D’un poids de près de 2 kilos, le microbiote intestinal est constitué de quelque 100 000 milliards de micro-organismes, principalement des bactéries, qui peuplent l’intestin grêle et le côlon. Il est connu depuis plus d’un siècle, mais jusqu’à récemment, les moyens techniques permettant d’étudier les détails des interactions entre notre organisme et cette flore étaient limités. Ces dernières années, le développement des techniques de séquençage haut débit du matériel génétique ont donné un nouvel élan à la recherche, relève Gilbert Greub, directeur de l’institut de microbiologie du CHUV.
Il s’agit d’une piste sérieuse pour comprendre l’origine de nombreuses maladies, bien au-delà de la sphère digestive. Des études ont établi des liens entre une flore appauvrie – la dysbiose – et l’obésité, le diabète, des maladies auto-immunes ainsi que des maladies neurologiques. Notre santé est donc directement liée à la richesse de notre microbiote. A l’instar d’une empreinte digitale, il est propre à chaque individu. Parmi les 160 espèces de bactéries que comporte en moyenne le microbiote d’un individu sain, une moitié est communément retrouvée d’un individu à l’autre, explique l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
De multiples causes d’altération
Écosystème complexe, le microbiote intestinal commence à se constituer dès la naissance. Naître par césarienne plutôt que par voie basse appauvrit sa diversité, car le bébé est ensemencé par les bactéries de sa mère lors d’un accouchement par voie basse. L’allaitement est aussi favorable au développement de la flore intestinale. A contrario, certains médicaments ont un effet néfaste. Les antibiotiques peuvent affecter son équilibre et son fonctionnement. Normalement, sa richesse se reconstruit après l’arrêt d’un traitement. Il convient d’utiliser les antibiotiques de la façon la plus raisonnée possible. En cas de traitements répétés ou plus longs, il peut demeurer altéré pendant plusieurs années. Certaines études révèlent en outre un lien néfaste entre la composition de la flore intestinale et la consommation d’additifs. L’utilisation d’émulsifiants et d’édulcorants, en particulier, favoriserait l’inflammation intestinale. Une hygiène excessive, surtout durant les premières années de la vie, peut également perturber l’équilibre du microbiote. Globalement, le mode de vie moderne a entraîné un appauvrissement de sa diversité. «La théorie hygiéniste a fait du mal à la santé. En standardisant l’alimentation et en cherchant à éviter tout risque infectieux, nous avons tué les bactéries qui éduquent notre système immunitaire», relève Rémy Burcelin, directeur de recherche à l’Inserm.
Prudence avec les probiotiques
Le marché des probiotiques, des bactéries et levures susceptibles d’avoir des effets bénéfiques sur la santé, est en pleine expansion. Ils auraient un impact positif lorsqu’ils sont présents en quantité suffisante, à en croire les fabricants. Des centaines de cocktails de souches bactériennes ont fleuri dans le commerce ces dernières années. La promesse est la suivante: un comprimé permet de prendre soin de cet organe malmené par le stress ou une alimentation déséquilibrée. Attention! L’efficacité de ces produits reste controversée. La plupart des allégations de santé ne sont pas prouvées scientifiquement. Les données sur l’efficacité de ces probiotiques demeurent contradictoires. Les microbiotes de certains individus seraient ainsi hospitaliers vis-à-vis des probiotiques, tandis que d’autres y seraient résistants. «Mieux vaut rester prudent avec les probiotiques, car des effets secondaires ne sont pas exclus», indique Gilbert Greub. Ils doivent être prescrits pour des indications précises, comme certains problèmes intestinaux.
Comment soigner sa flore intestinale
Le régime alimentaire façonne la composition du microbiote. En adoptant une alimentation équilibrée, on permet à l’organisme de renouveler le stock de bactéries. «Une alimentation variée et équilibrée apporte une diversité de probiotiques qu’on ne retrouvera jamais dans une gélule», souligne Nicoletta Bianchi, diététicienne au CHUV. On veillera ainsi à consommer des fibres de diverses origines: céréales complètes, fruits et légumes, légumineuses. On évitera aussi au maximum les aliments ultratransformés, riches en additifs. Les produits fermentés, comme les yaourts, certains fromages ou la choucroute sont également bénéfiques. Une certaine prudence est de mise vis-à-vis des produits à la mode. Le kéfir et le kombucha sont, par exemple, des boissons fermentées très en vogue. S’ils contiennent des nutriments intéressants, le manque d’études disponibles ne permet pas de confirmer les bienfaits de ces produits de niche. Les personnes à risques devraient éviter de consommer du kombucha fait maison. Les bactéries vivantes qu’il contient peuvent en effet être nocives si les précautions d’hygiène n’ont pas été respectées.
De nombreuses pistes thérapeutiques
Plusieurs pistes sont envisagées pour modifier la composition du microbiote et soigner les maladies déclenchées ou entretenues par une dysbiose. Une méthode déjà pratiquée et qui suscite beaucoup de curiosité est la transplantation fécale. Elle consiste à introduire les selles d’une personne saine dans le tube digestif d’un patient afin de reconstituer sa flore intestinale. Elle est proposée actuellement pour une seule indication, l’infection récidivante Clostridium difficile, bactérie responsable de sévères diarrhées. L’effet est spectaculaire avec un taux de guérison de 80 à 100%. Des recherches sont menées pour savoir si ce type de traitement pourrait être utile pour d’autres sortes de maladie. Si le traitement est généralement bien supporté, cette technique n’est pas sans danger. Elle peut avoir des effets indésirables. Le risque de transmettre des bactéries infectieuses ne peut pas être complètement exclus.
Alexandre Beuchat
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