On ne perd pas de temps dans certaines gérances. Plusieurs d’entre elles ont déjà notifié des hausses de loyer à leurs locataires, motivées par la hausse du taux d’intérêt de référence de 1,25% à 1,5%. Ce que l’on constate, c’est qu’elles ne se contentent souvent pas des 3% d’augmentation correspondant en principe à ce relèvement. L’explication est simple: la loi se montre généreuse avec les bailleurs. A la hausse du taux, ils sont en droit d’ajouter 40% de l’évolution du coût de la vie (IPC), ainsi que la variation des frais d’exploitation depuis la dernière fixation du loyer.
La vigilance est pourtant de mise. Il est possible de vérifier aussi bien la répercussion du taux hypothécaire que celle de l’IPC, les indices officiels étant publiés par les autorités. Quant aux frais d’exploitation, on peut les contester dans plusieurs situations.
Si votre immeuble a été construit ou acquis il y a moins de trente ans et que vous doutez du juste prix de votre loyer, vous avez en outre la possibilité de demander un calcul de rendement. Un rendement abusif permet au locataire de s’opposer à toute augmentation en cours de bail, même mathématiquement correcte. La démarche n’est pas gagnée d’avance mais peut s’avérer payante.
Voici les éléments que nous vous conseillons de vérifier si vous avez reçu une augmentation de loyer, sur formule officielle, basée sur la hausse du taux de référence de 1,25% à 1,5%.
1. Le taux hypothécaire
Seuls les loyers basés sur un taux hypothécaire de 1,25% peuvent être augmentés pour ce motif, c’est-à-dire ceux qui ont été fixés entre le 3 mars 2020 et le 1er juin 2023. Si tel est le cas, la hausse sera de 3%. Dans notre exemple (voir photo) le taux à la signature du contrat en 2021 était fixé à 1,25%. La hausse de 37.80 fr. est donc correcte (1280 fr. x 3%).
Pour vérifier à quel taux était fixé votre loyer, référez-vous au moment où votre bail a été signé, ou à la précédente modification du loyer net à la hausse ou à la baisse. Le taux de référence est mentionné dans le contrat, ou la modification, mais aussi, depuis 2008, publié sur le site de l’Office fédéral du logement.
2. L’indice des prix à la consommation/inflation
Il s’agit de l’évolution du coût de la vie qui se base sur l’indice des prix à la consommation (IPC) publié par l’Office fédéral de la statistique. Le bailleur peut tenir compte de 40% de ce renchérissement. Là aussi, depuis la dernière fixation du loyer. Dans l’exemple ci-dessus, l’indice connu à la signature du contrat en novembre 2021 était celui d’octobre 2021. Il était fixé à 101.6 points. Le dernier indice connu, sur la base de la même échelle, est celui de mai 2023. Il correspond à 106.3 points. La hausse possible est donc de 106.3-101.6/101.6 x 40% = 1,85% soit effectivement 23.30 fr.
Attention: Plusieurs échelles d’IPC coexistent car l’indice est régulièrement remis à zéro (décembre 2020=100, décembre 2015=100 etc.). Elles sont équivalentes entre elles. Pour calculer la variation, il faut comparer les deux indices au sein de la même échelle. Dans notre exemple, celle de décembre 2020=100. Le résultat serait faux si on tentait de calculer la différence entre l’indice d’octobre 2021 selon l’échelle décembre 2015=100, et l’indice de mai 2023 selon l’échelle de décembre 2020=100.
3. Les charges d’exploitation/hausse des coûts
Le bailleur peut répercuter la hausse de ses coûts d’exploitation. Mais son calcul est souvent contestable. Il ne s’agit pas des frais de chauffage ou de frais accessoires, mais des coûts d’entretien et d’exploitation de l’immeuble généralement compris dans le loyer (entretien, eau froide, électricité générale, conciergerie, impôts etc.). Les gérances prennent souvent en compte une évolution forfaitaire de 0,5% à 1% de charges par année civile. Le locataire peut contester ce calcul facilité et demander le calcul des frais réels, souvent en deçà. Ils sont parfois plus élevés, par exemple s’il y a eu des travaux dans l’immeuble. Dans notre exemple, le bailleur a tenu compte d’une hausse forfaitaire annuelle de 0,5% (0,58% sur 14 mois du 31.10.21 au 31.12.22). Le locataire pourrait contester ce montant (7.35 fr.), mais l’enjeu est très modeste.
4. La forme et les délais
La hausse doit être notifiée sur une formule officielle, qui indique l’ancien et le nouveau loyer, les détails de la hausse point par point et les délais et voies de recours. Elle ne peut entrer en vigueur que pour l’échéance du contrat, moyennant qu’elle ait été reçue au plus tard 10 jours avant la fin du délai de préavis. Dans notre exemple, le bail se renouvelle de mois en mois, sauf avis de résiliation donné au moins trois mois à l’avance. Le locataire a reçu la formule officielle le 12 juin 2023. L’augmentation peut entrer en vigueur le 1er novembre 2023.
La question d’un éventuel rendement abusif
Parfois, la hausse peut être abusive même si tous les critères précédents (hausse du taux/des charges/de l’IPC) sont corrects. Tel est le cas si le loyer procure au bailleur un rendement abusif (voir encadré).
Un calcul du rendement n’est possible que si l’immeuble a été acquis ou construit il y a moins de trente ans. On ne peut pas le calculer sans avoir accès aux prix d’achat du bien immobilier, et aux pièces comptables du bailleur. Pour savoir à quelle date votre immeuble a été acquis, vous pouvez prendre contact avec le Registre foncier du lieu où se situe l’immeuble. Si vous ouvrez une procédure, les calculs doivent être vérifiés par un spécialiste, par exemple l’Association suisse des locataires (Asloca).
On peut soupçonner un rendement abusif particulièrement dans les régions à pénurie, lorsque les loyers sont élevés et qu’ils n’ont pas été adaptés aux baisses du taux hypothécaire par le passé, voire, au contraire, augmentés au changement de locataire.
Silvia Diaz
Comment réagir quand la hausse semble abusive
- Le locataire doit s’adresser, par écrit, dans les 30 jours dès réception de la hausse, à l’Autorité de conciliation en matière de bail à loyer. Des lettres types sont disponibles (voir nos lettres types rubrique «loyer»).
- La requête doit être signée par tous les titulaires du bail et indiquer l’identité du propriétaire de l’immeuble. Elle doit être accompagnée d’une copie des pièces du dossier (bail, précédentes modifications du loyer, hausse contestée).
- Si vous entamez cette démarche, mieux vaut mettre de côté, chaque mois, le montant de la hausse dès sa potentielle date d’entrée en vigueur (dans notre exemple dès le 1.11.2023). Car si l’augmentation est suspendue pendant la procédure, le locataire devra payer le surplus à titre rétroactif au cas où sa demande est rejetée.