Vedette des fêtes de fin d'année, le foie gras ravit autant les gourmets qu'il horripile les défenseurs des animaux. Les uns préfèrent fermer les yeux sur les méthodes d'élevage pour laisser leurs papilles s'extasier, les autres boudent ce plaisir pour dénoncer la souffrance des palmipèdes. Existe-t-il un moyen de réconcilier les deux camps? La réponse est négative, bien que des produits puissent être jugés plus acceptables que d'autres.
Manuel ou mécanisé, c'est pareil
Le nœud du problème, c'est le gavage des oies et des canards qui vise à décupler la taille de leur foie. C'est une étape inéluctable pendant laquelle on leur glisse un embuc (une sorte d'entonnoir) dans le gosier afin qu'ils ingurgitent environ un kilo de maïs par jour en plusieurs fois. Cette phase se déroule entre dix et quinze jours avant la mise à mort de l'animal.
Avec l'industrialisation, le gavage s'est fortement mécanisé avec l'emploi de pompes hydrauliques ou pneumatiques. Des petits producteurs continuent toutefois à nourrir leurs palmipèdes à la main. Le procédé est un poil plus humain, mais ne change en rien le fait que les animaux sont nourris de force. Car si la filière a tendance à relativiser le phénomène, en arguant que les volatiles se gavent naturellement à l'état sauvage pour affronter le froid ou de longs vols, jamais ils ne mangeront au point de faire décupler leur foie! D'ailleurs, les expériences d'engraissement libre n'ont jamais donné de résultats probants.
Ecart dans l'élevage
C'est dans les conditions d'élevage que le bien-être de l'animal peut être différent: accès à un parcours extérieur, surface de vie par individu, etc. Dans la grande majorité des exploitations – surtout industrielles – les volatiles sont enfermés dans des cages individuelles où ils ne peuvent pas bouger pendant toute la phase de gavage. A ce titre, le Label Rouge est un brin plus exigeant que les appellations protégées, puisqu'il n'autorise que 30% de cages individuelles.
Moins prisé que celui de canard, le foie gras d'oie représente moins de 10% du marché en France. L'avantage, c'est qu'il est plus rarement issu d'un élevage intensif et qu'il peut être fabriqué à partir de mâles ou de femelles; chez les canards, seuls les mâles sont élevés, alors que les canettes sont généralement tuées à la naissance.
Toujours est-il que l'on est pas près de trouver du foie gras éthique. Et les produits de substitution comme le Faux Gras (100% végétal) peuvent certes tromper la vue, mais pas l'odorat et le goût. Tout comme un vin sans alcool et des protéines de soja texturé ne remplaceront un bon cru et une vraie sauce bolognaise!
Yves-Noël Grin