Depuis l’aube des temps, les hommes ont recouru à la fermentation pour conserver leurs aliments, au même titre que le salage ou la fumaison. La mise en conserves, puis la réfrigération ont éclipsé cette technique. Mais elle retrouve actuellement un certain engouement pour son caractère écologique, les saveurs qu’elle développe et ses atouts pour la santé. Car la lacto-fermentation contribue à la diversité de notre microbiote.
Un savoir-faire ancestral et universel
Simple à mettre en pratique la lacto-fermentation empêche un aliment de s’avarier et permet de le conserver longuement à température ambiante. Il suffit de laisser macérer dans un bocal hermétique des légumes frais dans un mélange d’eau et de sel, d’ajouter à volonté épices et aromates et d’attendre une à plusieurs semaines selon les recettes pour que la magie opère. Dans ce milieu humide et dépourvu d’oxygène, les bactéries lactiques présentes sur les légumes vont ainsi transformer le sucre en acide lactique. Ce dernier agit comme un agent conservateur en abaissant le pH et en rendant la préparation plus acide. Ce processus entrave le développement de bactéries pathogènes responsables, entre autres, du pourrissement.
Les aliments lacto-fermentés peuvent se stocker des mois, voire des années, tout en gardant leurs nutriments. Ainsi, au XVIIIe siècle, le Capitaine Cook embarqua quatre tonnes de choucroute pour son premier voyage de 27 mois. Ses marins la consommèrent, crue pour préserver la vitamine C, sans qu’aucun d’eux souffre de scorbut, fléau mortel des équipages de l’époque.
Sur tous les continents, on a conservé des aliments grâce à la lacto-fermentation. Non seulement les légumes, mais les fruits, les céréales, les poissons, la viande et des boissons. Autant de provisions durables pour affronter des périodes difficiles et les famines. Aujourd’hui, ces produits sont souvent indissociables des peuples qui les préparent. La choucroute d’Alsace, le kimchi en Corée, les sauces poisson et soja d’Asie, les feuilles de vigne grecques, les citrons confits d’Afrique du Nord, les poissons fermentés en Scandinavie, les chutney indiens, le tempeh indonésien, la bière, les cornichons, les olives, les fromages au lait cru, le pain au levain, les yaourts, le jambon cru, etc.
Bons pour la santé
Les atouts pour la santé de la lacto-fermentation ne sont pas négligeables. Contrairement aux conserves ou à la pasteurisation des aliments, elle permet de préserver les vitamines, même d’en augmenter la concentration, notamment celles des groupes B et K.
La fermentation agit comme une prédigestion et facilite ainsi l’assimilation des amidons et des protéines. C’est pourquoi les intolérants au lactose digèrent mieux un yogourt qu’un verre de lait, les bactéries ayant transformé une bonne partie du lactose en acide lactique.
Ce mode de conservation améliore l’assimilation des minéraux comme le fer et le calcium en inhibant l’effet de l’acide phytique. Elle diminue aussi la teneur en nitrates et en pesticides. Surtout, la lacto-fermentation renforce notre système immunitaire en contribuant à la richesse du microbiote. Notons que, plus les produits seront variés, plus la flore intestinale sera diversifiée.
Sûre et écologique
Une conserve maison mal réalisée risque de se révéler toxique, voire mortelle. Tout comme une denrée congelée dont la chaîne du froid aurait été rompue. Pas de souci de ce côté-là avec les produits lacto-fermentés. Dans l’hypothèse d’une fermentation ratée, l’aliment prendrait une couleur étrange, un aspect peu ragoûtant, un goût et une odeur suffisamment repoussants pour écarter l’idée de le manger.
La réalisation de conserves lacto-fermentées est aussi écologique, car elle ne demande aucune énergie: ni pour la cuisson – puisqu’il n’y en a pas – ni pour la conservation qui se fait à température ambiante. Les bocaux de légumes sont les plus faciles à réaliser. Pour trouver recettes et conseils, taper dans un moteur de recherches «Légumes lacto-fermentés».
Alors… à vos bocaux!
Doris Favre, diététicienne diplômée