De la friture sur les lignes aériennes
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Bon à Savoir 01-2024
17.01.2024
Dernière mise à jour:
23.01.2024
Geneviève Comby
«Comment l’huile de friture entre-t-elle dans le réservoir?» C’est le drôle d’intitulé d’une vidéo publicitaire qui circule sur Internet. Une jeune femme y détaille comment la compagnie aérienne Swiss s’investit pour remplacer le kérosène qui propulse ses avions par de l’énergie verte. Transformée en carburant, la bonne vieille huile permettrait de réduire les émi...
«Comment l’huile de friture entre-t-elle dans le réservoir?» C’est le drôle d’intitulé d’une vidéo publicitaire qui circule sur Internet. Une jeune femme y détaille comment la compagnie aérienne Swiss s’investit pour remplacer le kérosène qui propulse ses avions par de l’énergie verte. Transformée en carburant, la bonne vieille huile permettrait de réduire les émissions de CO2 de 80%.
Les efforts du secteur aérien pour se décarboner sont louables. Parmi les options, les carburants d’aviation durables figurent en bonne place. Il s’agit de fuels fabriqués à partir de déchets ou de biomasse végétale, mais aussi de carburants de synthèse, obtenus en combinant du CO2 et de l’eau.
La bonne vieille huile de cuisson remplit déjà une (petite) partie des réservoirs, se félicite la porte-voix de Swiss. Quant au carburant de synthèse généré grâce à l’énergie solaire, ce serait pour très bientôt. Autrement dit: inutile de culpabiliser. Le flight shame, la honte de prendre l’avion, n’a plus lieu d’être. Le progrès est en marche, il est réjouissant et il est propre.
Sauf que des déchets «utiles», il n’y en a pas assez pour remplir les réservoirs des gros-porteurs. Et produire de la biomasse risque de concurrencer les cultures vivrières et de favoriser la déforestation. Quant aux carburants de synthèse fabriqués sans ressources fossiles, ils sont loin d’avoir concrétisé leurs promesses.
A ce stade, l’enthousiasme de Swiss sert surtout d’argument marketing. La part de biocarburant utilisé par les compagnies aériennes est inférieure à 1%. Les turbines continuent à réclamer du kérosène, tandis que le trafic aérien pourrait doubler, voire tripler, d’ici 2050. L’aviation contribue déjà pour près de 6% au réchauffement, en tenant compte des émissions de CO2 et de la condensation. Faire voler un avion à l’huile de friture ne suffira pas à relever le défi posé par l’urgence climatique.
Geneviève Comby