Des farines d’insectes sont-elles intégrées à notre insu dans l’alimentation? Une vague de protestation déchaîne les consommateurs et vous avez été nombreux à nous faire part de vos inquiétudes. Tout est parti du récent feu vert de la Commission européenne à la commercialisation de poudre de grillons domestiques dans les aliments, décision reprise par la Suisse. Le manque de clarté des autorités et fabricants n’a pas aidé à apaiser les esprits. Mais, fait rassurant, toute trace d’insectes devra être indiquée.
Obligation d’informer sans appel
La poudre de grillons est désormais susceptible de se retrouver dans les pâtes, le pain, les biscuits, les barres de céréales, les sauces, les soupes, les plats à base de légumineuses et légumes, la bière ou encore les confiseries au chocolat.
Les vérifications de Bon à Savoir montrent que l’obligation d’informer est sans appel. La présence de l’insecte doit toujours être déclarée dans la liste des ingrédients sur l’emballage du produit, quelles que soient les quantités, même infimes. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) confirme que l’insecte doit être mentionné via ses noms commun et scientifique.
Conseil: pour repérer le grillon qui a suscité tant de craintes, cherchez la «poudre d’Acheta domesticus partiellement dégraissée (grillon domestique)». Comme souvent, il faudra sortir la loupe à l’heure des achats.
Nouvelles autorisations en attente
Les mêmes exigences strictes en matière d’étiquetage doivent être respectées pour tous ces nouveaux insectes mis sur le marché dans l’UE en tant que Novel Foods (nouveaux aliments). L’OSAV vérifie aussi que le produit s’est révélé sûr pour la consommation humaine au cours des vingt-cinq dernières années. Outre le grillon, ces prescriptions valent, aujourd’hui, pour le ver de farine et le criquet migrateur, autorisés en Suisse depuis 2017, qu’ils soient consommés entiers, broyés ou moulus. Des formes congelées, lyophilisées, en pâte et en poudre de larves du petit ténébrion mat (Alphitobius diaperinus) complètent le tableau.
D’après l’ONG International Platform of Insects for food and feed (IPIFF), qui promeut leur inclusion dans l’alimentation humaine auprès de l’UE, la Commission européenne a examiné et examine encore plus de 20 demandes d’autorisation pour des aliments à base d’insectes...
Additifs passés sous silence
Plusieurs lecteurs inquiets ont fait remarquer que nombre d’aliments contiennent déjà des insectes, dissimulés derrière les codes E120 et E904. A raison: ces additifs proviennent de la cochenille et de la cochenille asiatique (lire «Des riques de dérives?»). Utilisés depuis belle lurette dans l’industrie, on les retrouve dans les M&M’s, Schokos-bons et Ovo rocks, œufs en massepain, glaces ou chocolats pralinés. L’agent d’enrobage E904 peut aussi faire briller des fruits et légumes et le E120 teinter des saucisses.
Aldi, Lidl et Migros ont ignoré ces additifs quand ils ont promis qu’ils n’incluraient pas d’insectes dans leur assortiment. De même pour Nestlé: «Nous n’utilisons pas d’insectes dans nos aliments ou nos boissons et ne prévoyons pas de le faire à l’heure actuelle.» Ces entreprises ont ensuite admis la présence de ces additifs dans certains produits et rectifié le tir, arguant qu’ils parlaient des insectes du domaine Novel Food. Migros dit s’efforcer de diminuer les additifs, en général, dans ses marques propres, dont le E904 et le E120.
Pas végans mais allergènes
Les aliments contenant du E904, du E120 ou d’autres insectes ne sont pas végétariens ou végans. Il n’y a toutefois aucune obligation d’indiquer activement qu’ils ne le sont pas. L’organisation Swissveg conseille aux personnes concernées de bien lire la liste des ingrédients, voire de s’appuyer sur le V-Label.
Pour les nouveaux insectes, une mention bien visible doit indiquer que l’ingrédient peut déclencher des réactions chez les personnes allergiques aux crustacés, aux mollusques et à leurs dérivés ainsi qu’aux acariens, assure le Centre d’Allergie Suisse aha! Car des protéines apparentées peuvent déclencher des réactions croisées. Aucune obligation de ce genre pour les additifs issus de cochenilles: les personnes allergiques n’ont d’autres choix que de scruter la liste des ingrédients.
Gilles D’Andrès
Des risques de dérives?
Présents dans l’agro-alimentaire depuis longtemps, les additifs extraits d’insectes E120 et E904 doivent être désignés, sur les emballages, par le nom de leur catégorie fonctionnelle, suivi de leur nom spécifique ou de leur numéro E. Pour le premier, pigment-laque rouge obtenu à partir de cochenilles écrasées, on écrit donc «colorant: E120», «colorant: cochenille», «colorant: carmin» ou «colorant: acide carminique». Pour le second, résine issue d’une cochenille asiatique: «agent d’enrobage: E904» ou «agent d’enrobage: shellac».
La règle est stricte, mais le marché prend certaines libertés. Ces additifs sont parfois déclarés de manière différente ou incomplète: «gomme-laque», «pigment-laque» ou «agent de glaçage»… En sera-t-il de même avec les nouveaux insectes autorisés en Suisse? Les autorités cantonales compétentes devront s’assurer que, au fil du temps, l’industrie et la distribution ne simplifient pas l’étiquetage au détriment des consommateurs.
Gilles D’Andrès