En milieu hospitalier, le travail des diététiciennes* est largement méconnu. Pour beaucoup, cette figure reste celle qui prescrit des régimes et milite pour une alimentation saine et équilibrée. A l’hôpital, son rôle central est de combattre la dénutrition des patients.
«Quand l’appétit va, tout va»
L’adage prend tout son sens à l’hôpital, car rares sont les patients qui mangent suffisamment pour couvrir les besoins pendant leur séjour. Plusieurs facteurs y concourent.
Les médicaments: plus ils sont nombreux, plus ils prennent de la place dans l’estomac et plus leurs effets secondaires peuvent perturber l’appétit (nausées, diarrhées…).
Les traitements lourds: ils affectent l’alimentation. Par exemple, les traitements contre le cancer ou la douleur, ainsi que les mises à jeun pour des examens ou des opérations.
Les repas en eux-mêmes: Ils ne sont pas toujours au goût de certains. Ou ont parfois refroidi en cours de route.
Des stratégies pour compléter les repas
La première étape, à l’hôpital, est de dépister les patients dénutris ou «à risque». Puis des stratégies sont élaborées pour éviter ou limiter leur perte de poids. Dans un premier temps, leurs repas seront adaptés pour favoriser la prise alimentaire. Voici quelques mesures possibles:
- Opter pour une demi-portion, moins décourageante qu’une assiette trop remplie
- Eviter de commencer le repas avec un potage ou une salade, qui coupent l’appétit. Privilégier les protéines (viande, poisson…) et les féculents (riz, pâtes…), plus nourrissants
- Faire trois petits repas auxquels on ajoute des collations
- Opter pour des collations qui apportent des calories et des protéines: fruits oléagineux, flan, viande séchée ou fromage et crackers, frappé, fromage blanc et compote...
- Boire de préférence entre les repas
- Consommer des suppléments nutritifs liquides entre les repas. Ils sont concentrés en calories et en protéines
Quand ces mesures ne suffisent pas, il faut mettre en place une alimentation artificielle, constituée de lipides, glucides, protéines, vitamines et minéraux. Elle peut être introduite par une sonde nasale qui transporte les nutriments jusque dans l’estomac ou l’intestin: la nutrition entérale. Si le tube digestif ne peut être utilisé (en cas d’occlusion intestinale ou de vomissements répétés), il faut perfuser cette alimentation directement dans le sang. On parle alors de nutrition parentérale.
Quand cela est possible, on privilégie la nutrition entérale, car la motricité de l’intestin et ses défenses immunitaires seront stimulées.
Préparer le retour à la maison
Jusqu’à 40% des patients qui arrivent à l’hôpital présentent déjà une dénutrition, qui risque de s’aggraver pendant le séjour. On mesure donc l’importance du travail de la diététicienne. Elle devra adapter l’alimentation artificielle des patients en fonction de leurs besoins et de leur pathologie, suivre leurs bilans sanguins, leur poids et vérifier la bonne tolérance à ces produits. Elle organisera aussi, si nécessaire, la poursuite de la nutrition artificielle à domicile.
*Cette profession est très largement représentée par des femmes
Doris Favre, diététicienne
Des pertes de poids qui doivent alerter
La dénutrition résulte d’un déséquilibre entre des apports insuffisants en calories et/ou en protéines et les besoins de l’organisme. La première conséquence visible est la perte de poids, souvent sous-estimée par le patient et son entourage. On parle de dénutrition à partir d’une perte de poids de 5% en un mois ou de 10% depuis le début de la maladie.
Contrairement à une idée reçue, une personne en situation de surpoids ou d’obésité peut aussi être dénutrie, car une perte de poids due à la maladie est avant tout une perte de la masse musculaire.
Conséquences de la dénutrition:
- Diminution des défenses immunitaires, avec un risque plus élevé d’infections, plus graves et plus longues à guérir;
- Perturbation de la cicatrisation;
- Diminution de la capacité physique, de la mobilisation et de la force avec la fonte de la masse musculaire;
- Dépression, fatigue généralisée;
- Durée d’hospitalisation plus longue; augmentation de la mortalité.