Fallait-il vraiment s'attendre à autre chose? La COMCO (Commission de la concurrence) renonce à enquêter sur les répercussions des taux de change sur le prix des articles de marque, en 2011 (alors que l'euro valait moins de 1,10 fr.). Dans son rapport préalable, elle estime que les consommateurs suisses en ont «pleinement profité»… Bon, elle admet bien qu'«un grand nombre» de fournisseurs «n'a pas été en mesure de donner des indications sur la portée exacte de cette répercussion», mais ce qu'elle en sait lui suffit pour se forger une opinion: il n'y a pas eu d'entente sur la fixation des prix entre eux et les grands distributeurs suisses – Coop, Migros et Denner. Donc, pré-enquête close, enquête principale inutile et basta!
Pourtant, à l'époque des faits, les choses n'étaient – de loin – pas aussi claires. Les différences de prix entre des produits similaires achetés en France et en Suisse étaient telles que même Monsieur Prix avait appelé les Helvètes à s'approvisionner de l'autre côté de la frontière! Et le SECO (secrétariat d'Etat à l'économie) concluait un rapport en écrivant: «En comparaison internationale, la Suisse compte actuellement parmi les pays dans lesquels la répercussion des variations de change est plutôt inférieure à la moyenne»… (lire notre actu online «A qui profite le crime?», 17.08.2011). Du coup, plusieurs baisses de prix consécutives avaient été consenties et annoncées à grand fracas!
Interpellée par ses lecteurs, notre rédaction relevait alors le prix d'une dizaine d'articles chez Aldi, Lidl, Migros et Casino, d'un côté et de l'autre de la frontière et comparait les résultats avec le même exercice mené un an plus tôt, lorsque l'euro valait 1.35 fr. Résultat de l'enquête: en Suisse, les prix avaient effectivement baissé de 6 à 7%, mais la différence avec la France restait assez similaire et de toute façon sidérale, jusqu'à 42% en moyenne! Des chiffres d'ailleurs largement confirmés par l'enquête préalable de la COMCO, qui estime que notre alimentation revenait, en 2011, 51,3% plus chère que la moyenne des 15 états de l'UE (tableau détaillé).
Mais, argumente la Commission de la concurrence, la chute de l'euro ne concerne qu'une petite partie du prix payé. Graphique à l'appui, elle laisse entendre qu'il est suffisamment courant qu'un produit acheté 0.28 fr. en Europe soit vendu 1 fr. en Suisse pour servir d'exemple. Or, la différence (0.72 fr. pour le marketing, les salaires, le loyer, etc.) n'est pas concernée par le taux de change. Donc, si l'euro chute de 1.35 à 1.10, cela représente une baisse de 15%, mais qui ne s'applique que sur les 28 ct, soit 4,2 ct. CQFD et enquête bouclée! Sauf qu'on aurait bien voulu trouver dans cet exemple où se situe la marge du vendeur et connaître son montant. En 2010 (avant), en 2011 (pendant) et aujourd'hui (après l'événement)…
Christian Chevrolet