En ce moment même, plus de 1400 patients sont sur une liste d’attente pour au moins un organe en Suisse: poumon, cœur, foie... La vie de ces personnes dépend du nombre de donneurs.
Le Parlement et le Conseil fédéral ont préparé une nouvelle loi, qui ferait de tout un chacun un donneur présumé. Le but est d’augmenter le nombre de transplantations.
Du consentement explicite à présumé
Car la Suisse se base, pour l’heure, sur le modèle du consentement explicite. C’est-à-dire qu’une personne doit annoncer sa volonté – à ses proches et sur une carte de donneur, par exemple – de donner ses organes pour que ceux-ci soient prélevés à sa mort.
Le nouveau modèle est dit «d’opposition» ou «de consentement présumé». Il renverserait la situation actuelle et quiconque ne s’y oppose pas expressément deviendrait donneur d’organes. Un comité de spécialistes (médecins, travailleurs sociaux, théologiens) lance un référendum contre la loi promulguée cet automne. Il veut que la population puisse voter sur une question aussi importante que le prélèvement d’organes.
Protection moindre
Bon à Savoir soutient le principe du référendum, afin de permettre à tout un chacun de se prononcer. Le fait que le silence d’un patient soit interprété comme un consentement interroge jusqu’à la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine (CNE), qui aurait préféré un autre modèle: celui de l’obligation à se prononcer.
La CNE admet que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. «Bien que la population soit majoritairement favorable au don d’organes, peu de personnes expriment leur volonté de manière explicite. Par conséquent, les proches ont la lourde tâche de décider.» Or, dans le doute, ces derniers disent souvent non, comme l’a expliqué l’éthicienne Samia Hurst sur les ondes de la RTS. Avec de lourdes conséquences pour les personnes en attente de transplantation.
Or, le modèle de l’opposition pose un risque bien réel: selon la CNE, il «protège moins bien les droits de la personnalité du défunt que le modèle du consentement explicite».
Une troisième voie
Le modèle de la déclaration obligatoire aurait eu l’avantage de stimuler la confiance dans le don d’organes, tout en respectant le droit à l’autodétermination et en déchargeant les proches du fardeau de la décision finale.
Le Comité référendaire craint que la nouvelle loi ne désavantage surtout les personnes socialement défavorisées, qui ont plus de mal à s’informer sur leurs droits et à faire valoir leurs décisions. Pour qu’un don soit valable, il doit être volontaire, explique Ruth Baumann-Hölzle, directrice de la Fondation Dialog Ethik. Selon elle, la nouvelle réglementation augmente le risque que les chirurgiens prélèvent des organes contre la volonté des patients: «L’Etat commet alors, de fait, un vol.»
Donner son avis, dans tous les cas
Environ 20% de la population ne serait pas favorable à donner ses organes en Suisse, la majeure partie pour des raisons religieuses. Ces personnes auront toujours l’occasion de signaler leur refus avec la nouvelle loi.
A noter que les grandes religions monothéistes encouragent le don d’organes, en tant qu’acte de charité, à condition qu’il s’agisse d’un choix explicite. La Conférence des évêques suisses aurait ainsi préféré la voie de la déclaration volontaire, tout comme la Commission nationale d’éthique.
Que le référendum aboutisse ou non, il est essentiel d’ouvrir le débat au sein des familles, appelle Swisstransplant. Car 60% des proches ne savent pas ce que voulait le défunt. Quel que soit notre âge ou notre état de santé, nous avons tout à gagner d’annoncer clairement notre choix et, si possible, de l’inscrire dans le Registre national du don d’organes (aussi pour s’opposer au don). Le site swisstransplant.org/fr permet d’y accéder facilement.
Laura Drompt
Pour quelle raison signer le référendum?
Le Comité référendaire «Non au don d’organes sans consentement explicite» a besoin de récolter au moins 50 000 signatures d’ici au début de janvier pour que la population puisse voter sur la nouvelle réglementation.
Signer le référendum ne signifie pas qu’on s’oppose au don d’organes. Et cela n’empêchera pas de se prononcer en faveur de la loi le jour du vote! Ce geste vise à demander un suffrage démocratique et laisse chacune et chacun libre de son choix.