A quel point les pommes, vendues en magasin, sont-elles contaminées par des produits chimiques? Fin septembre, Bon à Savoir a acheté 30 échantillons chez Aldi, Lidl, Migros et Coop, dans sept villes suisses. Et les a envoyés à un laboratoire allemand.
Les analyses ont porté sur les pommes entières, avec la pulpe et la peau. Quatre échantillons provenaient de Nouvelle-Zélande et les autres, de Suisse. Un kilo de pommes coûtait entre 1.88 et 6.30 fr.
Fait réjouissant: les huit pommes bio suisses étaient exemptes de résidus toxiques. Huit échantillons issus de cultures conventionnelles ont également obtenu de bons résultats. Notamment les Pink Lady de Nouvelle-Zélande achetées chez Lidl ainsi que les variétés Jonagold, SweeTango et d’un échantillon de Gala.
Mix de six produits chimiques
En revanche, le laboratoire a trouvé onze pesticides différents dépassant 0,01 milligramme par kilogramme (mg/kg) dans les 14 autres pommes conventionnelles. Neuf substances sont censées lutter contre les champignons, deux détruisent les insectes.
Le laboratoire a découvert le plus grand nombre de pesticides dans les Golden Delicious d’un magasin Aldi, à Genève: les pommes contenaient six produits chimiques différents. La plus grande quantité de pesticides a été trouvée dans les pommes Starking, d’un magasin Coop zurichois – portant le label d’IP-Suisse (voir encadré).
Aucun des 30 échantillons de pommes ne dépassait les valeurs limites légales pour les pesticides dans les aliments. Cependant, pour des raisons de prévention sanitaire, Bon à Savoir sanctionne les résidus de pesticides à partir de 0,1 mg/kg. Par ailleurs, les recherches sur l’impact de cocktails de différents pesticides sur la santé humaine sont encore rares.
Menace pour la santé et l’environnement
Dix échantillons contenaient des résidus de pesticides dits «à haut risque (HPP)», figurant sur une liste établie par l’organisation internationale Pesticide Action Network (PAN). Selon les Nations unies, ces substances actives causent «des dommages disproportionnés à la santé humaine et à l’environnement». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare ces produits chimiques comme cancérigènes, toxiques pour la reproduction, mutagènes, nocifs pour la couche d’ozone ou très dangereux pour les abeilles. Selon l’ONG Public Eye, ces substances «menacent la santé de millions de personnes dans le monde».
Le laboratoire a trouvé, au total, quatre pesticides très dangereux – captane, pirimicarbe, folpet et dodine – avec des résidus supérieurs à 0,1 mg/kg et sept autres substances de ce type à l’état de traces. Selon l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), le captane, le pirimicarbe et le folpet peuvent probablement provoquer le cancer chez l’homme. Dans des études sur le captane, des tumeurs se sont développées dans le duodénum de souris. En 2020, nos confrères de Gesundheitstipp avaient mené un test sur 30 personnes. Du captane et du pirimicarbe avaient été détectés dans un total de huit échantillons d’urine, provenant d’hommes, de femmes et d’enfants.
Limites légales respectées
En utilisant ces produits, les pomiculteurs suisses risquent de nuire à l’homme et à l’environnement. Mais l’Office fédéral de l’agriculture prend leur défense: les pommiers seraient atteints de très nombreuses maladies et nécessitent des «traitements de protection». Une pomme présentant un léger défaut dû à un parasite «ne pourrait pas être commercialisée en première catégorie» avec, pour effet, des pertes financières importantes. L’Office n’a pas pu indiquer quelle quantité de produits toxiques se retrouve sur les arbres.
Les grands distributeurs réagissent avec calme aux résultats de l’échantillon. Selon Migros, tous les fruits répondent à ses propres «exigences de qualité élevées». Chez Coop également, les «directives internes sur les pesticides» sont respectées. Aldi souligne que les valeurs «sont inférieures aux limites fixées par la loi». Lidl «prend connaissance des résultats».
Conseil: Nul besoin d’éplucher les pommes bio. Les vitamines et autres substances saines se trouvent en grande partie dans et juste sous la peau.
Sabine Rindlisbacher / ld
De dangereuses substances, malgré la coccinelle
Les pommes d’IP-Suisse contiennent aussi des pesticides dangereux. Les pommes les plus contaminées de notre test sont certifiées par le label «coccinelle». Les pommes Starking contenaient du captane, de l’acétamipiride et du dithianon, qui tuent les organismes aquatiques. Le captane peut probablement provoquer le cancer et l’acétamipiride peut nuire aux enfants à naître. Les deux échantillons de Cox’s Orange d’IP Suisse contenaient des pesticides très nocifs pour l’environnement, qui nuisent aux enfants allaités par le lait maternel et sont probablement cancérigènes. Au total, les trois échantillons contenaient 13 substances.
Selon IP-Suisse, les produits à la coccinelle sont «fabriqués de manière particulièrement respectueuse de l’environnement, durable et en grande partie sans pesticides». Malgré cela, IP-Suisse se dit «satisfait» des résultats, car aucune valeur limite légale n’a été dépassée. L’association se réjouit «que les producteurs prennent au sérieux les règles suisses et les directives d’IP Suisse».
Les trois échantillons proviennent de magasins Coop. Le grand distributeur ne vend presque plus que des pommes d’IP-Suisse. Malgré les échantillons contaminés, Coop continue de faire la promotion de l’association: IP Suisse encouragerait «avec force» les efforts visant à «réduire l’utilisation de produits phytosanitaires». Coop admet que les clients «ont tendance à payer les pommes plus cher» qu’avant le changement d’approvisionnement. La raison serait les «rétributions plus élevées» pour les producteurs certifiés IP.