A l’avenir, les voitures devront surveiller les mouvements oculaires des conducteurs. C’est ce qu’exige une nouvelle règlementation européenne. Le Conseil fédéral a repris cette disposition dans l’Ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers (OETV).
La surveillance du conducteur doit augmenter la sécurité au volant. Le système avertit, par exemple, les automobilistes lorsqu’ils détournent trop longtemps leur regard du pare-brise, soit après 3 à 6 secondes selon la vitesse de conduite. Depuis le 1er avril, les nouveaux modèles doivent en être équipés et, à partir du 1er janvier 2027, la prescription s’appliquera à toutes les nouvelles voitures immatriculées en Suisse.
Le contrôle est assuré par des caméras intégrées. Le règlement de l’Union européenne autorise également l’utilisation de caméras infrarouges. Celles-ci ne capturent que des images thermiques des visages. Mercedes, Hyundai et Volvo y ont recours. Les constructeurs les placent à différents endroits (lire encadré «Où se trouvent les caméras»).
Selon l’ordonnance, les données doivent rester dans le véhicule et ne peuvent pas être transmises. De surcroît, le conducteur doit pouvoir désactiver le système ou le signal d’avertissement. Mais le règlement exige également qu’il doit s’activer automatiquement à chaque nouveau démarrage du véhicule.
Tesla stocke des vidéos
L’Office fédéral des routes (OFROU) dit que les images ne sont pas envoyées aux constructeurs. Les entreprises automobiles interrogées nous l’ont affirmé également. Mais l’exemple de Tesla prouve que cela n’est pas forcément vrai: les véhicules du constructeur basé aux Etats-Unis envoyaient les images des caméras extérieures aux serveurs de l’entreprise où elles étaient enregistrées malgré les déclarations contraires. C’est ce qu’a révélé une enquête de la chaîne allemande ZDF en 2021.
Le manuel Tesla indique que la caméra de l’habitacle envoie également des images vidéo au constructeur en cas d’«évènement critique pour la sécurité», par exemple lors d’une collision. Tesla n’a pas répondu à nos questions.
Droit d’être informé
Outre les caméras de surveillance, les modèles les plus récents de nombreuses marques sont équipés d’autres appareils qui enregistrent des données et les envoient aux constructeurs. Ceci n’est en principe possible qu’avec l’accord de l’acheteur. Les contrats de vente contiennent donc une telle clause.
Mais on peut aussi refuser expressément de transmettre ses données personnelles. C’est ce qu’a fait Rémy Günter, de Zumikon (ZH). Après avoir acheté une Jaguar, ce spécialiste en sécurité a désactivé un appareil de transmission de données. Le lendemain, son véhicule ne fonctionnait plus. Le Zurichois a dû réactiver l’appareil pour pouvoir utiliser à nouveau sa voiture. Rémy Günter s’est adressé aux autorités suisses et britanniques de protection des données. Sans succès. Après quelques tergiversations, Jaguar a repris le bolide. Aujourd’hui encore, Rémy Günter ne sait pas ce que la voiture a enregistré et envoyé.
Selon la loi suisse sur la protection des données, les automobilistes ont le droit de connaître les informations enregistrées à leur sujet. Mais les constructeurs rechignent à dévoiler ce qu’ils collectent.
Un lecteur de Bon à Savoir a demandé les données enregistrées par la marque VW à son sujet. L’importateur suisse Amag ne lui a pas fourni beaucoup d’éléments concrets et il n’a pu obtenir un aperçu qu’après plusieurs requêtes: outre des indications sur la personne, le logiciel a également enregistré les itinéraires, les lieux de stationnement, les réglages du véhicule, les arrêts à la pompe et les dates de service. C’est ce que révèlent les intitulés des fichiers. VW n’a pas transmis leur contenu au conducteur.
Des données à 50 milliards de dollars
La publicité de la société spécialisée allemande High Mobility montre à quel point les constructeurs sont avides de collecter des données. L’entreprise déclare qu’elle peut extraire près de 90 informations différentes grâce aux capteurs des voitures, dont la position du véhicule, l’utilisation des ceintures de sécurité, l’accélération, l’enregistrement des accidents, les textes saisis dans le système multimédia ainsi que l’état de fatigue du conducteur.
La société de conseil McKinsey estime que les données automobiles collectées dans le monde valent aujourd’hui quelque 50 milliards de dollars. Cela alimente la frénésie de collecte, comme le montre une analyse de la fondation Mozilla (USA) sur les dispositions en matière de protection des données chez 25 constructeurs automobiles. Ces derniers collectent tous plus de données que nécessaire pour l’exploitation et le service à la clientèle. Renault et Dacia sont particulièrement mal notés dans l’enquête.
Thomas Schwendener / kg / seb
Où se trouvent les caméras?
Les constructeurs les placent à différents endroits.
Mercedes installe des versions infrarouges derrière le volant, près de l’écran du conducteur.
Dans les VolvoEX90, EX30 et EM90, elles se trouvent sur le tableau de bord derrière le volant, et sur la colonne de direction derrière le volant pour la HyundaiKona.
D’autres marques ont également choisi des caméras qui filment le conducteur en permanence. Quelques exemples:
Le manuel Tesla indique qu’elles sont situées au-dessus du rétroviseur intérieur dans tous les modèles. Sur la i4 de BMW, elle se trouve dans le tableau de bord, derrière le volant. Chez VW: elle sera intégrée au rétroviseur du nouveau modèle Tayron. La AudiA6 e-Tron en sera aussi équipée. Le constructeur ne nous a pas indiqué son emplacement. La future Elroq de Skoda en possédera une aussi. La marque ne fournit pas plus d’informations sur son emplacement.
Comment empêcher la collecte de données
Le meilleur moyen pour éviter la récolte d’informations personnelles est de renoncer à utiliser l’application mobile du constructeur. Lorsqu’on enclenche le système multimédia de la voiture pour la première fois, il convient de ne pas autoriser la collecte de données depuis le téléphone portable. Si c’est déjà le cas, il faut révoquer l’autorisation, supprimer l’application et réinitialiser le système aux réglages d’usine.
Notons que les constructeurs automobiles doivent indiquer précisément les informations qu’ils enregistrent, par exemple dans leurs contrats de vente ou dans les déclarations de protection des données de leurs applications. Le consentement peut être révoqué par le client à tout moment.
En outre, les propriétaires de voitures peuvent informer par écrit le vendeur et le constructeur qu’ils s’opposent à l’utilisation de toutes les données les concernant, excepté si leur collecte et leur conservation sont exigées par la loi. Les fabricants sont tenus de fournir aux clients qui le demandent les informations qui ont été recueillies à leur propos. kk / tos