Partir à la pêche aux nouveaux assurés à grands coups de publicités, les caisses maladie ne s’en privent pas. Cet automne, certaines sont allées jusqu’à offrir une contrepartie financière. Après l’annonce d’une hausse massive des primes, de drôles d’opérations de séduction commerciales ont vu le jour sous la forme de partenariats entre des assureurs et les grands distributeurs du pays, Coop et Migros.
«Gagnez jusqu’à 200 fr. par nouveau client». C’est avec ce slogan que le Groupe Mutuel a fait la promotion de son «programme de recommandation». La caisse maladie incitait ses assurés à convaincre des proches de conclure une assurance. A la clé, un cadeau: un bon Migros de 50 fr., pour chaque contrat signé. Et jusqu’à 200 fr. pour plusieurs nouveaux assurés parrainés.
Pendant ce temps, la CSS ciblait les détenteurs d’une Supercard de la Coop, les informant qu’ils recevraient 555 superpoints bonus (l’équivalent de 5.50 fr.) s’ils adressaient une simple demande d’offre à la caisse maladie.
Frôler la limite
En jouant ainsi la carte de la récompense financière pour de nouveaux contrats d’assurance de base, ces caisses pourraient transgresser les règles. Mais elles savent parfaitement comment éviter cet écueil. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) rappelle qu’une circulaire encadre les actions publicitaires destinées à gagner de nouveaux assurés. Il s’agit notamment d’éviter que des assureurs sélectionnent les «bons risques» à coup d’avantages économiques. Offrir une contrepartie financière est donc interdit si celle-ci est versée à l’assuré qui signe un nouveau contrat.
Dans les deux cas décrits, pourtant «les règles ne sont pas outrepassées», constate l’OFSP. L’action de la CSS rétribue seulement les offres de contrat, pas les contrats eux-mêmes. En ce qui concerne l’opération du Groupe Mutuel, le bénéficiaire n’est pas l’assuré, c’est la personne qui le parraine.
La CSS et le Groupe Mutuel ont beau être dans les clous légalement, leurs méthodes interpellent. «Rétribuer des tiers pour glaner plus d’assurés a un coût pour le système de santé. Même si, dans ce cas il n’est pas énorme, il est financé par les primes… alors que le système est actuellement sous tension», estime le président de la Fédération suisse des patients et conseiller national, Baptiste Hurni.
Incursions sur le marché de l’assurance maladie
Pour lui, la démarche est d’autant plus délicate éthiquement qu’elle implique de grandes entreprises. La CSS avec Coop, Le Groupe Mutuel avec Migros, mais aussi Assura avec La Poste… Baptiste Hurni voit d’un mauvais œil ces géants «en position monopolistique ou quasi monopolistique qui commencent à entrer par la bande sur le marché de l’assurance maladie». Au point de se demander si on ne devrait pas purement et simplement interdire ces pratiques.
Geneviève Comby
Bien séparer l’assuré du consommateur
Les données engrangées grâce à la Supercard représentent une mine d’or pour Coop. L’enseigne fait d’ailleurs commerce de ces informations sur les comportements d’achat de ses fidèles clients auprès d’entreprises publicitaires (lire page 19). Alors doit-on s’inquiéter quand Coop et la CSS concluent un partenariat qui cible précisément les détenteurs de cette carte fidélité?
Durant le mois d’octobre, les possesseurs d’une Supercard étaient invités à demander une offre d’assurance à la CSS contre 555 superpoints. Pour ce faire, ils devaient donner leur numéro de client.
Tant la CSS que Coop nous ont assuré qu’aucun échange de données de clients n’aurait lieu entre elles. Interrogé, le Préposé fédéral à la protection des données rappelle les principes de la protection des données à respecter: les personnes concernées doivent pouvoir reconnaître quelles données sont transmises, à qui et dans quel but.
Selon la Loi sur la protection des données, aucun transfert de données entre Coop et la CSS ne devrait avoir lieu sans que cela soit clairement indiqué. Un garde-fou essentiel. Car, comme le rappelle Baptiste Hurni, Président de la Fédération suisse des patients, l’idée qu’une caisse maladie puisse savoir ce que vous buvez, ce que vous mangez est inquiétant: «Dans le cadre de l’assurance de base, une caisse ne peut pas vous refuser, en revanche c’est possible en matière d’assurances complémentaires».