Une fois qu’on sait les reconnaître, on les voit partout, ces «puffs», «vapes» ou cigarettes électroniques «jetables». Elles coûtent 10 fr. en moyenne (de 5 à 35 fr. selon la capacité) et permettent d’aspirer plusieurs centaines de bouffées parfumées, parfois chargées en nicotine.
Ces gadgets ont débarqué en 2020 en Europe et ciblent les moins de 25 ans, avec leur air de stabilo coloré et des arômes fraise banana ice, coconut melon ou autres energy drink. Il s’agit d’un enjeu sanitaire majeur aux yeux de l’Association suisse pour la prévention du tabagisme: les ventes croissent de manière exponentielle, la réglementation manque et un jeune sur huit en consomme.
Les puffs posent aussi un problème environnemental. En Suisse, seule une infime minorité est récoltée pour être recyclée. Pas étonnant pour un produit de si peu de valeur, conçu pour être jetable.
«Jetables»… mais pas vraiment
Le consommateur est censé s’en débarrasser une fois la batterie et le liquide épuisés, parfois après une journée d’utilisation à peine.
La règle de base est de les ramener à un point de vente, où elles entreront dans la chaîne de recyclage des appareils électroniques. La reprise est obligatoire et, si un commerçant ne les accepte pas, il est en infraction.
Encore faut-il que la personne derrière le comptoir le sache. Contrairement aux grandes chaînes de kiosques, les petits points de vente sont moins sensibilisés, et le contrôle incombe aux autorités étatiques.
Jamais ces cigarettes jetables ne doivent finir à la poubelle. A éviter aussi: les bacs de récupération de piles ordinaires. Car les puffs contiennent des circuits imprimés, en plus de leur batterie.
A Genève, les Services de voirie observent que bien des vapes finissent dans les poubelles publiques. Pire: elles sont parfois jetées dans la nature. L’Association pour la Sauvegarde du Léman constate que ces déchets se sont multipliés au bord du lac. La contribution anticipée de recyclage (CAR) de 15 à 20 centimes par vape ne suffit donc pas à sensibiliser massivement sur les dégâts environnementaux.
Aucune donnée fiable
«Nous voyons très peu de ces produits dans nos canaux. Nous ne pouvons pas prouver qu’elles finissent à la poubelle, mais nous le supposons», explique Sabrina Bjöörn, directrice générale de la Fondation SENS eRecycling. Sur son site internet, elle indique que 10 millions de puffs ont été importées en 2022 et que l’objectif de collecte est de 50%. Un taux déjà loin d’être atteint et qui représenterait 5 millions de puffs éliminées de manière incorrecte.
Les commerçants ont l’obligation d’assurer une solution respectueuse de l’environnement, selon l’Ordonnance sur l’élimination des appareils électroniques (OREA). L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) ne sait pas quelle est la part de puffs recyclées, mais les services compétents admettent tous qu’elle doit être extrêmement basse. «Quelques tonnes d’e-cigarettes sont jetées par erreur dans les ordures ménagères», chaque année, selon des estimations de l’Office.
Le conseiller national Nicklaus-Samuel Gugger (PEV/ZH) a interpellé le Conseil fédéral pour «réglementer les déchets toxiques générés par les cigarettes électroniques», l’an dernier. Le Gouvernement a répondu «ne pas avoir connaissance d’une mauvaise élimination de ces appareils, mais observer la situation de près», affirmant qu’il «pourrait proposer des mesures adéquates si les cigarettes électroniques font l’objet d’une élimination non appropriée».
L’OFEV, plusieurs voiries et les spécialistes de la gestion des déchets contactés par Bon à Savoir affirment pourtant que la situation actuelle n’est pas satisfaisante.
En bout de chaîne
La problématique des objets électroniques jetés aux ordures ne s’arrête pas aux vapes jetables. A La Chaux-de-Fonds, l’usine d’incinération Vadec fait partie des acteurs en bout de chaîne pour l’Arc jurassien. Christine Sautenet, directrice Clients et Partenariats, mentionne les jouets ou objets du quotidien possédant des batteries au lithium, qui se retrouvent à la poubelle ou sont broyés dans les encombrants. «Le risque d’incendie est réel», alerte-t-elle.
Des métaux rares sont perdus lors de l’incinération et les polluants se trouvent en augmentation dans les déchets finaux. Christine Sautenet appelle à retourner ces objets aux vendeurs pour enrayer le problème. Quitte à les rappeler à leur devoir de repreneurs au besoin.
Laura Drompt
Une taxe prélevée sur chaque vente
Les batteries au lithium présentent des risques d’incendie et d’explosion si on ne les récupère pas dans de bonnes conditions.Aluminium, lithium, cobalt, nickel, métaux lourds, composants électroniques, circuits imprimés doivent être récupérés.
Sur chaque vente de vape (environ 10 fr.) en Suisse, deux taxes sont prélevées:
- 15 à 20 centimes de contribution anticipée de recyclage (CAR)
- 5 centimes de taxe d’élimination anticipée (TEA) sur la batterie.