La question de notre lectrice est apparemment anodine: «Pourquoi l’additif E572 n’est pas répertorié dans votre application (lire encadré) et quel est votre avis à son sujet?»
Elle se complique toutefois rapidement lorsqu’on s’aperçoit qu’elle a raison et qu’on cherche à comprendre pourquoi. Car le E572 n’apparaît pas non plus dans l’index des additifs du «Codex Alimentarius» (référence internationale en la matière), ni dans celle de l’Ordonnance fédérale sur les additifs admis dans les denrées alimentaires (OADD). Or, ces listes désignent les produits autorisés avec, comme corollaire, que tous ceux qui n’y figurent pas sont interdits...
L’influence de la toile
Normal, estime l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV), en charge du dossier, car le E572 n’existe que sur le web, notamment dans Wikipedia. Le stéarate de magnésium – qu’il est censé désigner – figure pourtant bel et bien dans l’OADD, tout comme dans la liste européenne officielle, mais sous le code 470b, répondant à la désignation «Sel de magnésimum d’acide gras». On pourrait certes chipoter, le stéarate n’étant pas complètement identique au sel de magnésium, mais là n’est pas l’important. Ce qui l’est, c’est que, si erreur il y a, elle a joyeusement été reprise par l’industrie alimentaire et qu’on la retrouve désormais dans la liste des ingrédients de certains produits.
C’est le cas des fameuses pastilles acidulées Fizzy Rolls, dont se souviennent tous ceux qui ont vécu leur enfance dans les années 80. Le code E572 y apparaît avec, comme seule précision, qu’il s’agit d’un anti-agglomérant, mais sans indiquer qu’il s’agit du stéarate de magnésium. Et il en va ainsi de nombreuses autres confiseries, mais aussi de certains compléments alimentaires et de médicaments.
Leurs fabricants sont-ils, du coup, dans l’illégalité? «Une chose est sûre, répond Nathalie Rochat, porte-parole de l’OSAV: il s’agit d’une mauvaise déclaration. Elle tombe dès lors dans la compétence des organes de contrôle cantonaux.» Et, comme il en existe 26 en Suisse, on ne cherchera pas à en savoir plus...
Pas de danger apparent
D’autant que, apparemment, le produit est sans danger, contrairement à ce que de nombreux blogs et forums laissent entendre. Le stéarate de magnésium est, en effet, composé de deux substances naturelles simples et inoffensives: du magnésium (à raison de 5% environ) et de l’acide stéarique (95%). Le premier est un minéral indispensable à la santé. Le deuxième est un acide gras saturé de 18 atomes de carbone, dont on sait qu’il ne faut pas abuser, mais qu’on trouve dans des quantités importantes notamment dans la graisse de bœuf ou dans le chocolat. Pour comparaison, deux carrés de chocolat noir à 70% (soit 10 g) apportent 1 g d’acide stéarique, contre 10 à 20 mg dans un complément alimentaire...
Ce qui ne veut pas dire non plus que cet additif est utile pour la santé, puisqu’on s’en sert pour éviter que les ingrédients ne collent les uns aux autres ou aux machines utilisées pour leur fabrication. Donc, pour des raisons économiques et de confort.
Christian Chevrolet
Décodage
Une application indispensable
Les aliments sont de plus en plus «complétés» avec des additifs (colorants, conservateurs, etc.) souvent mentionnés sur les étiquettes, mais parfois seulement sous une forme codée: un E, suivi d’un numéro entre trois et quatre chiffres.
On prendra pour exemple une soupe contenant des exhausteurs de goût identifiés comme E621, E627 et E631 sur l’emballage. Voici la traduction que vous ne trouverez pas sur l’étiquette: il s’agit, respectivement, de glutamate, de guanylate et d’inosinate de sodium. Tous les trois peuvent déclencher des allergies et de l’asthme et sont donc déconseillés aux personnes qui y sont sensibles: cela non plus, vous ne le lirez pas sur l’étiquette!
Notre application «Codes E» vous permet de comprendre ce que l’industrie tente de vous cacher, en vous informant non seulement des risques encourus et des éventuelles contre-indications pour les personnes suivant un régime (végétarien, gluten, etc.), mais également en expliquant à quoi sert chaque additif retenu et dans quel aliment on le trouve le plus souvent.
Disponible sous iOS et Android au prix de 4 fr.