Peu d’entre nous sont capables d’observer un beau paysage sans lunettes ni verres de contact, car le nombre de personnes atteintes de myopie explose. On estime que la fréquence de ce trouble de la vision lointaine a doublé en quarante ans, pour des raisons probablement liées à l’augmentation du temps passé à regarder de près. En y ajoutant les autres troubles de la vue, environ 70% des Suisses auraient ainsi besoin d’une correction.
La chirurgie permet aujourd’hui de traiter la plupart des altérations courantes: hypermétropie, astigmatisme – sauf s’il est très irrégulier – et même presbytie. Trois techniques principales sont à disposition: le Lasik, la photokératectomie réfractive (PKR) et la pose d’implants. Si le patient peut, dans une certaine mesure, choisir celle qu’il préfère, elle dépend aussi du type et du degré de son trouble, ainsi que de la capacité de sa cornée à supporter une opération au laser. Kate Hashemi, médecin associée à l’unité de Cornée et Chirurgie réfractive à l’hopital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne, les passe en revue avec nous.
Le Lasik
Pratiquée pour la première fois sur l’homme en 1989, c’est l’une des deux techniques qui utilise un laser. Un premier appareil – généralement un laser femtoseconde – découpe un «volet» dans la cornée en laissant une charnière. On ouvre alors ce volet pour laisser un deuxième appareil – un laser excimer – venir sculpter la couche profonde de la cornée et corriger le défaut qui cause le trouble de la vision. Le volet est ensuite refermé et cicatrise tout seul avec le temps, sans suture.
L’opération se pratique en ambulatoire, sous anesthésie locale. Le patient reste donc conscient et doit fixer un point lumineux pendant l’intervention afin que sa pupille ne bouge pas, même si un système de guidage automatisé permet au laser de suivre automatiquement les mouvements involontaires. L’intervention est pratiquement indolore. «De plus, il y a peu de douleurs post-opératoires et on voit bien dès le lendemain. C’est l’opération la plus confortable, souvent réclamée par les patients», précise Kate Hashemi. En règle générale, elle ne nécessite pas d’arrêt de travail.
La PKR
A première vue, la photokératectomie réfractive ne diffère que peu du Lasik. Dans les deux cas, il s’agit de tailler dans la cornée au moyen d’un laser. Cette opération-ci ne nécessite cependant pas d’ouvrir une «fenêtre» à la surface de l’œil, car le laser travaille la surface de la cornée. L’intervention laisse donc une plaie qui peut, le temps de cicatriser, s’avérer un peu douloureuse. De plus, il faut attendre quelques jours pour retrouver une vision normale et utiliser des gouttes anti-inflammatoires pendant deux à trois mois. «En contrepartie, il s’agit d’une opération plus rapide et qui fragilise moins la cornée. Les risques de complications sont donc plus faibles», estime notre experte.
Les implants
Ils sont insérés dans l’œil à un emplacement qui varie selon les besoins. «Cette solution s’impose pour les personnes trop myopes pour être opérées au laser, ou dont la cornée ne supporterait pas cette technique», explique Kate Hashemi. On recourt aussi aux implants lorsqu’on remplace le cristallin des patients atteints de cataracte. Dans ce cas, on en profite pour corriger en même temps d’éventuels troubles de la réfraction. Tout comme avec le Lasik, on retrouve une vision normale presque immédiatement. Il s’agit néanmoins d’une opération plus coûteuse et qui nécessite, par la suite, un suivi régulier.
Pas pour tous
Il faut remplir trois conditions avant de passer sur la table d’opération: avoir plus de 20 ans, une vue stabilisée depuis deux ans et ne pas souffrir d’un défaut de la vue trop prononcé, car le risque de fragiliser la cornée augmente avec l’ampleur de la correction nécessaire. Dès 10 dioptries de myopie environ, une opération au laser devient problématique et sort du champ d’homologation des différents appareils.
Une cornée suffisamment épaisse et régulière est nécessaire pour supporter le laser. Il faut, en outre, ne pas avoir de chéloïdes ou autres problèmes de cicatrisation. «Ces paramètres sont passés en revue lors de la consultation préopératoire qui nous oriente vers la bonne opération, détaille Kate Hashemi. Pour ma part, je demande aussi au patient d’avoir essayé de corriger sa vision avec des lunettes ou des verres de contact pendant quelque temps avant d’envisager de se faire opérer.» A l’issue de cette visite préalable, pas moins de 20 à 30% des patients s’avèrent ne pas être de bons candidats.
On ne finit pas aveugle!
Ressortir aveugle de l’hôpital: un cauchemar qui passe par la tête de tous les candidats à l’opération... Les spécialistes estiment pourtant ce risque infime. L’opération est un succès dans environ 95% des cas; pour les 5% restants, il faut procéder à une retouche. Enfin, la vue est moins bonne qu’avant dans moins d’un cas sur mille. Ces chiffres varient peu en fonction de la technique utilisée.
«Certes courants, ces traitements restent des interventions chirurgicales. Dès qu’on touche à un tissu biologique, la réussite n’est pas garantie à 100%. On ne peut jamais exclure des complications inhérentes aux opérations, comme des allergies ou des infections», prévient Kate Hashemi, qui se veut néanmoins rassurante: elle n’a pas connaissance, à Lausanne, d’un patient ayant perdu la vue après une opération standard au laser.
Bye-bye lunettes?
Il faut néanmoins compter avec de possibles effets secondaires, aux premiers rangs desquels une sensation de sécheresse des yeux ou de halo autour des sources lumineuses. «Ils diminuent significativement après six mois voire un an», rassure la spécialiste de l’hôpital ophtalmique. Leur fréquence divise cependant les experts: une étude de 2015 conclut ainsi que 20 à 55% des patients ayant subi un traitement au laser font état de divers symptômes qui persistent six mois après l’intervention. En cas de choc, enfin, il arrive que le volet ouvert lors d’une chirurgie au Lasik bouge, raison pour laquelle on conseille souvent aux sportifs d’opter de préférence pour la PKR.
Peut-on dire bye-bye aux lunettes une fois sorti de l’hôpital? Oui et non: «L’objectif est de corriger à 100% le défaut visuel, mais la vue peut se dégrader à nouveau après, car l’œil évolue tout au long de la vie», nuance Kate Hashemi. La myopie peut ainsi reprendre ou la presbytie faire son apparition. Ainsi, un quadragénaire dont la myopie a été totalement corrigée ne pourra plus lire sans lunettes en devenant presbyte (lire encadré). Un cinquantenaire, lui, devra réfléchir avant d’opter pour une chirurgie au laser, car il est probable qu’il développe, peu après, une cataracte nécessitant une nouvelle opération et la pose d’un implant.
Combien ça coûte?
Considérée comme une opération de confort, la chirurgie réfractive n’est pas prise en charge par l’assurance maladie. Son coût varie suivant la technique: en Suisse, il tourne actuellement autour de 2000 fr. par œil pour le Lasik (un peu moins pour la PKR), et environ le double pour les implants, visites pré- et post-opératoires ainsi que d'éventuelles retouches comprises. Notons enfin que certaines caisses maladie accordent une réduction de plusieurs centaines de francs à leurs assurés – un indice qui laisse penser que les risques de complications – et donc de frais à venir pour l’assurance! – sont plutôt limités.
Vincent Cherpillod
Le cas particulier de la presbytie
Depuis quelques années, les cliniques spécialisées dans la chirurgie réfractive proposent des opérations pour traiter la presbytie (diminution progressive de l’élasticité du cristallin qui rend difficile la vision de près), qui se déclare souvent à partir de la quarantaine. Comme pour la myopie, la solution passe par le remodelage de la cornée au moyen d’un laser ou par la pose d’implants. Dans les deux cas, un compromis est à trouver pour que la vision soit nette à la fois de près et de loin. Il peut être soit:
⇨ La correction d’un œil pour qu’il voie correctement de près et de l’autre pour qu’il voie bien de loin. On parle alors de monovision. Le cerveau combine les deux images pour composer une vision nette.
⇨ La correction des deux yeux afin d’obtenir une vision multifocale, qui permet à chaque œil de voir net de près comme de loin. Plusieurs images de la scène vue sont envoyées sur la rétine; le cerveau se charge alors de sélectionner la plus nette.
Le choix de l’une ou l’autre technique est délicat, car il est difficile de savoir à l’avance si la personne s’y adaptera bien ou non. Pour la monovision, on peut cependant simuler le résultat final au moyen de lentilles de contact.