Une boîte de 40 sachets de 5 g de fortifiant Dynamisan gran forte coûte
82.15 fr. à la pharmacie de la Tour au Grand-Saconnex (GE). Chez Amavita, Sunstore et Coop Vitality, elle est vendue 99.90 fr., soit 17.75 fr. de plus (21,60%)! Cet exemple surprenant n’est pas un cas isolé. Les prix des médicaments en vente libre, ou OTC (pour «over the counter»: par-dessus le comptoir) ne sont pas fixés par l’Etat mais laissés à la loi du marché. Du coup, ils peuvent varier sensiblement d’une pharmacie à l’autre. Notre comparatif de 20 produits montre des écarts significatifs allant de 10% à 53,3% (voir tableau).
Grands groupes plus chers
Nos chiffres révèlent aussi que les chaînes Sunstore, Amavita et Coop Vitality qui appartiennent au mastodonte Galenica (la dernière est une coentreprise avec Coop), sont les plus chères! Cette situation peut paraître surprenante mais elle n’est pas nouvelle. En mars 2016, une enquête du magazine Bon à Savoir avait dressé le même constat.
«Ce ne sont pas des philanthropes, loin de là», ironise un pharmacien contacté, qui estime aussi que le groupe doit financer une importante infrastructure avec ses marges. Plus souples, les petites structures et les pharmacies indépendantes peuvent donc économiser sur certains coûts. «Les grands groupes doivent payer des improductifs, de mon côté je fais tout moi-même», assène un professionnel indépendant.
De son côté, Galenica relativise les prix de notre tableau. «Notre clientèle bénéficie toute l’année de diverses promotions sur une grande partie de l’assortiment, qu’il s’agisse par exemple de nos «journées 10%», des bons de rabais ou des avantages des cartes de fidélité, souligne Guy Hüsler, porte-parole. Nous avons aussi des produits de marque propre avec un prix de vente plus avantageux et qui sont appréciés.» Un discours tenu également par Coop pour ses succursales Vitality. De quoi vraiment faire la différence avec la concurrence? Pas pour Serge Ayer, patron de la Pharmacieplus de Marterey, à Lausanne, qui note qu’«il existe un système de fidélité chez tout le monde».
Prix sous pression frontalière
Dans notre comparatif, la pharmacie de la Tour au Grand-Saconnex (GE) est la plus soucieuse du portemonnaie de ses clients. Elle fait partie du réseau Feelgood’s, qui regroupe quelques 160 pharmacies indépendantes, libres de fixer les prix des médicaments OTC. Quel est donc son secret? «Je suis à 250 mètres de la frontière et mon plus gros concurrent est une pharmacie discount française, explique son boss Christian Cordt-Moller. Je dois donc être performant. Certains collègues me demandent comment je fais pour avoir de tels prix, mais je suis toujours là.» Pour le pharmacien, «les prix de vente ne sont pas fixés en fonction de ce que les médicaments valent, mais d’après ce que les gens sont prêts à payer». La zone de chalandise, c’est-à-dire l’espace géographique où se trouvent les clients potentiels, joue donc un facteur essentiel.
Et puis il y a les choix des pharmaciens, qui expliqueraient certaines différences de prix de notre tableau. «J’achète beaucoup d’Anti-Brumm, explique Serge Ayer, ce qui me permet de bénéficier de rabais de quantité. En revanche, je ne commande que très peu de Collypan, qui ne fait pas partie de mes produits conseils. Mon prix d’achat, et par conséquent de vente, est donc élevé.»
En résumé, il vaut, de toute évidence, le coup pour le consommateur de comparer les tarifs, surtout s’il achète régulièrement le même remède.
Sébastien Sautebin
Dans le détail
Les dessous de l’enquête
Nous avons soumis une liste de médicaments en vente libre aux principaux groupes de pharmacies actifs en Suisse romande. Certaines chaînes, comme Amavita, Sunstore ou Benu proposent des tarifs identiques dans toutes leurs succursales. Les pharmacies indépendantes regroupées sous un même label sont, quant à elles, libres d’appliquer les prix souhaités. Pour ces dernières, nous avons mentionné dans le tableau le nom précis de l’officine consultée.
En plus des 20 médicaments non remboursés figurant dans notre tableau, nous avons également posé la question pour une poignée de préparations en vente libre, mais remboursées par l’assurance de base lorsqu’elles sont prescrites sur ordonnance, par un médecin. Dans ces cas, l’OFSP fixe un prix de vente maximal dans sa liste des spécialités (LS). Notre constat: ces traitements sont le plus souvent vendus au montant plafond indiqué par l’OFSP, parfois quelques francs de moins. C’est le cas, par exemple, des boîtes de 20 comprimés orodispo immodium lingual, 2 mg, généralement vendues 15.50 fr. (LS) mais disponibles à 14.80 fr. à la pharmacie populaire lausannoise du boulevard de Grancy et même à 13.05 fr. chez Benu.