«Avez-vous quelque chose de moins cher?» Face à cette question, beaucoup de pharmacies ne répondent pas correctement et proposent des médicaments plus chers que nécessaire. Cela, malgré l’insistance des enquêteurs de Bon à Savoir.
Tout est parti de la colère d’un lecteur, Philippe: il a acheté un spray nasal à 12.90 fr. et réalisé, une fois à domicile, qu’il existait une alternative à 3.30 fr. avec la même substance active et davantage de contenant. Il avait pourtant demandé le produit le moins cher. «On se fie aux conseils de la pharmacie – mais elle vous refile le médicament sur lequel elle gagne le plus!», s’agace-t-il.
Deux bons élèves... sur 46
Nous avons voulu en avoir le cœur net. Pour cette enquête, nous avons demandé un spray nasal qui soulage un refroidissement et un médicament contre la diarrhée, destinés à une dame de 68 ans, sans antécédents médicaux. D’emblée, nos journalistes ont requis «le médicament le moins cher possible» et ont observé ce qui était proposé. Il était ensuite demandé si c’était bien là «les produits les moins chers» et s’il existait, par exemple, un «générique du générique».
Résultat: notre panier final aurait dû ne coûter que 9.75 fr. Et nous avons vu des factures à 20 fr., 27 fr., voire... 31.40 fr. pour la pharmacie romande la plus chère de notre échantillon. Un écart de +227%.
Malgré nos demandes précises, une seule pharmacie sur les 16 visitées à Lausanne, Genève, Fribourg et Neuchâtel a d’emblée proposé les médicaments les moins chers. Trois autres n’ont proposé qu’un seul produit au prix effectivement le plus bas du marché dès la première requête sur les deux demandés. Le constat était très similaire pour nos confrères de K-Tipp, qui se sont rendus dans 30 pharmacies en Suisse alémanique: une seule échoppe leur a fourni ce qui était demandé et les 29 autres ont voulu vendre des préparations plus chères.
Demandes balayées
Certaines personnes à la vente ont balayé nos demandes, déclarant qu’il n’y avait rien de plus économique disponible, alors que nos vérifications ont démontré qu’il existait des génériques en stock.
Ainsi, la pharmacie Coop Vitality de la gare de Bâle proposait le médicament contre la diarrhée Imodium lingual à 19.50 fr. (2 mg, 20 comprimés) et le spray nasal Xylo Mepha Plus à 13.70 fr. (10 ml). La vendeuse n’a pas mentionné d’alternatives moins chères. Ce n’est que sur demande de la cliente qu’elle a cité le lopéramide en capsules de Sandoz à 6.45 fr. (2 mg, 20 capsules) et le spray nasal Spirig à 3.30 fr. (15 ml). Sur requête, la cliente a donc pu économiser 23.45 fr.: 13.05 fr. pour le produit contre la diarrhée et 10.40 fr. pour le spray nasal. Coop Vitality a indiqué qu’elle allait «former le personnel de vente en conséquence».
Deux pharmacies ont avancé un même argument pour recommander l’Imodium lingual plutôt que le lopéramide en capsules: son mode d’absorption. Une vendeuse d’Amavita a expliqué que les capsules de Sandoz étaient moins bonnes parce qu’on ne pouvait pas les laisser fondre sur la langue. Cela constituerait un «inconvénient considérable». Le groupe Galenica, propriétaire de ces pharmacies, s’engage à analyser ce cas et en parler avec le lieu de vente.
Pharma Suisse n’y voit pas de problème
Fait marquant: de nombreuses pharmacies ont recommandé des produits de la multinationale Mepha, bien que ni le médicament contre la diarrhée ni les sprays nasaux de Mepha ne soient les moins chers.
Face à ces résultats, l’association des pharmaciens Pharma Suisse déclare n’identifier aucun problème: on ne peut pas exiger des pharmacies qu’elles «délivrent toujours la préparation la moins chère». Pour les médicaments sans ordonnance, les clients doivent donc s’activer eux-mêmes pour faire des économies.
Anja Schelbert / Laura Drompt / eb
Rupture de stock? Demandez une preuve
Si votre médecin vous a prescrit un médicament, prenez garde à ce qui sera remboursé. Depuis janvier, les assurés paient une quote-part de 40% sur les produits originaux (lorsqu’une alternative moins chère existe), contre 10% sur les génériques.
La Confédération compte ainsi économiser 300 millions de francs par an grâce à «la contribution de chaque assuré».
Si, en pharmacie, on vous délivre l’original car le générique est en rupture de stock, demandez-en une trace écrite, à faire suivre à votre assurance maladie.
Si des raisons médicales s’opposent à la prescription du générique, il reste possible d’obtenir un original, plus cher, sans quote-part plus élevée. Mais il faut que votre médecin le signale.
Se préparer avant l’achat
Ne comptez pas sur la personne au comptoir pour vous aiguiller vers l’option la moins chère possible. Voici comment vous préparer au mieux:
Avant de vous rendre en pharmacie
Identifiez la substance active dont vous avez besoin (par exemple, le paracétamol). Vous la repérerez sur vos boîtes de médicaments usuels.
Lancez une recherche avec ce nom sur le site med.mymedi.ch/index: il liste les produits et leurs prix. Prenez note du moins cher.
En pharmacie
Demandez la marque et la quantité exactes souhaitées, insistez pour avoir le produit le moins cher.
N’hésitez pas à demander le prix et comparez avant de passer en caisse: combien le médicament coûte-t-il? Quel est le prix par comprimé ou par 10 ml? S’il n’est pas en stock, voyez s’il est possible de le commander dans un délai raisonnable.
Produits «naturels» et formulations différentes
Plusieurs pharmacies ont proposé des produits naturels devant les symptômes bénins que nos enquêteurs ont exposés. Le geste est louable et le conseil pour un spray nasal plutôt sage, dans cette échoppe genevoise: «On ne commence pas par un médicament vasoconstricteur, mais par une option plus douce, à l’eau de mer.»
Certes, mais les solutions salines proposées coûtaient jusqu’à 25 fr. le flacon. A ce tarif, mieux vaut tenter les rinçages à l’eau salée «maison» (en dissolvant une cuiller à café de sel dans un demi-litre d’eau tiède.
Plusieurs pharmacies ont proposé du Carbolevure en lieu et place de l’antidiarrhéique. Là encore, la solution douce a son prix: 21.35 fr. pour 30 capsules.
Enfin, il est parfois nécessaire de tester la formulation, qui peut ne pas convenir malgré un même principe actif. A vous de juger ce qui convient le mieux, en accord avec votre médecin.