«Félicitations, c’est bien VOUS! Madame Voulioz*, de Lausanne, qui êtes bien bénéficiaire certifiée d’un ensemble de cuisson, gratuit pour vous! Au total, 30 pièces de marque d’une valeur de 1932.60 fr.!»
A l’instar du courrier personnalisé reçu en décembre dernier par l’une de nos lectrices, l’entreprise Damart promet régulièrement la lune à sa clientèle. Cette fois-ci, se dit la destinataire, pourquoi ne pas en profiter? En se reportant aux petits caractères du document «Modalités de l’opération» joint au courrier, toutefois, elle déchante: en réalité, le cadeau principal n’est attribué qu’à la «meilleure cliente», c’est-à-dire à celle dont le montant des achats entre le
1er juillet 2017 et le 5 novembre 2018 sera le plus élevé.
Avec obligation d’achat
Comme la participation à l’opération est gratuite et qu’un lot de consolation – deux moules pour la cuisson – est prévu pour tous les participants, notre lectrice décide de renvoyer tout de même le formulaire mais sans rien commander. Ne voyant rien venir, elle finit par contacter l’entreprise. La réponse ne tarde pas: «Vous recevrez le cadeau seulement si vous faites une commande», lui apprend le Service clientèle de Damart.
Le hic? Les modalités de l’opération, décrites dans un texte de 27 lignes, sont pourtant limpides: «La participation est entièrement gratuite et n’est liée à aucune obligation d’achat, les cadeaux sont attribués gratuitement!» Dans pareil cas, l’issue est souvent toute trouvée: Bon à Savoir approche l’entreprise pour lui demander sa version des faits; celle-ci invoque une regrettable erreur, se confond en excuses, puis dédommage, parfois, la personne lésée. Or, cette fois, rien de tel! Pour Damart, qui campe sur ses positions, la gratuité ne concernait que la participation au concours permettant de gagner l’ensemble complet de 30 pièces, et non le gain du lot de consolation. «Notez que nous n’envoyons jamais de cadeau sans commande», souligne encore son Service clientèle.
Chose promise, chose due
Cependant, là encore, le texte indique le contraire: «Tous les clients destinataires de cette opération qui auront demandé leur cadeau recevront un ensemble de cuisson composé de deux pièces», est-il écrit noir sur blanc dans les modalités de participation. Dès lors, selon notre Service juridique, il s’agit d’une violation de la loi sur la concurrence déloyale (LCD), qui interdit toute pratique commerciale trompeuse ou contrevenant aux règles de la bonne foi. «Le fait d’indiquer que la participation à cette opération est entièrement gratuite et n’est liée à aucune obligation d’achat pour, ensuite, imposer aux clients de passer une commande en vue de recevoir leur prix peut effectivement tomber sous le coup de la LCD, en raison des indications inexactes ou fallacieuses données aux consommateurs», nous confirme Antje Baertschi, cheffe de la communication du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).
Dans une telle situation, les consommateurs lésés ont alors plusieurs voies de recours pour faire valoir leurs droits (lire encadré). Dans le cas présent, l’entreprise a fini par plier lorsque l’affaire est remontée jusqu’au Service marketing de sa maison mère, Damart International. Son responsable a désavoué le Service clients de sa filiale suisse et accepté d’envoyer les articles promis, assortis d’un bon de 40 fr.
* Nom d’emprunt
Vincent Cherpillod
Pratique
Comment se défendre?
Les victimes d’un acte de concurrence déloyale peuvent porter plainte sur le plan civil (art. 9-10 LCD) afin qu’un juge constate le caractère illicite de la pratique et octroie d’éventuels dommages et intérêts. Si la violation est intentionnelle, il est aussi possible de déposer une plainte pénale (art. 23).
Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), lui, dispose d’un droit d’action lorsque des intérêts collectifs sont atteints, par exemple un grand nombre de consommateurs. Dès lors, ces derniers peuvent se manifester auprès de lui. La démarche est gratuite et la marche à suivre est la suivante:
• Télécharger le formulaire de réclamation à l’adresse bit.ly/2s3NeoU (respecter les majuscules et les minuscules)
• Renvoyer au SECO le formulaire complété, accompagné des documents qui prouvent la pratique déloyale
⇨ Par courrier: SECO, Secteur Droit, Holzikofenweg 36, 3003 Berne
⇨ Par e-mail: [email protected]
⇨ Par fax: 058 464 09 56