C’est une pratique qui touche de nombreux produits en magasin. Côté pile, l’emballage vante la présence d’un ingrédient en particulier. Coté face, la composition indique que cet ingrédient ne s’y trouve qu’en très faible quantité. Une pratique autorisée par la loi, même si elle peut induire en erreur les consommateurs. L’Ordonnance fédérale concernant l’information sur les denrées alimentaires n’exige qu’une seule chose: la quantité doit être indiquée en pour cent dans la liste des ingrédients. Les fabricants ne se gênent donc pas de jouer avec les dispositions légales. Voici quelques exemples.
Guacamole Dip, Pancho Villa, vendu chez Migros pour 4.85 fr. / 320 g
La dénomination «guacamole» laisse entendre un produit affichant de l’avocat en ingrédient principal. Ce n’est pas juste du bon sens, mais l’avis du Laboratoire cantonal zurichois qui s’est intéressé à ce produit, en juin dernier. Or, le Guacamole Dip de Pancho Villa ne contient que 13,6% d’avocat. Sur 320 g, cela représente 43 g de chair, soit une fraction d’un de ces fruits exotiques. Ingrédient principal: l’eau.
Migros donne une explication contradictoire. D’un côté, elle affirme que la composition correspond à la recette traditionnelle du guacamole à laquelle «d’autres ingrédients ont été ajoutés» – se gardant bien de mentionner l’eau. De l’autre, elle estime que la dénomination «sauce à l’avocat», faite au dos du bocal, «ne permet pas de conclure à un guacamole composé exclusivement d’avocat».
Les amateurs du dip, eux, ne sont pas dupes. Plusieurs ont laissé des commentaires consternés sur le site Migipedia. «C’est de l’eau assaisonnée piquante», peut-on lire ou encore «avec si peu d’avocat, il s’agit d’une tromperie envers le consommateur».
Même si le contenu de Pancho Villa ne correspond pas à la définition du guacamole faite par le laboratoire cantonal, il reste en vente tout à fait légalement. En effet, la part d’avocat est dûment indiquée au dos du produit.
Pomegranate Green Tea, AriZona, vendu chez Lidl pour 99 ct. la bouteille de 0,5 l.
A en croire l’illustration de la bouteille, ce thé froid contient une grande portion d’anti-oxydants et de vitamines. Que nenni. Elle ne contient que 1,2% de jus de grenade et 3,8% de jus de pomme. Car, oui, contrairement à ce que laisserait entendre la photo avec la grenade au premier plan et la pomme en arrière-plan, la boisson contient davantage de jus de pomme.
Lidl fait savoir qu’il s’agit d’un article de marque et que ces dernières conçoivent leurs emballages de manière autonome. La firme AriZona, basée aux Etats-Unis, n’a pas répondu à nos questions.
Flûtes Gruyère et épinards, Fine Food, vendu chez Coop pour 3.60 fr. / 100 g
L’emballage présente de belles feuilles d’épinards fraîches, la moindre des choses pour un produit haute gamme. Les ingrédients font déchanter: 3% de poudre d’épinards et, pour qu’ils ne passent pas inaperçu, un colorant vert, le E141 (complexes cuivriques des chlorophylles). Coop souligne que les bases légales sont respectées et que l’image des flûtes sur la photo montre au consommateur à quoi s’attendre.
Crunchy Müesli Baie des bois, Happy Harvest, vendu chez Aldi pour 2.45 fr. / 500 g
Sur la face avant de l’emballage, les baies des bois ne passent pas inaperçues. Le paquet présente une jolie poignée de framboises et de myrtilles fraîches. Dans le bol, il faudra un peu mieux chercher. Selon la liste des ingrédients, les céréales d’Aldi ne contiennent que 2% de myrtilles lyophilisées et 1,5% de morceaux de framboises lyophilisées. Le service de presse d’Aldi souligne que les exigences légales sont respectées et estime que les clients profitent déjà d’une «très grande transparence».
Contre-exemple
Milfina Premium Yogourt Myrtille, vendu chez Aldi pour –.99 fr. / 200 g
Dans ce cas, Aldi ne rechigne pas à indiquer la teneur en fruits de 15% sur le devant du pot. Pas étonnant: les yogourts myrtilles contiennent le plus souvent entre 8% et 10% de fruits, soit un bon tiers de moins que le yogourt Premium. La mention sert donc avant tout, comme les illustrations généreuses de fruits, à des fins de marketing.
Comment éviter que les consommateurs ne soient induits en erreur? Une association francaise propose des seuils minimums pour pouvoir mettre en avant un ingrédient sur l’emballage. L’Association belge des consommateurs a exigé que la teneur en fruits soit indiquée sur la face du produit. Des revendications qui laissent les distributeurs suisses de marbre. Selon eux, la transparence est déjà garantie grâce à la liste des ingrédients.
Les autorités veulent clarifier les bases légales
Pour les chimistes cantonaux, les cas problématiques sont ceux des emballages qui montrent des fruits, alors que le produit ne contient que du sucre et des arômes artificiels pour en recréer le goût. Ils ont constaté que les exigences légales n’étaient souvent pas comprises. A leur demande, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) est en train de rédiger une lettre d’information pour clarifier l’application des bases légales. Celle-ci est en cours de préparation.