Les merguez sont les petites reines épicées des grillades estivales. Mais, à l’heure d’allumer le barbecue avec nos collègues de l’émission On en parle (RTS-La Première), nos analyses révèlent des surprises inacceptables: pas moins de 40% des lots achetés dans des boucheries et des supermarchés romands contiennent du porc et, parfois, d’autres espèces comme le cheval. En soi, leur présence n’est pas illégale, mais la loi stipule que tous les ingrédients d’un produit alimentaire doivent être indiqués (lire encadré). Or, les bouchers ont affirmé en chœur à nos enquêteurs déguisés en simples clients que leurs merguez contenaient uniquement de l’agneau et du bœuf. Les étiquettes des produits provenant des supermarchés fournissent la même information.
En réalité, les merguez achetées à Courroux (JU) contenaient près de 17% de cheval et, à Sion (VS), plus de 43% de porc ainsi que des traces de poulet, de cheval et de cerf (voir tableau)! Des chiffres qui scandalisent Louis Junod, vice-président de l’Union professionnelle suisse de la viande (UPSV): «C’est inadmissible, c’est de la tromperie et nous condamnons fermement ces pratiques. Si ces entreprises sont membres de l’USPV, elles seront sanctionnées!»
Des bouchers négligents
Dans quatre autres commerces – deux supermarchés et deux boucheries – les analyses ont montré la présence non déclarée de porc dans des proportions allant de 0,6% à 1,9%. Yann Berger, chimiste cantonal neuchâtelois, estime qu’il s’agit, ici, plus vraisemblablement de négligence que de tromperie au vu des faibles quantités trouvées. «On peut imaginer que plusieurs préparations différentes sont effectuées à la suite, sans nettoyage optimal de l’appareil de broyage entre deux.»
Une hypothèse qui est aussi celle de Louis Junod. «Lorsque plusieurs genres de saucisses sont préparées, les merguez se font à la fin, car elles sont épicées et colorées. Dans le poussoir, il reste toujours un peu de pâte de la préparation précédente, et cela peut contaminer les premières saucisses.» Le risque est donc connu, mais il existe des parades relativement simples, selon le vice-président de l’UPSV. Le boucher peut démonter et nettoyer sa machine au préalable, ce qui nécessite un gros quart d’heure ou, simplement, utiliser la pâte contaminée des cinq ou six premières merguez pour d’autres préparations. Autrement, «il suffirait de préciser que le produit peut contenir des traces de porc», pour éviter les désagréables surprises de notre test. Malheureusement, aucun établissement ne l’a fait.
Les explications des bouchers
Sébastien Fournier de la Boucherie Hérensia, à Sion, prétend que les merguez gorgées de porc qu’il nous a vendues ont été fabriquées par son prédécesseur, dont il a récemment repris le commerce. «Au vu du résultat, j’ai décidé de retirer tout le stock qu’il m’a laissé», estime-t-il opportun de préciser. A la Boucherie Paupe de Courroux, les produits incriminés auraient été fabriqués en fin de journée juste après une pâte de saucisse sèche de cheval. «Un reste dans la machine à hacher a pu provoquer cette grossière erreur. Nous avons mis tout en œuvre pour que cela ne se reproduise pas», écrivent les propriétaires. La Boucherie Margot de Neuchâtel reconnaît qu’il n’y a pas eu un nettoyage préalable complet de la machine à hacher, et s’engage à y remédier à l’avenir. Manor et Aldi ont également promis de tout faire pour éviter qu’une contamination ne se reproduise.
Taux de gras très variables
An niveau nutritionnel, toutes les merguez ne se valent pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser! Les analyses réalisées montrent que la teneur en matière grasse peut par exemple passer du simple (10,8%) au triple (32,9%) et le sel du simple (1,2%) au double (2,3%). Enfin, le taux de tissus conjonctifs utilisés est révélateur de la qualité de la farce (moins il est élevé, mieux c’est). Il varie du simple (9,7%) à plus du double (23,4%). Ironie de l’histoire, c’est la merguez en queue de classement pour sa forte teneur en porc qui obtient le meilleur résultat du point de vue nutritionnel.
Parmi les réactions, Eric Müller à Genève, dont les merguez sont les plus grasses, estime que ce résultat est sans doute dû au fait qu’elles sont les seules de notre panel à être composées uniquement d’agneau. Selon Migros, «la teneur en matière grasse des merguez piquantes Del Maître est dosée de sorte que le goût en bouche soit le plus agréable possible pour le client».
Quoi qu’il en soit, on gardera à l’esprit, en faisant ses courses, que les merguez doivent être consommées avec modération.
Sébastien Sautebin
En détail
Les critères du test
Le Laboratoire cantonal neuchâtelois s’est penché sur les viandes utilisées, alors qu'un institut français spécialisé a analysé leurs qualités nutritionnelles.
1. Présence d’espèces non déclarées
Toutes les espèces animales présentes doivent être indiquées, sauf si leur quantité n’excède pas 1% de la viande totale. Lorsque le labo n’a pas trouvé d’espèce non déclarée, le produit a été jugé «très bon». Si la quantité était inférieure à cette marge de tolérance, il a été considéré comme «satisfaisant». En dessus de 1%, il est «insatisfaisant» et, quand la teneur dépasse 10%, nous l’avons jugé «mauvais». Si la loi suisse n’interdit pas l’utilisation de porc ou de cheval, le Code des usages de l’Union professionnelle suisse de la viande (UPSV) stipule en revanche clairement qu’une merguez est composée de bœuf et/ou d’agneau, éventuellement de volaille (merguez de volaille).
2. 3. 4. Matière grasse, tissus conjonctifs, sel
L’échelle de notation concernant la composition nutritionnelle a été mise au point par Christian Richard, chimiste cantonal du canton de Vaud.