baisse du taux hypothécaire. Un bol d’air qui aurait été bienvenu pour la Vaudoise, dont les revenus se sont effondrés: «Même avec les allocations perte de gain, je ne pouvais payer sur un mois qu’un quart de mes factures courantes.» Sa régie accuse réception mais temporise. Elle lui répond que l’échéance annuelle de son bail est fixée au 31 mars 2021, avec un préavis de quatre mois, et l’invite donc à réitérer sa demande ultérieurement au motif que «les critères nécessaires à une adaptation de loyer ne sont pas encore connus».
Les mois passent, la crise s’éternise, et les finances d’Alessandra Wutholen continuent d’en pâtir. Elle recontacte alors son bailleur en décembre. Mais là, c’est la douche froide: sa requête est, cette fois, considérée comme tardive! Elle est invitée à la reformuler pour le prochain terme… fin mars 2022. Explications de la régie: la demande de baisse aurait dû arriver le 30 novembre 2020 au plus tard pour être effective au 31 mars 2021.
Cette réponse fâche Alessandra Wutholen, qui pensait de bonne foi avoir fait tout juste: «Dans mon esprit, ma deuxième demande était un simple rappel de mon courrier de mai, fait largement dans les délais.» Elle insiste auprès de la régie, sans succès: la diminution est refusée «au vu de son caractère tardif». Contacté par Bon à Savoir, le représentant du bailleur finit par faire marche arrière et évoque un «malentendu». Se disant sensible aux difficultés de notre lectrice, il lui confirme une baisse de 75 francs par mois dès le 1er avril 2021.
Si l’histoire se termine bien dans ce cas, elle aurait pu connaître un dénouement moins heureux. Car le bailleur aurait eu le droit de se réfugier derrière un formalisme discutable, mais légal, pour gagner du temps. La loi contraint en effet le locataire à engager une procédure rapidement, dès le premier refus injustifié. A défaut, il doit tout recommencer!
Commission de conciliation en cas de refus
Rappelons que, lorsque le taux hypothécaire diminue, la baisse de loyer ne suit pas automatiquement. Le locataire doit la demander à son bailleur par écrit, et par courrier recommandé pour plus de sécurité. La diminution n’est pas rétroactive: elle n’entre en vigueur que pour la prochaine échéance fixée dans le bail, pour autant que la demande arrive à destination avant la fin du préavis contractuel. Dans le cas d’un contrat qui se renouvelle chaque année au 31 mars, avec un préavis de quatre mois, c’est donc le 30 novembre qui précède, au plus tard, que le pli doit être reçu. Attention: c’est bel et bien la date de réception qui fait foi, pas celle du cachet postal. La prudence commande donc de prévoir une marge de quelques jours supplémentaires. Si la lettre arrive ne serait-ce qu’un jour trop tard, la baisse ne pourra plus être exigée avant le prochain terme. Et, lorsque le bail se renouvelle annuellement, ce sont douze mois de perdus, sans rattrapage possible.
Si le bailleur ne répond pas, remet à plus tard ou refuse complètement ou partiellement sans motif valable (y compris parce que c’est trop tôt), le locataire ne doit surtout pas rester inactif, au risque de devoir recommencer ses démarches, ce qui implique de respecter à nouveau le préavis et l’échéance pour sa nouvelle demande. Il doit donc réagir vite et saisir la Commission de conciliation en matière de bail à loyer.
Le délai pour déposer une requête est de trente jours si la baisse est refusée ou insuffisante, et de soixante jours dès la demande en cas de non-réponse. La procédure a l’avantage d’être gratuite et relativement simple, il ne faut donc pas s’en priver
Un calculateur de loyer et des modèles de courrier pour demander une baisse et saisir l’Autorité de conciliation
sont à disposition des abonnés ici.
Silvia Diaz
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