A entendre notre lecteur de Provence (VD), le changement est presque miraculeux. Jean de Bosset – dit «Bosco» – a dépensé près de 9000 fr. en dix ans, pour trois prothèses auditives monaurales dont il n’a jamais été satisfait: «J’ai passé un temps énorme en consultations et en essais. Chaque fois, rien ne changeait, ou très peu. J’en étais toujours réduit à demander aux gens de parler un peu plus fort et d’articuler.»
Tout a changé le jour où le sémillant senior de 89 ans a acheté un «appareil auditif Sanitas SHA 15» pour ... 11.99 fr. chez Lidl. «J’ai failli tomber de ma chaise lorsque j’ai vu son prix sur la publicité. Puis j’ai décidé d’essayer.» C’est la surprise: «Je l’ai mis à l’oreille et j’ai redécouvert les sons! Ma compagne est à nouveau compréhensible, le téléphone est audible.» Notre «Bosco» ne porte pas le SHA 15 en permanence: il l’apprécie particulièrement quand il regarde la télévision.
L’appareil Lidl se contente d’amplifier le son
Un produit vendu 12 fr. peut-il donc rivaliser avec des modèles coûtant plusieurs milliers de francs? Les professionnels se montrent très critiques. Dionisio Cueto, technicien spécialiste du laboratoire d’audiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), souligne qu’il s’agit d’appareils radicalement différents. «Les prothèses auditives sont pourvues de systèmes électroniques très sophistiqués. Elles sont réglées exclusivement par des audioprothésistes diplômés, fréquence par fréquence, selon la perte auditive de chaque patient. Lors du port, le processeur analyse le son en temps réel et adapte l’amplification par rapport au milieu sonore.»
Les appareils comme le Sanitas SHA 15 sont de simples amplificateurs de son, en vente libre, sur lesquels on ne peut pas régler grand-chose, à part le volume. «Normalement, poursuit le spécialiste des HUG, une prothèse est toujours plus performante qu’un amplificateur puisqu’elle est adaptée à la perte et aux besoins du patient.» Selon lui, notre lecteur aurait eu la «chance» que sa surdité corresponde très bien aux réglages génériques du produit vendu par Lidl.
De manière générale, les amplificateurs peuvent permettre d’entendre mieux, mais essentiellement dans des environnements calmes. «Ils sont inutiles, voire gênants, pour des personnes plus exigeantes, qui veulent entendre dans des conditions difficiles, par exemple dans les restaurants, ou lors de réunions en milieu bruyant», estime Dionisio Cueto.
Danger pour l’oreille
Hélène Cao Van, responsable médicale de l’unité d’audiologie des HUG, souligne que les amplificateurs ne sont pas sans risques: «Les prothèses auditives possèdent toutes des systèmes de protection de l’oreille contre les bruits forts (MPO) qui peuvent être réglés par l’audioprothésiste. Les amplificateurs ne possèdent pas de protection de ce type, ce qui est susceptible d’abîmer l’oreille du patient en cas d’exposition à un bruit fort, ou sur la durée, si l’amplification est trop élevée par rapport à la perte auditive.»
La position du fabricant
L’entreprise allemande Beurer, qui commercialise le SHA 15, explique que son «aide auditive» s’adresse aux personnes souffrant d’une légère perte d’audition, n’ayant besoin d’une aide acoustique que dans certaines situations du quotidien. «Nous conseillons de toujours consulter un médecin ou un audioprothésiste au préalable, pour savoir s’il s’agit du produit adéquat», précise-t-elle. Selon Beurer, «les personnes qui souffrent d’une capacité auditive très réduite doivent envisager de se tourner vers une prothèse auditive, qui est bien plus sophistiquée et permet d’obtenir des résultats optimaux».
Jean de Bosset se dit, quant à lui, très satisfait de son SHA 15. Il était d’ailleurs retourné chez Lidl pour faire des réserves et en possède cinq exemplaires. Le tout lui a coûté moins de 60 fr.
Sébastien Sautebin
«Tu peux répéter?»: la phrase qui met la puce à l’oreille
A quel moment faut-il s’inquiéter d’une éventuelle perte d’audition? «Il est judicieux de consulter lorsqu’on remarque qu’on agace son entourage en demandant constamment de répéter ou quand on entend mal la télévision», relève Hélène Cao Van, responsable médicale de l’unité d’audiologie des HUG.
Il est recommandé de s’adresser à son généraliste en premier lieu. Il pourra vous réorienter auprès d’un spécialiste ORL qui, lui-même, pourra vous adresser à un audioprothésiste avec un diagnostic. Le médecin fournira aussi des informations claires sur le remboursement par les assurances.Hélène Cao Van suggère de ne pas se rendre directement chez un audioprothésiste: «Il se peut qu’il vous équipe alors que vous ne remplissez pas les critères de remboursement, et que vous vous retrouviez avec un appareil que vous devrez payer intégralement sans pouvoir le rendre.» En effet, l’AVS et l’AI ne remboursent un forfait limité qu’à partir d’un certain degré de perte auditive établi par un médecin ORL, et le modèle choisi doit figurer sur la liste des appareils agréés (lire «Prothèses gratuites seulement sur le papier»). Pro Senectute recommande de demander des offres détaillées à au moins deux audioprothésistes.