Au début de l’adolescence, l’argent est source de nombreux conflits. Le prix affiché est rarement le premier critère pour choisir tops, T-shirts et baskets. Si les parents ne freinent pas la planche à billets, le choc sera brutal au moment de gérer soi-même ses dépenses.
Pour la prévention de l’endettement*, le «salaire jeunesse» est le meilleur moyen de prendre conscience de la valeur de l’argent. Les parents s’engagent à verser chaque mois un montant fixe sur un compte au nom de l’enfant. Ce dernier peut ainsi régler ses dépenses courantes, telles que loisirs, vêtements et frais de téléphone (lire encadré). L’âge idéal pour l’introduire se situe autour de 12 ans. «L’enfant sait alors très bien compter et il n’est pas encore confronté à toutes les tentations de l’adolescence», explique Célia Brocard, responsable des compétences financières chez Pro Juventute.
Adapté à chaque famille
Le montant dépend de la situation financière familiale et devrait correspondre, grosso modo, aux dépenses consenties jusque-là par les parents. Pour le fixer, l’idéal est de les noter pendant plusieurs semaines et de les répartir sur 13 mois: un supplément sera bienvenu avant Noël pour les vêtements d’hiver. Tous les désirs de consommation n’ont pas à être financés par les parents. Si les envies dépassent le montant attribué, on encouragera l’adolescent à le compléter en cherchant un petit boulot, tel du baby-sitting.
Célia Brocard déconseille le salaire «au mérite», lié, par exemple, aux notes reçues: «Certains enfants doivent fournir plus d’efforts pour arriver au même résultat. Dans une famille, cela peut créer un sentiment d’injustice.» Le revenu ne devrait pas non plus être lié aux tâches régulières. On peut, en revanche, rétribuer un coup de main exceptionnel pour faire les vitres ou aider lors d’un déménagement.
En assumant la responsabilité de ses dépenses, l’enfant commettra inévitablement des erreurs. Célia Brocard déconseille d’accorder une rallonge au milieu du mois si tout a été dépensé, mais un prêt peut être accordé exceptionnellement. Certains adolescents grandissent ainsi très vite, ce qui peut impliquer de renouveler toute la garde-robe en peu de temps. Si ça devient une habitude, la démarche perd son sens: les enfants savent se montrer très créatifs pour s’équiper à bon compte et trouver un abonnement de téléphone portable avantageux. Au bout de six mois, on fera le point sur la démarche et la manière dont l’enfant vit ses nouvelles responsabilités pour faire les ajustements nécessaires.
Ecole de vie pour tous
L’introduction d’un salaire jeunesse n’est pas anodine. Selon une étude de la Haute Ecole de psychologie appliquée de Lucerne, les parents qui se sont lancés dans l’aventure témoignent avoir appris à lâcher prise et à déléguer certaines décisions. Il n’est en outre pas facile de se mettre d’accord sur le montant adéquat et sur les exigences qui en découlent.
De leur côté, les adolescents gagnent en autonomie et apprennent à planifier à moyen terme. En participant à l’achat d’un ordinateur ou d’un téléphone portable, ils ont conscience de la valeur des choses et prennent davantage soin de leurs affaires. Généralement, on constate une diminution des conflits et un apaisement du climat familial. Le salaire jeunesse prépare enfin de manière optimale les jeunes à l’utilisation du salaire d’apprenti, puis des premières paies: bienvenue dans la vraie vie!
Claire Houriet Rime
Combien faut-il donner à quel âge? Le site salairejeunesse.ch met à disposition des outils de calcul: tout dépend de ce que le jeune doit assumer. Selon l’étude de la HES de Lucerne, la moitié des jeunes perçoivent entre 100 fr. et 200 fr., le quart entre 200 fr.et 300 fr.
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Les bons comptes font les bons amis
Plus les choses sont précises et claires, au départ, moins il y aura de renégociations par la suite. L’association Salaire jeunesse propose sur son site* une liste précise des dépenses à répartir. Aux parents, le loyer, la nourriture, les produits d’hygiène, les assurances, les frais de santé et de transport, les activités en famille, les éventuels instruments de musique et équipements sportifs. Les cours de musique ou les activités sportives figurent aussi sur leur liste, mais le jeune peut y participer.
De leur côté, les adolescents géreront les loisirs et les sorties, les vêtements, le coiffeur, les frais de téléphone portable et l’entretien du scooter ou du vélo. Après l’école obligatoire, ils prendront aussi en charge les repas de midi à l’extérieur: le montant sera alors adapté en conséquence.
Il est important de préciser qui paie quoi dès le début, par écrit: cela évitera de longues discussions quand il faudra renouveler le matériel scolaire ou l’équipement de gymnastique. Certaines familles définissent aussi un cadre à respecter: présence aux repas, tâches ménagères, travail scolaire, sorties, garde-robe minimale, soit sous-vêtements en suffisance, chaussures et tenues correctes.